La campagne pour l’élection présidentielle française de mai 2027 vient peut-être de démarrer pour de bon, ce dimanche à Paris. La preuve? Trois meetings politiques simultanés, autour de trois des principaux candidats dans la course à l’Elysée, pour remplacer Emmanuel Macron qui ne peut pas se représenter pour un troisième mandat.
Trois meetings parisiens, dans trois lieux symboliques de la capitale française. Sur la place Vauban, face à l’église des Invalides et au tombeau de Napoléon 1er, le meeting du Rassemblement national (RN) autour de Marine Le Pen. A Saint Denis, à la cité du cinéma, près de l’ex-village olympique de l’été 2024, le meeting du camp macroniste autour des trois candidats potentiels du centre, tous anciens Premier ministre: Edouard Philippe, Gabriel Attal et François Bayrou l’actuel patron du gouvernement. Et sur la traditionnelle place de la République, le meeting de la gauche et des écologistes autour de Jean-Luc Mélenchon.
L’attitude face à la justice
Du côté du Rassemblement national (droite radicale), une seule question domine: l’attitude à adopter face à la justice, alors que Marine Le Pen a été lourdement condamnée le 31 mars en première instance par le tribunal correctionnel de Paris pour «détournement de fonds publics» au détriment du Parlement européen (4 ans de prison, dont deux fermes, 100'000 euros d’amende et 5 ans d’inéligibilité avec exécution immédiate).
C’est de cette attitude que dépendra, en effet, la stratégie du RN pour conquérir le pouvoir suprême. Avec une incertitude de taille: l’éventuel remplacement de Marine Le Pen comme candidate pour l’Elysée si son inéligibilité est confirmée en appel lors de son second procès prévu au début 2026.
Course contre-la-montre
Du côté des partis pro-Macron, la donne est radicalement différente. Alors que Marine Le Pen mène une course contre-la-montre avec la justice, les partis qui soutiennent l’actuel président et le gouvernement (sans disposer d’une majorité de sièges à l’Assemblée nationale) doivent à la fois trancher sur le meilleur candidat pour 2027, unifier leurs forces pour éviter les divisions, et trouver une stratégie politique qui puisse apparaître comme l’héritage d’Emmanuel Macron, sans apparaître pieds et poings liés au chef de l’Etat. Or un homme a choisi, ce dimanche, de sortir du bois pour tenter de revenir au premier plan: Gabriel Attal, 36 ans.
Héritier politique de Macron
Considéré comme l’héritier politique d’Emmanuel Macron, à qui il doit sa carrière politique, celui-ci a en plus «un créneau»: si Marine Le Pen ne peut pas se présenter à la prochaine présidentielle, et que son dauphin Jordan Bardella la remplace, alors le duel générationnel sera parfait.
Député européen et président du Rassemblement national, Jordan Bardella – qui ne figure pas parmi les 24 coaccusés du procès pour «détournement de fonds publics» – a prononcé un long discours au meeting de son parti place Vauban, devant une assistance plutôt décevante d’environ 5000 personnes. Il a affirmé que la «démocratie française est exécutée, sur une simple décision de justice destinée à effacer du paysage toute une partie de la France».
Il a proclamé sa loyauté envers la cheffe du RN, lançant un appel à la soutenir «face à l’injustice de la justice». Il s’est félicité de 20'000 nouveaux adhérents pour le RN depuis le jugement. Il peut compter, selon les sondages, sur 35% des voix au premier tour de la présidentielle. Mais il aurait deux handicaps majeurs s’il se lance dans la course à l’Élysée: son manque d’expérience nationale, et son manque de racines provinciales pour un scrutin que le général de Gaulle qualifiait de «rencontre entre un homme et la nation».
Malaise autour de Bayrou
Gabriel Attal lui, sait qu’il peut remonter le handicap engendré par son départ prématuré de l’Hôtel Matignon le 5 septembre 2024, après neuf mois à la tête du gouvernement, en raison de la dissolution surprise de l’Assemblée nationale. Premier atout: Secrétaire général de «Renaissance», il contrôle le parti héritier de la formation «En Marche» lancée en 2016 par Emmanuel Macron.
Deuxième atout: le malaise qui entoure l’actuel chef du gouvernement François Bayrou, venu proposer la fusion de son propre parti Modem avec Renaissance devant les 8000 militants, mais souvent perçu comme malhabile et parfois dépassé par sa fonction.
Troisième atout: son positionnement plus social que celui de son autre prédécesseur Edouard Philippe. Ce dernier, maire du Havre, vient de la droite. Gabriel Attal a, lui, grandi au sein du parti socialiste. Il peut espérer mieux rassembler.
Bardella, fils d’immigrés
S’il advient en 2027, le duel de ces deux hommes serait emblématique de la nouvelle géographie politique française. Attal est député des Hauts-de-Seine (le département le plus riche de France, près de Paris) après avoir grandi dans les meilleurs quartiers de la capitale. Il incarne l’élite parisienne.
Bardella, fils d’une famille modeste d’immigrés italiens, a grandi pour sa part à Saint-Denis, là même où le parti Renaissance a choisi de se réunir ce dimanche. Il peut se présenter comme un «enfant du peuple». Mais ni l’un ni l’autre n’ont d’expérience élective locale, ou une connaissance fine du pays réel.
Attal-Bardella? Les deux prétendants ont à l’évidence l’envie mutuelle d’en découdre dans les urnes. Ce dimanche à Paris, ils ont, chacun à leur manière, fait le premier pas.