Echec des motions de censure
François Bayrou, le Premier ministre qui survit, mais redoute Macron

Le Premier ministre français vient d'échapper à deux motions de censure. Il a réussi à boucler un budget pour 2025. Mais il reste confronté à un obstacle de taille: Emmanuel Macron. En fin de mandat, le Président pourrait bien se lasser.
Publié: 20:23 heures
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Dernière mise à jour: 20:32 heures
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François Bayrou a été nommé Premier ministre le 13 décembre par Emmanuel Macron.
Photo: keystone-sda.ch
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Richard WerlyJournaliste Blick

Il survit. Et pour la France en crise et en quête de stabilité politique, c’est déjà énorme. 54% des Français interrogés par l’Institut Toluna-Interactive, selon un sondage publié fin janvier, souhaitaient que François Bayrou demeure à la tête du gouvernement. Ils désapprouvaient par avance les motions de censures visant à le renverser. Ils ont donc eu gain de cause. Ce mercredi 5 février, le Premier ministre a survécu à deux motions de censure successives, déposées par La France Insoumise (gauche radicale).

Dans la foulée, le Premier ministre a engagé de nouveau, par l'article 49.3 de la Constitution, la responsabilité de son gouvernement sur la partie recettes du budget de la Sécurité sociale, auquel LFI promet de répondre par une nouvelle motion de censure.

La raison de la survie politique de François Bayrou, dirigeant centriste de 73 ans, est connue. Elle tient au nouveau positionnement du Parti socialiste, qui a décidé de se dissocier de ses alliés du Nouveau Front Populaire (LFI, écologistes et communistes) en refusant de faire tomber le gouvernement composé de personnalités issues du centre et de la droite, plus quelques anciens PS. Et elle est garantie par l’actuelle position du Rassemblement national (RN, droite nationale populiste). Lequel refuse pour le moment d’associer de nouveau les voix de ses députés à celles de la gauche, par crainte d’ouvrir une crise politique.

Fragile équilibre

C’est ce fragile équilibre qui a permis à Bayrou, toujours maire de Pau (Pyrénées-Atlantiques) d’engager lundi 3 février la responsabilité de son gouvernement pour faire adopter sans vote les deux budgets indispensables pour 2025: celui de l’Etat et celui de la Sécurité sociale.

En France, la Constitution permet à l’exécutif, via son article 49.3, de forcer la main de l’Assemblée nationale en plaçant les députés devant un choix: soit accepter sans voter le projet de loi en question, soit censurer le gouvernement et l’obliger à démissionner. Ce second cas de figure n’a eu lieu que deux fois depuis 1958: en 1962, et le 5 décembre dernier, lorsque le gaulliste Michel Barnier est tombé à la suite d’une motion de censure votée par le RN et l’ensemble de la gauche.

Voilà donc la France dotée d’un budget négocié pied à pied pour apaiser les socialistes. Il ne comporte que trente milliards d’euros d’économies, alors que Michel Barnier en envisageait 60. Il augmente les impôts sur les plus riches et sur les entreprises multinationales (officiellement, à titre temporaire) pour un total de 22 milliards d’euros. 

Il aboutira, s’il est respecté et si la conjoncture économique est conforme aux prévisions, à un déficit public de 5,4% en 2025, et à une dette toujours supérieure à 3300 milliards d’euros, soit 115% du Produit intérieur brut (PIB). Bref: ce budget Bayrou est celui d’un pays immobile, sans marge de manœuvre, dans une époque que Donald Trump fait tourbillonner.

Les deux leçons

Quelles leçons politiques en tirer pour le pays, pour François Bayrou et pour celui qui reste aux commandes: le président Emmanuel Macron? Au moins deux.

La première leçon est que François Bayrou n’a pas d’autre choix, s’il veut survivre comme Premier ministre, que de faire des concessions au Parti socialiste. Les yeux se tournent désormais vers le «conclave» des partenaires sociaux qui s’est ouvert pour trois mois le 17 janvier. Ceux-ci peuvent remodeler la réforme des retraites controversée, adoptée en avril 2023. 

Mais ils doivent garantir que les économies envisagées demeureront, soit 17 milliards d’euros. Quel paramètre bouger alors pour satisfaire la gauche modérée? L’age de départ à 64 ans? Le PS français a clairement besoin d’arguments pour convaincre ses électeurs qu’il n’a pas «trahi» pour rien le Nouveau Front Populaire.

La seconde leçon est qu’un combat va peu à peu s’engager entre François Bayrou et Emmanuel Macron. Le président français veut exister. Il sait que l’immobilisme de son pays lui coûte en termes de crédibilité, sur le plan international. Il a compris que le Premier ministre est l’homme des petits pas, dont l’objectif est de tenir pour arriver à se présenter à la présidentielle de 2027.

Garder la main

Macron va dès lors vouloir garder la main. Il va aussi vouloir tout faire pour que Marine Le Pen, la cheffe de la droite nationale populiste, ne lui succède pas à l’Elysée. Mais comment? Une option serait de dissoudre à nouveau (il le pourra à partir de juillet) l’Assemblée nationale en misant sur un recul des extrêmes. Une autre serait, en coulisses, de parier sur un autre candidat pour lui succéder, par exemple un grand patron…

François Bayrou est un survivant qui manque cruellement de visibilité pour son avenir. A l’image de la France, où de nombreux experts envisagent déjà un projet de budget rectificatif en fin d’année, si les dépenses publiques s’emballent et que la très faible croissance prévue pour 2025 (0,9% du PIB) n’est pas au rendez-vous.

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