Cet homme-là est presque le clone d’Emmanuel Macron. Nommé Premier ministre ce mardi 9 janvier à l’âge de 34 ans, Gabriel Attal a aussitôt été comparé au président français, qui fut ministre de l’Économie à 37 ans. Avant de conquérir l’Élysée deux ans plus tard.
Attention toutefois aux ressemblances hâtives: le Premier ministre a un bilan. Il n’est pas sorti de nulle part. Il est celui qui, durant ses sept dernières années de présidence Macron, a le mieux tiré profit des changements politiques survenus en France. Il est bien moins «hors-sol» que son patron, jamais élu avant d’accéder au sommet de l’État. Et c’est bien pour cela qu’Emmanuel Macron pourrait lui confier les rênes du gouvernement, en remplacement de la haut-fonctionnaire Élisabeth Borne, forcée à démissionner lundi 8 janvier.
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Gabriel Attal a trois atouts qu’il a su conserver au fil des postes gouvernementaux qu’il a occupés depuis 2018 (secrétaire d’État à la jeunesse, porte-parole du gouvernement, ministre du Budget, ministre de l’Éducation nationale puis Premier ministre).
Le goût du débat
Le premier est son caractère. Homosexuel déclaré, ce natif de la banlieue parisienne dont il est député (des Hauts-de-Seine, le département le plus riche de France) est à la fois un homme de réseaux et de terrain. Il n’a jamais négligé les élus locaux, et il a gardé de ses années passées au parti socialiste (de 2010 à 2016) le goût du débat et du social.
Fait étonnant pour ce fils de famille bourgeoise, il n’est pas perçu comme un «ministre des riches», alors que ce reproche est souvent fait à Emmanuel Macron, attendu à Davos le 17 janvier pour vanter l’attractivité économique de la France aux multinationales.
Capacité de travail
Deuxième atout: sa capacité de travail. Gabriel Attal est un «bosseur» qui a, très tôt, appris le fonctionnement des cabinets ministériels, ces officines où tout se décide en France. Il travailla aux côtés de la ministre socialiste de la Santé Marisol Touraine. Il fut politiquement proche de Dominique Strauss-Kahn, l’ex-patron du FMI discrédité par le scandale sexuel de 2011 alors qu’il lorgnait sur la présidentielle.
Attal aime forger des compromis. Il a réussi, à l’Éducation nationale, à rallier derrière lui les syndicats d’enseignants. Il est aussi apprécié de la droite centriste. Utile, face à une Assemblée nationale où le camp Macroniste n’a pas de majorité absolue.
Tenir tête au RN
Troisième atout: c’est un battant, idéal pour tenir tête à l’extrême droite dans le combat politique qui va dominer 2024: les élections européennes du 9 juin, pour lesquelles les sondages donnent le Rassemblement national (RN) de Marine Le Pen et Jordan Bardella avec dix points d’avance, ce qui serait un camouflet pour Emmanuel Macron, chantre de la souveraineté de l’Union européenne.
Entre Gabriel Attal, 34 ans, Premier ministre, et Jordan Bardella, 28 ans, président du Rassemblement national, la bataille est en effet engagée. Ces deux espoirs sont devenus l’an dernier les «têtes de gondole» enviées de leurs camps politiques respectifs. Deux surdoués de la communication, chacun dans son registre, mais avec une identique marque de fabrique: l’autorité.
Jordan Bardella, le vent en poupe
S’il est nommé à l’Hôtel Matignon, où siège le Premier ministre français, Gabriel Attal aura en effet une tâche prioritaire: éviter que 2024 soit l’année où tout réussit à Jordan Bardella. Tête de liste aux Européennes pour le RN, celui-ci est désormais l’une des personnalités politiques préférées des Français.
Il peut prendre son envol avec ce scrutin du 9 juin, à moins d’un mois du début des Jeux olympiques d’été de 2024 qui se dérouleront dans son fief: la Seine-Saint-Denis où il a grandi, département le plus pauvre de France. La preuve sera faite alors que le mouvement d’extrême droite a réussi à passer le relais d’une génération à l’autre. Fondé en 1971 par le patriarche Jean-Marie Le Pen sorti des catacombes du colonialisme et de l’antisémitisme, le RN rimera plus que jamais avec avenir.
Premier violon ou chef d’orchestre?
Pour y parvenir, Gabriel Attal peut compter sur sa popularité. Pour les sondeurs, le tout nouveau Premier ministre «imprime» dans l’opinion. Ses prises de position sur l’interdiction de l’abaya (le vêtement islamique porté par les femmes), l’exclusion des élèves qui s’opposent à la laïcité ou le retour de l’uniforme dans certains établissements (comme en Rhône-Alpes) l’ont mis en avant. Mais attention: s’il devient chef du gouvernement, ce premier violon se retrouvera chef d’orchestre. La tutelle de l’Élysée ne sera plus pour lui un tremplin, mais un risque d’éteignoir.
Attal-Bardella: entre ces deux trentenaires, qui n’ont jamais connu d’autre horizon professionnel que la politique, le duel électoral et démocratique a donc déjà démarré, Matignon ou pas.
Destination, au-delà des européennes de 2024? Évidemment la présidentielle de 2027, ses espoirs et ses mirages. En sachant que pour l’un comme pour l’autre, l’ivresse de la vitesse, comme celle de la jeunesse, peut toujours finir en gueule de bois.