Les danseuses de l’un des plus célèbres cabarets parisiens mises à nu en moins de 200 pages! Lisez «Le Crazy Horse – dans l’intimité d’un cabaret de légende» (Ed. de l’Aube), et vous comprendrez mieux pourquoi l’établissement associé de longue date aux nuits les plus longues de la capitale française a traversé toutes les époques.
On pourrait penser, en effet, que le Crazy Horse allait être volatilisé sous l’effet de la tempête #Metoo. Et bien non! Car le «Crazy» a toujours été, en réalité, une maison conçue pour et par les femmes. L’autrice Kathleen Tamisier, y a été danseuse. Elle commence d’ailleurs par raconter son premier «entretien» d’embauche et son premier casting. Oui, sa poitrine était ferme et avantageuse: condition sine qua non pour se retrouver sur la scène du Crazy Horse. Mais une fois embarquée dans l’aventure, elle y a découvert bien d’autres choses.
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Entrer dans l’intimité d’un tel lieu n’est pas simple. On sent bien, par exemple, que l’ex-danseuse devenue sociologue ne dit pas tout sur le fondateur de ce cabaret né en 1951, Alain Bernardin. L’homme était un patron d’autrefois. Disparu en 1994 à l’âge de 78 ans dans des circonstances mystérieuses (apparemment un suicide au pistolet, mais d’autres théories continuent de circuler), ce tenancier choisissait ses filles autant pour leur plastique irréprochable que pour leur tempérament.
Le rituel est décrit minutieusement. La première répétition. Les déhanchements du corps. Le choix d’un surnom qui vous fera entrer dans la légende. Puis chaque nuit, le spectacle. Et, très tard, le retour chez soi, en taxi. Rien, dans le livre, sur d’éventuelles relations tarifées avec des clients masculins. Le livre ne verse ni dans le scandale, ni dans le voyeurisme. Et c’est tant mieux. Les légendes du Crazy Horse resteront derrière son lourd rideau.
Légion étrangère
Le plus fascinant est l’atmosphère qui règne dans ce lieu. On se croirait presque dans une caserne de la Légion étrangère. Les filles originaires de l’est de l’Europe deviennent nombreuses à partir de la fin des années 80. Chacune découvre la vie. La France, c’est l’Occident. Le Crazy, c’est aussi la liberté. L’on aurait aimé que l’autrice nous parle davantage des clients, de la sociologie de ce public venu voir les plus belles filles du monde, sans doute avec d’autres rêves plein les yeux.
Mais c’est sur les danseuses qu’elle côtoya que Kathleen Tamiser s’attarde. Elle les a aimés. Elle les respecte. Ces femmes sont, souvent, bien différentes dans leur tête que dans leur corps. Les réduire à leurs mensurations de rêve est juste ridicule.
«Voyage au bout de l’enfer»
Il y a un peu du «voyage au bout de l’enfer» dans ce livre écrit comme une autopsie. À le lire, l’on ne voit plus le Crazy Horse briller de toutes ses lumières. L’on a presque l’impression d’un avis de décès pour ce «cabaret de légende» qui, pourtant, demeure bien ouvert sur l’avenue Georges V, à Paris. Logique.
L’ouvrage essaie de nous raconter ce qu’est le monde de la nuit autrement que par sa dimension plaisir, perdition, oubli. Il nous en présente la facette professionnelle. Il nous raconte chacun des métiers qui font le Crazy. Et c’est passionnant. Car pour faire consommer les spectateurs, et les ravir, il faut bien plus que des seins découverts et des strings flamboyants.
Né après-guerre
Le Crazy Horse, né après-guerre dans la folie américaine qui s’était emparé de la France, a toujours été le miroir de son époque. À l’heure des mouvements de libération de la parole féminine, il était normal qu’une auteure parle des femmes qui ont fabriqué sa légende. Si la beauté reste le moteur de ce cabaret, il n'aurait jamais été, sans l’intelligence féminine collective qui s’en dégage, ce «cheval fou» que personne n’arrivera à dompter.
A lire: «Le Crazy Horse. Dans l’intimité d’un cabaret de légende» de Kathleen Tamisier (Ed de l’Aube)