Émile Soleil avait deux ans et demi lors de sa disparition, le 8 juillet 2023, dans le hameau montagnard du Haut-Vernet, dans les Alpes-de-Haute-Provence. Que s’est-il passé ce jour-là, lorsque le garçonnet a échappé à la surveillance de son grand-père, propriétaire d’un chalet d’été dans cette localité isolée sur les contreforts alpins?
Depuis huit mois, les enquêteurs de la gendarmerie n’avaient littéralement aucune piste sérieuse. Tout s’est accéléré ce week-end, avec la découverte samedi 30 mars du crâne du petit garçon, au bord d’un sentier de randonnée que les patrouilles de gendarmes avaient pourtant parcouru. Voici les cinq questions les plus troublantes posées par cette disparition fatale.
Pourquoi la gendarmerie n’avait rien trouvé jusque-là?
C’est une randonneuse habituée des lieux qui a, samedi 30 mars, trouvé un crâne d’enfant sur le bas-côté d’un sentier de randonnée escarpé, longé par un ruisseau, à environ 25 minutes de marche du Haut Vernet. L’identité de cette femme n’a pas été révélée par le procureur d’Aix-en-Provence lors de sa conférence de presse, ce mardi 2 avril en soirée. Il s’agirait d’une «habitante locale», familière des lieux.
La révélation la plus problématique faite par le procureur, qui supervise cette enquête depuis des mois, est que les chiens policiers n’avaient pas été utilisés par les gendarmes lors de leurs recherches dans ce secteur, à la suite de la disparition du petit garçon, le 8 juillet 2023. Pourquoi? Les experts évoquent la chaleur estivale, qui trouble l’odorat des chiens «Saint-Hubert» utilisés pour ce type de traque. Problème: le procureur a aussi révélé ce mardi que les vêtements du garçonnet ont été trouvés à proximité de son crâne. Comment les avoir ratés?
Pourquoi le crâne retrouvé ne sera (peut-être) pas déterminant?
Une chose est certaine et c’est tragique: le petit Émile Soleil est mort. Tous ceux qui évoquaient un possible enlèvement peuvent donc remballer leurs scénarios macabres. Mais la découverte du crâne de l’enfant, placé par la randonneuse dans un sac plastique et confié à la gendarmerie, pourrait bien s’avérer moins exploitable qu’on pourrait le croire. Le procureur a affirmé que ce crâne ne portait pas de traces de coup ante mortem (avant le décès). Il est en revanche griffé et abîmé sans doute par des animaux prédateurs. L’on sait aussi qu’il n’a pas été enterré, mais exposé aux intempéries. Problème: le manque d’autres ossements probants. Et l’impossibilité de déceler des traces d’ADN après un si long séjour en extérieur. Le petit garçon est mort. Mais il n’est pas sûr que ses restes puissent parler.
Pourquoi la randonneuse reste anonyme?
La gendarmerie affirme que son témoignage est indispensable et qu’il faut la protéger. Mais son identité importe beaucoup dans un hameau où tout le monde se connaît et où la gendarmerie a organisé, la semaine dernière, une journée entière de reconstitution des faits. Pour l’heure, le village demeure bouclé par les forces de l’ordre. Le plus étonnant est que cette femme affirme être familière des lieux, très boisés et peu accessibles durant l’été. S’était-elle déjà rendue sur place, le long de ce ruisseau, sans rien voir? Est-elle une proche de la famille du petit Émile, dont les parents sont connus pour être des catholiques très croyants et très pieux?
L’hebdomadaire «Le Canard enchaîné» a publié un article affirmant que le grand-père du garçonnet a été dans les années 90 impliqué dans une affaire de violences dans un pensionnat catholique du nord de la France. L’intéressé a annoncé son intention de porter plainte.
Pourquoi la fugue de l’enfant semble irréaliste?
Deux ans et demi. 25 minutes de marche pour un adulte jusqu’à l’endroit où a été retrouvé le crâne d’Émile. Ces deux faits ne collent pas ensemble, même si des experts assurent qu’un enfant peut parcourir, s’il est perdu, une distance bien plus grande qu’on ne le croit, surtout si le relief est incliné et que le chemin descend, ce qui est le cas ici. Reste que le scénario apparaît très improbable: le grand-père d’Émile affirme qu’il a quadrillé le bas du hameau quelques minutes après s’être rendu compte de la disparition de son petit-fils. Très vite, les gendarmes ont patrouillé. Des drones ont survolé la zone. Difficile dans ce contexte d’écarter la piste d’un infanticide.
Pourquoi la police scientifique ne peut pas tout résoudre?
La gendarmerie scientifique, car il s’agit d’une zone rurale où les gendarmes sont compétents, a déployé depuis la disparition du petit garçon le maximum de moyens. Un «double numérique» d’Émile, pour reconstituer son trajet, a même été créé. Toutes les empreintes ADN de la famille ont été prises, analysées, comparées. Les emplois du temps ont été disséqués. La centaine d’habitants du hameau du Haut Vernet ont tout été interrogés. Les technologies les plus modernes ne peuvent toutefois pas remédier à la cause la plus fréquente de l’échec dans une enquête: l’erreur humaine et la malchance. Patience toutefois: car la découverte du crâne d'Émile relance toutes les investigations.