On l’attendait assommée, poussée dans les cordes du ring politique français par sa lourde condamnation pour «détournements de fonds publics» ce lundi 31 mars au tribunal correctionnel de Paris. Erreur.
C’est une Marine Le Pen combative et résolue à en découdre qui a riposté au journal télévisé de TF1, quelques heures après avoir été déclaré inéligible pour 5 ans avec «exécution provisoire», et condamnée à quatre ans de prison, 100'000 euros d'amende et 5 ans d'inéligibilité avec exécution immédiate de la peine. Ce qui devrait l’empêcher de se présenter (pour la quatrième fois) à l’élection présidentielle de mai 2027.
«Je ne suis pas prête à me soumettre à un déni de démocratie aussi facilement» a–t–elle d’emblée asséné, joignant la parole à son acte de défiance matinal au Palais de justice de Paris. Une fois déclarée coupable par la présidente du tribunal, après deux heures de lecture du long jugement sur les 25 coaccusés de ce procès pour utilisation frauduleuse des assistants parlementaires européens, Marine Le Pen avait quitté la salle d’audience.
Elle n’avait pas voulu attendre l’énoncé de ce jugement qui pourrait signifier la fin de sa carrière politique. «Cette condamnation ne signe en aucune manière, en aucune façon» son retrait de la vie politique a–t–elle poursuivi.
Se battre, toujours
Se battre, mais comment? Trois pistes ont été données par la dirigeante du RN, présidente du groupe de députés de son parti, le plus important de l’Assemblée nationale.
La première piste est judiciaire. Dans l’heure qui a suivi le prononcé de son jugement en première instance, Marine Le Pen a interjeté appel. Cela signifie qu’un second procès aura lieu. Entre-temps, sa peine d’inéligibilité s’applique, lui interdisant de se présenter à tout scrutin. Elle perd aussi son mandat de conseillère régionale des Hauts de France (Nord), mais elle conserve celui de député. L’appel va désormais déclencher une course judiciaire.
Si le second procès est organisé dans les douze prochains mois (vers le printemps 2026) et que le délibéré intervient quelques semaines après, une nouvelle décision de justice pourrait tomber fin 2026. Si celle-ci infirmait la première instance, et levait par exemple l’inéligibilité, alors la route de l’Elysée se rouvrirait. C’est l’objectif numéro un.
Victime du système
La seconde piste est politique. Marine Le Pen va se présenter comme victime du système alors qu’elle vient d’être reconnue coupable, ironie du sort, d’être «au cœur» d’un système de détournement de fonds publics à hauteur de quatre millions d’euros, entre 2004 et 2016, au détriment du Parlement européen.
«Je suis innocente» s’est-elle défendue. «Ce procès a été fait par des adversaires politiques. Il est fondé sur des arguments qui ne tiennent pas la route. Il s’agit là d’un désaccord administratif avec le Parlement européen. Il n’y a pas d’enrichissement personnel, il n’y a pas de corruption, il n’y a rien de tout cela.»
L’accusé est tout désigné: il s’agit du Parlement de Strasbourg qui aurait pu régler autrement ce «désaccord». Pour les électeurs du RN, largement anti-UE, cet angle d’attaque peut bien fonctionner.
«Des juges ont mis en place des pratiques que l’on croyait réservées à des régimes autoritaires», a dénoncé Marine Le Pen, avant de qualifier sa condamnation d’un «jour funeste […] pour notre démocratie et pour notre pays, où des millions de français vont être privés par un juge de première instance, sans recours possible, de la candidate qui est aujourd’hui donnée comme étant la favorite de l’élection présidentielle.»
Pas de successeur désigné
La troisième piste est personnelle. Marine Le Pen n’a pas adoubé à TF1 un quelconque successeur. Le président de son parti Jordan Bardella âgé de 29 ans? «Il est un atout formidable pour le mouvement et je le dis depuis longtemps. J’espère que nous n’aurons pas à user de cet atout plus tôt qu’il n’est nécessaire», a-t-elle complété.
La cheffe du RN a par ailleurs refusé d’entrer en matière sur un possible ticket Bardella président et Marine Le Pen premier ministre, en cas de victoire du candidat RN à la présidentielle de 2027. Elle n’a en revanche pas commenté le rôle que pourrait jouer sa nièce Marion Maréchal, eurodéputée – comme Bardella – et désormais de retour dans le giron du Rassemblement national.
Toujours candidate à l’Élysée
La morale de cette intervention télévisée est claire: Marine Le Pen se voit toujours candidate potentielle à la présidence de la République en 2027. Elle ne s’estime pas «éliminée», alors que sa situation politique est de facto plus que précaire. Elle ne reconnaît à aucun moment sa responsabilité dans les détournements de fonds publics dont elle vient d’être reconnue coupable.
Comme si la dirigeante du RN avait décidé de faire sienne la devise de Donald Trump, de retour à la Maison Blanche après une série de combats judiciaires perdus: «Attaquer, attaquer, toujours attaquer…»