Massacré à 15 ans
Adolescent battu à mort: cinq questions qui attisent la colère en France

Shamseddine, l'adolescent tabassé jeudi 5 avril à la sortie de son collège de Viry-Châtillon, est décédé des suites de ses blessures. Les questions sur cette tragédie attisent les colères.
Publié: 06.04.2024 à 13:38 heures
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Devant le collège des Sablons de Viry-Châtillon, l'émotion est grande après la mort du jeune Shamseddine.
Photo: AFP
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Richard WerlyJournaliste Blick

Mort après avoir été roué de coups. Mais mort pourquoi? Shamseddine, 15 ans, n’était pas connu des services de police pour un quelconque trafic ou association avec des bandes locales, selon les informations publiées depuis son arrivée en catastrophe à l’hôpital, inconscient, jeudi 4 avril. L’adolescent a succombé à ses blessures. La ville où il résidait et où il a été agressé, Viry-Chatillon (Essonne) est sous le choc. Sauf que d’autres affaires de ce type ont, ces dernières années, endeuillé la France…

Viry-Châtillon, une ville aux mains des gangs?

C’est la question incontournable que l’on entend. L’hypothèse d’un règlement de comptes mortel entre bandes de jeunes dans cette ville de la banlieue sud de Paris, proche de l’aéroport d’Orly, a été évoquée dès que la nouvelle du drame a circulé. Logique. Il faut se souvenir qu’en octobre 2016, cette même ville a déjà été sous les projecteurs pour sa criminalité, en raison d’une embuscade menée par des jeunes, liés au trafic de drogue, contre une voiture de police près du quartier de la Grande-Borne. Le véhicule avait été assiégé par une vingtaine d’individus munis de barres de fer, puis incendié. Treize personnes, dont huit mineurs, furent interpellées. En 2021, la justice en a acquitté 8 et condamné 5 à des peines allant de 5 à 15 ans de prison. Le collège des Sablons, d’où revenait le garçon après les cours, est à moins de deux kilomètres de ce quartier. Les deux sont séparés par l’autoroute qui relie Paris au sud de la France.

Shamseddine, un adolescent sans histoire?

C’est la version que l’on entend en boucle depuis la tragédie. Le garçon rentrait chez lui vers 16h lorsqu’il a été agressé par plusieurs jeunes, certains encagoulés. Cinq personnes ont, depuis, été interpellées, dont quatre mineurs. «Que peut-il y avoir comme motivation pour massacrer un gamin de 15 ans dans la rue?, s’est publiquement interrogé le maire de la ville. Ça nous prend aux tripes, on se demande comment on peut arriver à un tel degré de violence». Le garçon était scolarisé en classe de troisième. L’enquête est ouverte pour «assassinat et violences en réunion aux abords d’un établissement scolaire». L’adolescent, surnommé «Shams», qui a grandi dans une famille issue de l’immigration, était surtout connu pour ses bons résultats scolaires. Une histoire circule sur sa relation avec une fille, à laquelle le frère de cette dernière se serait opposé.

Le trafic de drogue, gangrène chez les mineurs?

Hélas oui. On le voit ces derniers jours alors que les forces de police françaises déploient des moyens importants pour les opérations «Place nette XXL» contre les trafiquants, sur les points de deal et dans les quartiers. Exemple à Marseille, la grande métropole méridionale où, selon la justice française, 60% des mis en examen pour les assassinats et tentatives d’assassinat liés au trafic de drogue ont entre 14 et 21 ans. Dans le cas de Viry-Châtillon, le lien avec le trafic de stupéfiants n’est pas établi. Restent les faits: la ville et sa voisine, Grigny, sont connues pour être des bastions des «narcos». «C’est une guerre qui ne dit pas son nom entre la police et les trafiquants de drogue. La cité de la Grande Borne, située à cheval sur les communes de Grigny et Viry-Châtillon dans l’Essonne, a vu se développer depuis plusieurs années un trafic de drogue toujours plus intense. Face à ce fléau, la municipalité a investi dans plusieurs caméras de surveillance dans l’espace public», racontait récemment Europe 1. Le carrefour du Fournil, là où avait eu lieu l’embuscade contre les policiers, est souvent cité.

La police, incapable de venir à bout de cette violence?

Les émeutes de banlieue de juillet 2023, suite à la mort du jeune Naël lors d’une interpellation policière à Nanterre (Hauts de Seine) l’ont bien montré: la région parisienne peut exploser d’un moment à l’autre. La violence couve dans les quartiers où le désœuvrement des jeunes garçons, souvent éduqués par leur mère dans des familles monoparentales à faibles revenus, est un carburant pour la délinquance. La police française peut se targuer d’intervenir partout. Les fameuses zones de «non-droit» n’existent pas. Mais après le départ des policiers, les bandes reprennent le contrôle des cités souvent refermées sur elle-même, comme c’est le cas à Viry-Châtillon et Grigny où les immeubles construits dans les années soixante ceinturent le quartier et enferment quasiment ses habitants. Le cœur de la capitale française n’est pas exempt de ces violences: en janvier 2021, l’agression extrêmement violente d’un adolescent avait eu lieu sur la dalle Beaugrenelle, dans le XVe arrondissement près de la Seine. Il s’agissait d’un règlement de comptes entre bandes rivales.

Que penser, à quatre mois des Jeux Olympiques?

L’épicentre des Jeux olympiques et paralympiques qui s'ouvriront le 26 juillet, à savoir le village des athlètes, le centre aquatique, le stade de France et le village des médias, seront géographiquement à l’opposé de Viry-Châtillon. C’est en effet autour de Saint-Denis, dans la banlieue nord, que toutes ces infrastructures sont localisées. Sauf que là-bas aussi, dans cette ville métissée et pauvre de 110'000 habitants, ce type d'agressions existe. Le 20 janvier 2024, un jeune de 18 ans, Farid, y est mort, violemment attaqué devant son lycée. La semaine précédente, un autre adolescent de 14 ans y avait été tué de plusieurs coups de couteau.

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