Macron le dos au mur
Jusqu'en 2027, la France va être un partenaire pénible pour ses voisins

Emmanuel Macron l'a promis: il restera en fonction jusqu'à la fin de son second mandat. Mais dans quel état? Et avec quelles marges de manœuvre? Analyse à la veille de la nomination (compliquée) d'un nouveau Premier ministre.
Publié: 30.08.2024 à 21:30 heures
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Dernière mise à jour: 30.08.2024 à 21:37 heures
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Emmanuel Macron pourrait nommer un nouveau Premier ministre ce dimanche, après plus de cinquante jours avec un gouvernement démissionnaire.
Photo: AFP
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Richard WerlyJournaliste Blick

C’est un petit signe révélateur: cette année, les ambassadeurs français ne se réuniront pas à Paris pour leur traditionnelle conférence de rentrée. Pas de conférence des ambassadeurs et donc pas de discours présidentiel sur la marche du monde et les priorités diplomatiques de la France pour 2024-2025. Un détail? Oui, bien sûr, car au quotidien, les diplomates n’ont pas besoin de ce grand raout pour défendre les positions tricolores. Mais pour qui connaît la France, sa centralisation et le besoin de savoir ce que l’on pense à Paris, cet ajournement est plus que symbolique.

On continue? Il suffit de regarder le calendrier pour comprendre que la France, ce pays fondateur et moteur de l’Union européenne (UE), s’achemine vers trois années difficiles jusqu’à la fin du second mandat présidentiel d’Emmanuel Macron, en mai 2027.

Ces jours-ci, le pays achève sa parenthèse olympique enchantée, avec les Jeux paralympiques de Paris 2024 qui se termineront le 8 septembre. Tout va bien en surface. Ces Jeux promettent d’être une belle suite aux JO, qui ont réveillé la ferveur populaire et l’enthousiasme des Français.

La vasque n’est pas un programme

Et après? La vasque de la flamme olympique, désormais l’une des icônes les plus photographiées et les plus populaires sur les réseaux sociaux, peut-elle remplacer un projet et une envie politique commune? Réponse négative. Ce week-end, le chef de l’État pourrait, dit-on, nommer le nouveau Premier ministre comme l’article 8 de la constitution le prévoit. Ce sera son choix. Sauf que dans les faits, Emmanuel Macron ne contrôle (presque) plus rien.

Imaginons, par exemple, le scénario le plus apaisé: celui de la nomination à la tête du gouvernement ce dimanche, ou en début de semaine, de l’ancien Premier ministre socialiste Bernard Cazeneuve. L’homme a tout pour rassurer. Il a connu, comme ministre de l’Intérieur, les épreuves des attentats de novembre 2015 à Paris. Il est un social-démocrate respectable et respecté. Il sait que la France, pays dépensier, ne peut pas supporter une augmentation de sa dette publique et de son déficit budgétaire.

Coalition des contraires

À l’Assemblée nationale, chaque nouveau projet de loi sera pour l’intéressé une épreuve. À tout moment, une coalition des contraires pourra le renverser via une motion de censure. Pour rappel, aucune majorité absolue claire ne se dégage dans l’actuelle assemblée, divisée en trois blocs: gauche, droite et centre droit, et extrême droite. Bien sûr, des réalignements sont possibles. Mais pour combien de temps?

Imaginons, plus compliqué, un autre scénario: celui d’un gouvernement d’experts techniques, chargé d’éviter avant tout les dérives budgétaires. Emmanuel Macron, selon son entourage, redoute une crise gouvernementale similaire à celle que le Royaume-Uni traversa lors de la nomination de Liz Truss, en septembre 2022. L’ex-Première ministre conservatrice n’était pas crédible. Les marchés financiers l’ont aussitôt sanctionné.

Une menace pour la France

Pour le président, ce scénario menace la France si le Nouveau Front Populaire (NFP), l’union de la gauche, met en œuvre son programme d’abrogation de la réforme des retraites, d’augmentation du salaire minimum et de retour d’un impôt sur la fortune. Le gouvernement «d’experts» serait là pour colmater les brèches et rassurer. Mais tout le monde le sait: à terme, ce sera intenable. Le risque d’une nouvelle dissolution de l’Assemblée nationale, redevenue possible à partir de juillet 2025, planera en permanence au-dessus du pays.

Les partenaires de la France vont devoir apprendre à patienter. Cela a d’ailleurs déjà commencé. Il y a quelques mois, Emmanuel Macron était aux avants postes de l’UE. Il se profilait comme le commandant en chef de l’aide militaire à l’Ukraine. Il proposait l’éventuel déploiement d’instructeurs au sol dans le pays en guerre avec la Russie. Il défendait l’idée de frapper des cibles russes, comme des aéroports ou des bases de lancement de missiles.

Maintenant? Rien. Ce vendredi 30 août, le président français vient de boucler une visite officielle en Serbie, pays allié de Moscou, par l’annonce de la vente d’avions Rafale à Belgrade! La Serbie est, il est vrai, un allié traditionnel de la France. Mais comment ne pas voir une concession faite par Macron à la «realpolitik»? Son pays a besoin de clients. Et vite…

Macron, le «canard boiteux»

Même à Bruxelles, la capitale des institutions communautaires européennes, tout le monde se prépare au grand sommeil français. Emmanuel Macron continuera de siéger seul au Conseil européen. Il parlera pour la France. Sauf qu’il ne peut pas se représenter en 2027. Sauf que son Premier ministre lui aura été imposé par les circonstances. Sauf que les oppositions seront en embuscade à l’Assemblée nationale. Sauf que l’extrême-droite nationale populiste n’a jamais été aussi forte.

L’actuelle crise politique française n’est pas synonyme de chaos. Le pays fonctionne. Il est géré par son administration. Il se trouve juste que son président, toujours plein d’idées, n’a plus les moyens de les mettre en œuvre. La France est condamnée au mode pause. Et tous ceux qui l’observent, partenaires (dont la Suisse) ou adversaires, sont en train de s’y préparer.

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