C’est reparti pour un tour de devinettes, de spéculations et d’interrogations sans réponses. Sauf si Emmanuel Macron décide lui-même d’y mettre un terme en confirmant dans les heures qui viennent le nom du futur Premier ministre français. Or pour le moment, rien de tel. Au contraire: voilà qu’un inconnu a débarqué, ce lundi 2 septembre, dans la course à l’Hôtel Matignon, siège du chef du gouvernement. Son nom? Thierry Beaudet, 62 ans, président du Conseil économique, social et environnemental.
Pour ceux qui auraient raté le début de la crise actuelle en France, Emmanuel Macron est, depuis le 7 juillet, confronté à un choix qui pourrait largement décider de son sort politique. Le président de la République, réélu pour un second quinquennat en avril 2022 – mais dans l’impossibilité de se présenter pour un troisième mandat en mai 2027 – doit nommer un Premier ministre capable de gouverner le pays sans majorité à l’Assemblée nationale. En décidant de dissoudre celle-ci le 9 juin, le chef de l’État a en effet engendré une crise inédite.
Majorité hors d’atteinte
L’union de la gauche, réunie en «Nouveau Front populaire», exige le poste de Premier ministre car elle est arrivée largement en tête avec 193 députés sur 577. Le camp présidentiel, fort d’environ 150 députés, est sorti battu mais incontournable. Le Rassemblement national (droite nationale populiste) est, avec un nombre de députés équivalent, le premier parti de France, mais personne n’envisage de gouverner avec lui. Résultat: la majorité absolue de 289 députés est hors d’atteinte. Plus grave: le futur Premier ministre risque d’être rejeté par une motion de censure qui, elle, réunirait ce nombre d’élus.
Qui, dès lors, pour remplir ce rôle? Ce lundi 2 septembre, Emmanuel Macron semblait avoir précisé le tir. Dés 8h45 ce matin, le président a reçu l’ancien Premier ministre socialiste Bernard Cazeneuve, souvent cité comme un candidat possible. Puis il a écouté ses deux prédécesseurs, les anciens présidents François Hollande et Nicolas Sarkozy. Et il doit terminer sa journée en auditionnant un candidat du centre droit, Xavier Bertrand. Mais voilà: Emmanuel Macron ne veut pas se laisser imposer un choix, alors que la Constitution française lui donne le pouvoir de nommer qui il veut à la tête de l’exécutif. C’est donc un nouveau nom, Thierry Beaudet, qui agite désormais le microcosme parisien.
Non-agression
Vous suivez? Si non, voici à nouveau un résumé rapide. 1. Macron doit trouver une personnalité capable de conclure un pacte de «non-agression» avec au moins 289 députés à l’Assemblée nationale, pour éviter de subir une motion de censure. 2. Macron doit essayer, au centre de l’échiquier politique, de trouver une personnalité compatible avec une partie de la gauche et de la droite. 3. Macron est obsédé par le risque d’une crise budgétaire si les réformes qu’il a effectuées (comme celle des retraites) sont remises en cause. 4. Macron doit s’assurer que son Premier ministre respectera son domaine réservé des Affaires étrangères et de la Défense, et qu’il ne cherchera pas à rogner son pouvoir.
Société civile
Pourquoi alors cet inconnu nommé Thierry Beaudet, un ancien instituteur devenu un des pontes du secteur de l’assurance mutualiste en France? Pour au moins quatre raisons. 1. L’intéressé, président actuel du Conseil économique, social et environnemental (une instance consultative) est supposé incarner la «société civile». 2. Cet apparatchik du secteur mutualiste est un conciliateur, dont l’institution a abrité ces deux dernières années deux conventions citoyennes (formées de Français tirés au sort) sur le climat et sur la «fin de vie». 3. Cet homme de pouvoir discret, mais présenté par ceux qui le connaissent comme autoritaire, a un profil apolitique, mais social, et aussi réaliste, donc à priori capable de résister à la tentation de nouvelles dépenses sociales pour apaiser le pays. 4. Thierry Beaudet, aussi inconnu soit-il, est un familier des coulisses du pouvoir, capable d’incarner de nouvelles formes de démocraties avec en ligne de mire, des assemblées participatives, voire des référendums…
Sérieuse, cette rumeur sur Thierry Beaudet? C’est la question que tout le monde se pose, vu que Bernard Cazeneuve semblait jusque-là tenir la corde. L’ancien chef du gouvernement et maire de Cherbourg (Manche), social-démocrate en rupture avec le parti socialiste et hostile au «Nouveau Front Populaire», apparaissait capable de plaire à suffisamment de députés, de droite et du centre-gauche. Deux hypothèses circulent dès lors.
Premier ministre technique et sociétal
La première est celle d’un changement de stratégie, avec l’option d’un premier ministre plus technique et sociétal comme Thierry Beaudet. La seconde est celle d’un gouvernement de coalition des centristes, au sein duquel Cazeneuve, mais aussi Xavier Bertrand et Beaudet pourraient trouver leur place. On parle aussi d’élus locaux, conviés à monter à paris pour représenter la province et le pays «réel». Le dénouement est maintenant une affaire d’heures. On parle de mardi ou mercredi. Puis la personne nommée devra composer un gouvernement.
Vous avez eu de la peine à suivre et vous vous demandez si Emmanuel Macron ne joue pas avec le feu, le dos au mur? Normal. En France, tous ceux qui s’intéressent à la politique pensent à peu près comme vous.