Un bus attaqué comme, jadis aux Etats-Unis, une diligence dans l’Ouest américain. La scène s’est passée mardi 2 avril vers 23h30 à Rilleux la Pape, une agglomération de la banlieue de Lyon. Une cinquantaine de jeunes, furieux d’un coup porté par la police à des séances de moto-cross urbain, ont pris d’assaut le véhicule, évacuant les passagers, avant d’y mettre le feu. Une scène exceptionnelle de violence urbaine? Malheureusement non.
Ces deux derniers jours, d’autres images choquantes ont fait surface. Les premières concernent un adolescent d’une quinzaine d’années, tabassé à Viry Chatillon, au sud de Paris, décédé ce vendredi. Les secondes sont tout aussi affreuses: elles montrent une collégienne de 14 ans, Samara, en train de se faire tabasser à Montpellier (Hérault), par trois autres mineurs dont l’un était scolarisé dans le même établissement.
La France «Orange mécanique»: cette formule tirée du fameux film de Stanley Kubrick, sorti en 1971 et emblématique des violences urbaines hors de contrôle, a été le titre d’un livre paru il y a vingt ans, en 2013. Son auteur, Laurent Obertone, souvent classé à l’extrême-droite par ses détracteurs, y abordait le risque de proliférations d’attaques de ce genre, dans une France où les forces de l’ordre sont débordées. Est-ce le cas aujourd’hui? Pas sûr. Au contraire.
Depuis plusieurs jours, la police française multiplie les descentes dans les quartiers chauds contre le trafic de drogue, dans le cadre d’opérations baptisées «Place nette XXL». Le refus de voir des quartiers devenir des zones de non droit est sans cesse réitéré par le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin, surtout à l’approche des Jeux Olympiques de Paris dont une grande partie des épreuves se dérouleront dans le département difficile de Seine Saint Denis, au nord de la capitale.
Perceptions sans appel
Restent les perceptions, qui sont sans appel. Neuf Français sur dix, selon un sondage de l’institut Odoxa publié mardi 2 avril par Le Figaro, jugent que «l’insécurité a progressé à travers le pays». Un tiers seulement des personnes interrogées affirment faire confiance au gouvernement pour assurer la sécurité des JO. Huit sur dix estiment, comme Gérald Darmanin que «l’ensauvagement» menace la France.
La statistique qui témoigne le plus de la peur ambiante, nourrie par les récits et les images d’agressions individuelles spectaculaires comme celles survenues à Viry-Chatillon et Montpellier, figure dans la réponse à la question «Vous sentez-vous concrètement exposés à des actes d’insécurité?». 39% des Français répondent oui lorsqu’il s’agit de harcèlement, ou d’agression verbale dans un lieu public. Ils sont 20% à redouter une agression physique.
Très révélateur aussi: les lieux présumés dangereux pour les personnes interrogées. Il s’agit des quartiers pour 83% d’entre eux, des transports publics pour 65% des voyageurs et des grandes villes pour 61% des sondés. La France «Orange mécanique», celle où l’engrenage de la violence est le plus omniprésent, est donc localisée. Elle concerne avant tout les grandes métropoles, alors que celles-ci reçoivent, de loin, le plus grand nombre de policiers.
Oui à la vidéo surveillance
Les conséquences de cette peur diffuse ne sont pas surprenantes: 90% des Français, selon ce sondage, désirent davantage de caméras de vidéosurveillance pour surveiller «l’extérieur des immeubles» mais aussi, fait nouveau, «l’intérieur des bâtiments publics et des écoles». La mention des établissements scolaire est nouvelle. Elle résulte de la hausse des incidents.
Selon les statistiques officielles, le nombre de signalements des chefs d’établissement des collèges et lycées a atteint 13,7 incidents graves pour 1 000 élèves en 2022-2023, contre 12,3 en 2021-2022. Dans le cas de la collégienne de Montpellier, la mère de l’intéressée affirme qu’une de ses camarades lui «faisait la misère depuis un an et demi deux ans» et que celle-ci avait été exclue de l’établissement deux jours en juin 2023, notamment après avoir publié une photo de sa fille sur les réseaux sociaux appelant à la violer.
Le problème des transports publics
À Viry Chatillon, le garçon de quinze ans, mort vendredi avait été, selon le maire de la commune, «agressé entre deux cages d’escalier par trois ou quatre personnes qui l’ont roué de coups, qui l’ont massacré». La police ne connaissait pas la victime. S’agit-il à nouveau d’un règlement de comptes entre bandes rivales? La question est posée.
Le sujet des transports publics et de leur sécurité, qui sera en haut de l’agenda pour les Jeux Olympiques, est celui qui inquiète le plus les autorités. La région Ile-de-France envisage de doter ses bus d’alarme sonore et d’enregistreurs vidéos et audios, voire de placer de faire escorter par des agents de sécurité tous les bus de nuit lors de la compétition. Problème: beaucoup de bandes de voyous pourraient migrer durant les Jeux, et s’attaquer à d’autres cités, ou d’autres quartiers moins surveillés.