«Harcèlement judiciaire.» Telle est l’ultime ligne de défense de Nicolas Sarkozy, premier président français à être condamné définitivement à une peine de prison ferme pour avoir tenté, en 2014, de favoriser la carrière d’un juge en échange d’information sur une enquête en cours. Après avoir, par prudence, pris un second téléphone enregistré sous un autre nom, Paul Bismuth, afin d’échapper à toute surveillance électronique.
Débouté par la Cour de cassation ce mercredi 18 décembre, l’ex-chef de l’État (2007-2012) devra en effet porter pendant un an un bracelet électronique, tandis que deux autres années de prison avec sursis seront inscrites à son casier judiciaire. L’obligation de porter un bracelet électronique a été confirmée par la plus haute instance judiciaire française. Elle est le résultat du procès en appel dans l’affaire dite des «écoutes téléphoniques», pour laquelle Nicolas Sarkozy a été condamné pour «corruption et trafic d’influence», tout comme ses deux coaccusés, son ami avocat Thierry Herzog et l’ancien magistrat Gilbert Azibert. C’est lui qui cherchait à obtenir les faveurs de l’ex-chef de l’État, sans parvenir in fine à décrocher le poste dont il rêvait dans la Principauté de Monaco.
La réalité est que l’ancien président de la République (qui promet de saisir la Cour européenne des droits de l’homme) est bel et bien en guerre ouverte avec la justice de son pays dont il fut autrefois le garant dans l’exercice de ses fonctions. Et que son influence politique jusque-là persistante pourrait bien en pâtir, voire finir enterrée.
Palmarès des poursuites
S’il s’agit de sa première condamnation définitive, celle-ci pourrait en effet être rapidement suivie par d’autres. Et pour cause: Nicolas Sarkozy reste le dirigeant français le plus poursuivi. Il demeure soupçonné d’avoir financé une partie de sa campagne présidentielle de 2007 grâce à des fonds venus du régime de l’ancien dictateur libyen, Mouammar Kadhafi.
Il a aussi été condamné en première instance et en appel dans l’affaire du dépassement des comptes de sa campagne présidentielle de 2012 (il s’est pourvu devant la Cour de cassation qui tranchera en 2025), et demeure mis en examen pour «recel de subornation de témoin» et «association de malfaiteurs en vue de la préparation d’escroqueries au jugement en bande organisée» dans l’affaire des fausses déclarations d’un intermédiaire libanais, Ziad Takkedine.
L’ombre du Qatar
Dernier écueil judiciaire enfin: le «Qatargate». Une plainte a été déposée contre lui pour l’attribution de la Coupe du monde 2022 à l’émirat, dont il ne manque jamais de défendre les intérêts en France.
Impossible donc, aujourd’hui, de délier le rôle public encore joué par Nicolas Sarkozy de son sort judiciaire. D’autant que l’étoile de l’ancien président conservateur auprès d’Emmanuel Macron semble être en train de pâlir. «Sarko», comme on le surnomme en France, est l’ennemi juré du nouveau Premier ministre centriste François Bayrou. Lequel a plusieurs fois questionné publiquement sa moralité et sa transparence. Au point de voter pour son adversaire socialiste François Hollande au second tour de la présidentielle de 2012.
L’étreinte des juges
Autre signe que l’étreinte des juges commence à peser très lourd dans la balance de Nicolas Sarkozy: ses anciens alliés de droite se gardent désormais de clamer son innocence comme il le fait. Même si plusieurs grands élus conservateurs lui ont apporté leur soutien, ceux qui incarnent la relève se montrent prudents.
Plutôt que de dénoncer le jugement, le patron du groupe Les Républicains à l’Assemblée nationale, Laurent Wauquiez, a ainsi préféré saluer l’homme dans un message posté sur X: «Cette décision est profondément incompréhensible. Je sais à quel point Nicolas Sarkozy est un combattant et ne baissera pas les bras. Il a toute mon amitié.»
Père et fils
Fait également révélateur de cette descente aux enfers judiciaire de plus en plus difficile à contrer, l’ex-président commence à manquer de soutien dans les médias. Beaucoup de commentateurs s’attendent même à sa mise en retrait pour faire de la place à l’un de ses fils, Louis, né en 1997 et éduqué aux États-Unis. Ce dernier, fils de Cécilia Attias et chroniqueur sur la chaîne d’information LCI, fait ces jours-ci la «Une» de la presse française, car il s’est dit à plusieurs reprises admiratif de la réussite électorale de Donald Trump.
Les juges français sont-ils, ni plus ni moins, en train d’accélérer le passage de témoins entre le père et le fils? «Le grand public, perdu dans l’entrelacs des affaires dans lesquelles Nicolas Sarkozy se débat, retiendra une seule chose: le port de ce bracelet électronique» juge «L’Indépendant de Perpignan», quotidien d’une région désormais contrôlée politiquement par le Rassemblement national de Marine Le Pen.
En attente du jugement dans son procès pour «détournements de fonds publics» via l’utilisation illégale d’assistants parlementaires européens, prévu le 31 mars, la cheffe du parti national-populiste redoute, il est vrai, de connaître un enterrement judiciaire similaire.