Arrêtez les consultations! Plus besoin de convier au palais de l’Élysée des candidats, connus du grand public ou pas, qui auront de toute façon le plus grand mal à réunir une majorité de députés et à éviter une motion de censure à l’Assemblée nationale! Emmanuel Macron a encore une solution, après l’annonce surprise du nom de Thierry Beaudet comme Premier ministre potentiel pour sortir de l’actuelle crise politique: recruter un Suisse comme chef du gouvernement. Histoire de pouvoir compter sur un candidat habitué à pratiquer la neutralité, le compromis et la démocratie, tout en gardant l’œil sur les comptes publics.
Prenez Thierry Beaudet, 62 ans, président actuel du Conseil économique, social et environnemental, présenté comme l’ultime casting possible, et justifié par son parcours exemplaire de représentant de la «société civile». Cet ancien instituteur, classé à gauche, épaulé par les réseaux francs-maçons selon la presse française, est mis en avant à la fois pour son expérience des conventions «citoyennes», ces assemblées de Français tirées au sort qui ont accouché de propositions législatives sur le climat en 2020, et sur la fin de vie en 2023.
Or si Emmanuel Macron veut, par ce biais, rénover la pratique démocratique française, rien de mieux qu’un Suisse! Nos politiciens ont tous l’expérience des référendums. Ils circulent en général dans les transports publics. Ils sont sous la surveillance constante du peuple et des électeurs. La Suisse n’est pas pour rien le pays des «Landgemeinde», ces assemblées populaires qui font encore le bonheur du canton d’Appenzell, lors desquelles les citoyens jouissant du droit de vote élisent les autorités et débattent des affaires du pays. Mieux que Thierry Beaudet? Un politicien suisse rompu à cet exercice-là.
La concordance, le remède
Prenez Bernard Cazeneuve, 61 ans, dernier Premier ministre socialiste du quinquennat de François Hollande (2016-2017). Jusqu’à ce qu’il soit reçu ce lundi 2 septembre au matin par Emmanuel Macron, cet avocat discret, rigoureux et social-démocrate semblait être l’un des rares à pouvoir convaincre une partie des députés de gauche de ne pas censurer son gouvernement.
Or les socialistes compatibles avec la droite, la gauche radicale et même la droite nationale-populiste de l’UDC sont légion en Suisse! Le PS helvétique regorge de parlementaires roués aux méthodes de la «concordance» qui exige au niveau du gouvernement fédéral, de travailler avec ses adversaires politiques des campagnes électorales. Mieux: les socialistes suisses aiment les comptes publics bien tenus. Ils ne sont pas dépensiers, même s’ils défendent, comme Pierre-Yves Maillard, des hausses de salaires. Le socialiste suisse a le doigt sur le cordon de la bourse. Franchement, qui dit mieux à l’heure où la présentation du prochain projet de loi de finances, qui doit arriver sur le bureau de l’Assemblée nationale le 1er octobre, est l’urgence (et le casse-tête) du moment.
Les cantons, cette vraie décentralisation
On continue avec le troisième homme reçu à l’Élysée lundi: le président de la région des «Hauts de France» Xavier Bertrand, 59 ans. L’ancien assureur, venu du secteur privé, incarne la droite sociale qui pourrait plaire aux conservateurs comme à une partie de la gauche. Il représente les élus des territoires, qui plaident pour plus de décentralisation et une gestion du pays plus proche du terrain.
Alors là, la Suisse regorge de candidats! Et bien plus connaisseurs des méandres d’un pouvoir partagé avec les cantons! Les autres candidats cités comme représentants des élus locaux, tels le maire de Cannes David Lisnard (droite), la présidente de la région Occitanie Carole Delga (PS) ou le maire de Saint-Ouen Karim Bouamrane (PS) ne savent pas ce qu’est un pays vraiment décentralisé, où l’essentiel de la vie quotidienne des citoyens est géré par les cantons. Un peu de culture cantonale helvétique ferait du bien à Matignon, le siège du Premier ministre, véritable cockpit de pilotage de l’administration centrale française.
La suite de la liste est facile: un candidat suisse apporterait aussi avec lui la pratique de la neutralité dans la gestion des affaires publiques. De quoi apaiser un pays où les élections législatives anticipées ont confirmé les fractures en trois blocs à peu près égaux (droite nationale populiste, bloc central, union de la gauche). Neutralité, aussi, dans l’éventuelle pratique du référendum, car les politiciens helvétiques ont l’habitude des campagnes de votations, des explications pédagogiques apportées dans les livrets envoyés aux électeurs, du respect du résultat une fois le vote achevé.
Proposez des noms
Des noms maintenant? À vous de les proposer, chers lecteurs suisses! Quels seraient les politiciens confédérés les plus capables de gérer la France? C’est promis: on fera passer les CV, mais il faut aller vite. Il paraît que dès ce mardi, après une cinquantaine de jours de gouvernement en «affaires courantes», Emmanuel Macron va sortir de son chapeau son nouveau premier ministre.