Il nous faut bien commenter la décision de justice rendue par le tribunal correctionnel de Paris contre Marine Le Pen et le Rassemblement national. Pourquoi? Parce qu’en prononçant une peine d’inéligibilité de cinq ans avec exécution provisoire, les juges ont décidé ce lundi 31 mars 2025 d’interférer dans la vie démocratique française. Et parce qu’une peine doit toujours être évaluée au regard de la loi, mais aussi des faits reprochés aux accusés.
Or que vient-il de se passer en France? Point 1: un système de financement illégal, via l’utilisation frauduleuse d’assistants payés par le Parlement européen, à hauteur de quatre millions d’euros entre 2004 et 2016, vient d’être mis au jour. Point 2: un parti qui s’est longtemps présenté comme le «chevalier blanc» de la classe politique a été pris la main dans le sac, de façon méthodique et précise. Point 3: Marine Le Pen, leader de ce parti national populiste, était au centre de ce dispositif délictueux. Point 4: forts de ces évidences et pour éviter le risque de récidive, les magistrats ont décidé d’infliger à cette dernière la plus lourde des sanctions politiques, puisqu’elle ne pourra pas se présenter, sauf énorme surprise, à la prochaine présidentielle, en 2027.
Enchaînement problématique
C’est cet enchaînement de faits qui pose un problème. Car pour dire les choses clairement, vu d’un pays voisin de la France, non-membre de l’Union européenne, ni l’ampleur du délit commis, ni le risque de récidive ne justifient une telle exécution judiciaire. Il faut rappeler que d’autres juges français, dans des circonstances certes différentes mais pour d’autres détournements de fonds du Parlement européen, ont relaxé au début 2024 l’actuel Premier ministre François Bayrou! Et il faut aussi redire que, parmi les assistants européens utilisés à des tâches nationales sans rapport avec leur mandat, un certain nombre faisaient bel et bien de la politique, ce qui pose question sur la nature du détournement.
Pas d’enrichissement personnel
Ajoutons à cela le fait que Marine Le Pen et ses coaccusés n’ont pas été reconnus coupables d’enrichissement personnel et la coupe judiciaire est pleine. La condamnation sévère en première instance d’une dirigeante politique qui a enfreint la loi (qu’elle a elle-même votée) a beau être parfaitement justifiée, la proportionnalité de la peine, et son impact sur le débat démocratique doivent aussi être pris en compte.
Victimisation assurée
Marine Le Pen, déclarée coupable, se retrouve victime. Et avec elle, une grande partie de ses onze millions d’électeurs de la présidentielle 2022. Plus préoccupant: le Parlement européen, plaignant dans cette affaire, se retrouve paradoxalement au rang des accusés, rendu responsable par le RN et ses soutiens de cette atteinte à la démocratie.
Prise sous tous ces angles, cette décision des magistrats est discutable et mérite réflexion. Une justice qui se mêle trop de politique finit toujours par en payer le prix. Et nous tous avec.