Financement libyen
Sarkozy corrompu: ce qui peut sauver l'ancien président français

L'ancien président français a subi une charge impitoyable de l'accusation dans le procès du financement libyen de sa campagne de 2007. Comment peut-il s'en sortir et démonter le «pacte de corruption» qu'on lui reproche?
Publié: 26.03.2025 à 11:06 heures
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Nicolas Sarkozy a déjà été condamné dans plusieurs affaires politico-financières. Il porte un bracelet électronique.
Photo: Getty Images
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Richard WerlyJournaliste Blick

La défense de Nicolas Sarkozy est plus que jamais au pied du mur, dans le procès qui s’achève ce vendredi 28 mars pour l’affaire du présumé financement libyen de sa campagne victorieuse de 2007. L’ancien président français est, rappelons-le, accusé de «corruption passive, recel de détournement de fonds publics, financement illégal de campagne électorale et association de malfaiteurs». Or le réquisitoire prononcé contre lui et les douze autres prévenus (dont trois de ses anciens ministres) a été impitoyable mardi et mercredi.

Le pire, pour l’ex-chef de l’Etat qui porte depuis le 7 février un bracelet électronique après sa condamnation en appel à un an de prison ferme «aménagé» pour corruption et trafic d’influence dans l’affaire dite des «écoutes téléphoniques», est que le Parquet national financier a basé son accusation sur les erreurs, les approximations, et les réponses embrouillées de certains de ses ex-collaborateurs les plus proches, comme son ancien Secrétaire général de l’Elysée Claude Guéant.

Intime conviction de corruption

Pour faire simple: le procès, et l’oralité des débats cruciale pour les décisions de justice, ont nourri encore plus l’intime conviction des Procureurs d’un «pacte de corruption» destiné à la fois à siphonner de l’argent du défunt Colonel Kadhafi, puis à le recycler en France. Un pacte «inconcevable, inouï, indécent», de la part d’un clan fidèle à l’ancien président. Un clan au sein duquel figurait l'intermédiaire Alexandre Djouhri, autrefois basé à Genève.

Que reste-t-il, dès lors, aux avocats de Nicolas Sarkozy et des autres coaccusés, pour démonter cette machine infernale que le procureur a, par avance, justifiée au nom de l’égalité devant la loi dont l’ex-chef de l’Etat fut le garant. «C’est l’application de la loi dans un souci de justice et d’impartialité, sans postulat de culpabilité qui guide le Parquet national financier a-t-il déclaré devant le tribunal. Celui-ci (crée en 2013 par le président François Hollande après l’affaire de l’ancien ministre socialiste du Budget Jérôme Cahuzac) n’a pas besoin d’un «succès judiciaire «pour «éviter de perdre la face».

Absence de preuves concrètes

Le premier élément, de taille, que Nicolas Sarkozy peut brandir est l’absence de preuves concrètes. Aucune preuve matérielle de l’arrivée, d’une façon ou d’une autre, de dizaines de millions d’euros dans le financement de sa campagne présidentielle victorieuse de 2007. Le chiffre de 50 millions d’euros parfois évoqué, supposé être la contribution financière de l’ancien dictateur Mouammar Kadhafi, est le résultat d’une extrapolation.

Les virements confirmés sont ceux qui sont arrivés sur les comptes du sulfureux intermédiaire libanais Ziad Takkiedine, en fuite et absent lors de ce procès qui a démarré le 6 janvier 2025, soit 4,5 millions d’euros. Les soupçons les plus étayés portent sur les dépenses en cash de l’ancien ministre de l’Intérieur Claude Guéant, justifiées par une revente de soi-disant tableaux de maîtres qui ne tient pas debout. «Sarko» se retrouve donc dans la position du principal accusé et bénéficiaire sans que rien ne l’accuse directement. C’est essentiel.

Des co-accusés pas fiables

Le deuxième élément que la défense de l’ancien président va sans doute pilonner est le manque de fiabilité des coaccusés, ébranlés par la procédure judiciaire. En clair: ces derniers ont «craqué». Le plus fragile de ce point de vue est son ancien proche Thierry Gaubert, dont un compte aux Bahamas a servi à faire transiter des fonds. Mais l’on peut s’attendre à davantage.

Brice Hortefeux, autre ancien ministre de l’Intérieur accusé de s’être rendu en Libye pour négocier l’ouverture d’un compte off-shore? Claude Guéant, son ex-bras droit à l’Elysée, incapable de justifier de façon cohérente ses dépenses, mais aussi très affaibli et en mauvaise santé? La piste est limpide: pour s’en sortir, l’ex-président peut arguer du fait que son entourage s’est peut-être livré à des transactions occultes sans qu’il en soit informé. Il peut sacrifier ceux qui l’ont jadis servi fidèlement.

Des millions en cash? Pas possible

Troisième élément en faveur de Nicolas Sarkozy: l’impossibilité que des sommes aussi importantes en provenance de Libye, converties en cash pour devenir intraçables, aient pu irriguer en 2007 sa campagne présidentielle. La meilleure preuve, paradoxalement, est une autre affaire de justice: celle qui a conduit à son procès pour financement illégal de sa campagne présidentielle suivante en 2012. Il s’agit de l’affaire Bygmalion, pour laquelle l’ex-patron de la droite française a été condamné en février 2024 à une peine d’un an d’emprisonnement, dont six mois ferme.

Au centre de l’affaire? Un vaste système de fausses factures. Il faut en effet payer des gens lors d’une campagne. Ce qui laisse des traces. Très peu de volontaires acceptent aujourd’hui du cash, surtout lorsque des millions d’euros sont évoqués. La logistique financière (valises, convoyage, reçus…) que cela exigeait apparaît impossible.

Place donc, aux arguments de Nicolas Sarkozy, face à un tribunal correctionnel devant lequel l’accusation a marqué beaucoup de points depuis trois mois.

Le jugement devrait être mis ce vendredi 28 mars en délibéré.

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