Emmanuel Macron est un homme (presque) seul. Depuis sa première élection en mai 2017, le président français de 46 ans (depuis le 21 décembre) n’a pas réussi à constituer autour de lui une équipe durable, un parti solide, et une majorité parlementaire fidèle. Résultat: depuis les élections législatives de juin 2022, le locataire de l’Élysée ne dispose, à l’Assemblée nationale, que d’une majorité relative. Ce qui oblige sa première ministre Elisabeth Borne à négocier à chaque fois des soutiens, ou à passer le plus souvent en force, sans vote, avec l’article 49.3 de la constitution.
Est-il possible de changer cette donne avec un nouveau gouvernement? Macron peut-il, comme il l’a répété le 31 décembre lors de ses vœux, tenir grâce à sa «détermination»? On va le voir dans les prochains jours, puisqu’un remaniement ministériel devrait avoir lieu. Mais quoi qu'il arrive, ces cinq personnages-là seront essentiels pour son avenir politique. Sans eux, pas d’issue. Les voici.
Yaël Braun-Pivet, le pivot
La présidente de l’Assemblée nationale est, à 53 ans, celle qui incarne le plus l’impossible tâche présidentielle d’Emmanuel Macron. Cette avocate lui doit tout. Sans lui, elle n’aurait jamais été candidate aux législatives en 2017 pour le nouveau parti «En Marche». Mieux: sa stature de personnalité issue de la société civile est un atout. Elle pouvait incarner le changement macroniste. Mais rien ne s’est passé comme prévu. Depuis son élection à la présidence de l’Assemblée le 28 juin 2022, la députée des Yvelines a incarné les plus mauvais aspects de la majorité présidentielle, avec les recours fréquents à l’article 49.3, le spectacle de sessions chaotiques, et des déclarations publiques controversées. Attaquée, elle se défend bien. Elle reste un pivot indispensable. Sauf qu’autour d’elle, rien ne tourne rond.
Premier ministre possible? Peu probable, ce serait surtout un coup de comm.
Gabriel Attal, l’espoir
Il restera peut-être comme le seul disciple historique d’Emmanuel Macron à avoir réussi. À l’origine, le jeune ministre de l’Éducation nationale (34 ans) a démarré au centre gauche. Sa seule vie professionnelle est politique. Lui aussi doit tout à Emmanuel Macron dont il fut le conseiller lorsqu’il était ministre de l’Économie (entre 2014 et 2016). Mais Attal est doué. Il maîtrise tous les codes de la communication. Il a dû incarner le retour de l’autorité depuis son arrivée au ministère de l’Éducation. Il a surgi parmi les personnalités politiques préférées des Français, avec son côté «gendre idéal», que son homosexualité revendiquée ne perturbe pas. S’il le perd, Macron perd un atout-maître.
Premier ministre possible? Oui, mais l’Éducation lui convient bien.
Sébastien Lecornu, le soldat
Il en faut un. Un soldat qui accepte tout, ou presque. Un soldat qui, lorsqu’il monte au front, sait éviter les balles et revenir vivant. Venu de la droite, l’actuel ministre de la Défense est cet homme-là. On le dit possible premier ministre, en remplacement d’Élisabeth Borne. Ce serait jouable. Il plaît à peu près à tout le monde. Ex-maire de Vernon (Normandie), il aime la politique à l’ancienne et les élus locaux. À la Défense depuis juin 2022, il se frotte aux grandes crises mondiales. Avantages: sa fidélité et le fait qu’il peut être facilement remplacé à son poste actuel. En France, le vrai ministre des Armées est leur commandant en chef: le président.
Premier ministre possible? Oui, car utile et pragmatique.
Thierry Breton, le Maréchal
L’actuel commissaire européen au Marché intérieur, à l’Industrie et aux Enjeux numériques a sa carrière politique et financière derrière lui. A 68 ans, il pourrait même prendre sa retraite fin 2024, lorsque l’exécutif communautaire sera renouvelé. Seulement voilà: cet ingénieur qui a aussi écrit des romans et été ministre des Finances (février 2005 à mai 2007) est un Maréchal politique assez rare. Il est de droite mais plaît à la gauche. Il est très français mais comprend l’Allemagne. Il a un CV économique plus complet que l’actuel grand argentier Bruno Le Maire (en place depuis 2017). Son problème: la dernière entreprise qu’il a dirigé, la firme informatique Atos, est en perdition. L’affaire est un boulet en France. Il pourrait être en revanche une bonne tête de liste présidentielle aux élections européennes du 9 juin 2024. Puis, pourquoi pas, candidat à la présidence de la Commission européenne. Un CV parfait pour Macron «l’euro-souverainiste».
Premier ministre possible? Trop risqué, et sans gains politiques.
Alexis Kohler, l’exécuteur
Ce haut fonctionnaire de 51 ans est le double d’Emmanuel Macron, qu’il accompagne comme Secrétaire général de l’Élysée depuis 2017, après avoir dirigé son cabinet au ministère de l’Économie. Sa faiblesse est d’être un homme de l’ombre bien trop puissant. Sa vulnérabilité est d’être accusé de conflits d’intérêts avec le groupe italo-suisse MSC basé à Genève, pour lequel il travailla, juste avant la campagne présidentielle d’Emmanuel Macron. Kohler est indispensable au président, dont il connaît a priori tous les secrets. Sans lui, Macron perd ce qui lui reste de méthode. Il peut être aussi l’homme des basses œuvres. Le type de collaborateur dont un dirigeant a absolument besoin.
Premier ministre possible? Oui, si Macron veut tout diriger en direct.