Mais où est donc le bracelet électronique que Nicolas Sarkozy (69) est supposé porter en permanence depuis sa condamnation définitive par les juges, le 18 décembre, dans l’affaire dite «des écoutes téléphoniques» ?
Pour rappel, l’ancien président français a, ce jour-là, été définitivement condamné à trois ans de prison dont un an ferme pour «pour corruption et trafic d’influence», assorti de trois ans d’inéligibilité. Une peine supposée être matérialisée par le port d’un bracelet destiné à faire office de «détention à domicile sous surveillance électronique». Or quelques jours après le jugement, l’ex Chef de l’État s’est envolé pour les Seychelles. Un voyage légalement possible, compte tenu des délais d’exécution de la peine, mais qui passe mal à l’orée de son nouveau rendez-vous avec la justice.
Le fantôme qui le hante
C’est en effet ce lundi 6 janvier que Nicolas Sarkozy va retrouver le fantôme qui le hante depuis son départ de l’Élysée. Un fantôme qu’il avait reçu en grande pompe, en décembre 2007, au palais présidentiel de l’Élysée, lui permettant même de planter sa tente dans les jardins de l’Hôtel Marigny, à l’époque résidence des invités de la République.
Son nom? Mouammar Kadhafi, mort le 20 octobre 2011 à la suite d’un raid aérien sur le convoi de véhicules qui tentait d’exfiltrer l’ex dictateur libyen, réfugié dans son bastion de Syrte. Sarkozy sera en effet, à partir de ce lundi, sur le banc des prévenus aux côtés de douze autres personnes, toutes mises en examen pour soupçons de financement libyen de sa campagne présidentielle victorieuse de 2007. La fin du procès, qui sera très suivi par les médias, est prévue à la mi-avril.
Le plus dur combat
Pour «Sarko», comme la presse le surnomme en France, ce combat judiciaire là, qu’il pourrait mener durant les dernières semaines d’audience avec son bracelet électronique au pied (il faut entre un et quatre mois pour l’exécution de la peine), est de très loin le plus symbolique. L’ancien président, hier ténor de la droite, comparait pour «corruption passive, association de malfaiteurs, financement illégal de campagne électorale et recel de détournement de fonds publics libyens». Une charge très lourde, qui relance aussi les soupçons sur les motivations de sa décision d’entrer en guerre en Libye en août 2011.
La localisation de Mouammar Kadhafi, prélude à son exécution par des rebelles, aurait d’ailleurs été le fait de l’armée française. On se souvient aussi que Nicolas Sarkozy avait mis en scène, dès son élection en mai 2007, l’intervention de son ex-épouse Cécilia en Libye pour obtenir la libération des infirmières bulgares faussement accusées par les autorités d’avoir inoculé le sida dans ce pays.
Quel rapport entre le bracelet électronique pas encore posé et porté, et l’affaire Libyenne? Les juges bien sûr. Depuis le début de ses ennuis judiciaires, Nicolas Sarkozy accuse les magistrats de mener contre lui un procès politique, criant à chaque fois qu’il le peut son innocence. Or porter un bracelet en plein tribunal matérialiserait une culpabilité que l’ex Chef de l’État nie farouchement, au point de déposer un recours devant la Cour européenne des droits de l’homme pour faire invalider le jugement du 18 décembre.
Faire face
Sa stratégie? Faire face, mais résister et utiliser toutes les ficelles du droit, lui qui a toujours réclamé une justice plus expéditive pour les délinquants lorsqu’il était aux affaires. «Je ne suis pas décidé à accepter l’injustice profonde qui m’est faite», a-t-il réagi après son dernier jugement. «J’assumerai néanmoins mes responsabilités et ferai face à toutes ses conséquences». A noter: une dérogation pourrait lui être favorable à partir du 28 janvier, date de ses 70 ans. Il pourra en effet demander alors une libération conditionnelle, comme le prévoit la loi.
Le procès de l’affaire Libyenne qui s’ouvre ce 6 janvier doit beaucoup aux révélations du journal en ligne Mediapart, qui a inlassablement suivi les pistes de l’argent de Kadhafi. «Il s’agit d’une des affaires les plus explosives de la République» annonce Mediapart sur son site web, listant les accusés les plus connus: Nicolas Sarkozy, Claude Guéant (ancien bras droit du Président), Brice Hortefeux, Éric Woerth (anciens ministres), ainsi que les intermédiaires Ziad Takieddine et Alexandre Djouhri. Ce dernier est très connu à Genève où il a longtemps résidé. Il est, depuis plusieurs années, cité comme l’un des protecteurs d’Alexandre Benalla, l’ancien conseiller d’Emmanuel Macron devenu à son tour un intermédiaire prisé (notamment en Afrique) et désormais lui aussi résident en Suisse.
Acte d’accusation
L’acte d’accusation du procès à venir comporte 557 pages. Selon Mediapart, celles-ci, signées des deux juges d’instruction Aude Buresi et Virginie Tilmont sont «denses, méthodiques, pesées au trébuchet, pour détailler dix années d’une enquête judiciaire hors normes». Les magistrates ont assorti ce dossier d’une nuance, reconnaissant qu’il «n’existe pas d’évidence dans les dossiers économiques». Ce qui ne les empêche pas de dénoncer «un pacte de corruption a été noué entre Nicolas Sarkozy et Mouammar Kadhafi aux fins de financement de l’élection du premier».
Les deux juges écartent l’idée d’une «machination destinée à nuire à Nicolas Sarkozy», thèse défendue par l’ancien président, «pour le punir d’avoir conduit la coalition contre le régime de Mouammar Kadhafi» en 2011. «Cette thèse ne résiste pas à l’analyse» affirment-elles. C’est la première fois en France qu’un ancien président définitivement condamné dans une affaire se retrouve de nouveau sur le banc des accusés.