Emmanuel Macron s’est déjà présenté aux Français comme le président d’une République en guerre. C’était il y a cinq ans, le 16 mars 2020. Dans son discours d’annonce des mesures strictes de confinement pour lutte contre la pandémie de Covid 19, le locataire de l’Elysée avait alors, ni plus ni moins, présenté celle-ci comme une menace existentielle pour son pays.
«Nous sommes en guerre» avait-il martelé à plusieurs reprises. Avant de poursuivre: «En guerre sanitaire, certes: nous ne luttons ni contre une armée, ni contre une autre Nation. Mais l’ennemi est là, invisible, insaisissable, qui progresse. Et cela requiert notre mobilisation générale. Toute l’action du gouvernement et du Parlement doit être désormais tournée vers le combat contre l’épidémie».
Mobilisation générale
Peut-on comparer cet appel à la mobilisation générale contre le Covid-19 aux appels incessants, ces jours-ci, pour une augmentation des dépenses militaires de la France, afin de faire enfin exister une défense européenne digne de ce nom? La réponse est oui. Et les leçons de la pandémie en disent long sur ce qui a fonctionné à l’époque. Et sur ce qui a lamentablement raté. Au point que les Français le paient encore aujourd’hui, cinq ans plus tard.
La réussite, face au virus, fut la réponse de la nation. Certes, de nombreuses objections justifiées aux mesures restrictives des libertés furent entendues. Il est aussi facile aujourd’hui d’estimer que la surenchère de la peur fut instrumentalisée par un gouvernement placé le dos au mur par l’absence de stocks de masques, et une désorganisation sanitaire initiale massive. Mais regardons les résultats, au-delà du débat sur l’aspect liberticide des mesures. Les Français répondirent largement présents. La confiance et la solidarité furent au rendez-vous. Le pragmatisme, dans les administrations, refit soudain surface. Le surplus de règles et de normes fut écarté. Cette France présumée désorganisée et éruptive sut, rapidement, se mettre en ordre de bataille.
L'échec de l'Etat
L’échec, en revanche, fut celui de l’Etat. Et c’est cela qui, aujourd’hui, ne lasse pas d’inquiéter. Le «quoi qu’il en coûte» budgétaire, dont la facture totale s’est élevée à 240 milliards d’euros, n’a pas été un amortisseur vertueux. Au contraire. Oui, la récession économique a été jugulée par ce déluge de subventions publiques. Mais l’argent distribué, de l’avis général, a été mal contrôlé, voire souvent gaspillé. Le système de santé, placé devant une tragédie majeure, a assumé sans pour autant se réformer. La complexité bureaucratique demeure. Le personnel des hôpitaux demeure en colère. La guerre contre le Covid-19 s’est achevée, sur le plan de l’efficacité administrative, par un cessez-le-feu. Alors que sur le plan médical en revanche, et sur le plan de la mobilisation financière européenne, d’incontestables victoires ont été obtenues.
Voilà ce qu’Emmanuel Macron, redevenu chef de guerre face à la menace russe proclamée et à l’abandon programmé des Etats-Unis, doit avoir le courage de regarder en face. Lorsqu’ils sont attaqués, les Français répondent à l’appel. Ils se serrent les coudes. L’administration, en revanche, reste rétive aux réformes, aux nouvelles pratiques, à l’exigence d’efficacité indispensable en période de conflit.
Choix budgétaires
A l’heure où des choix budgétaires difficiles s’imposent, entre dépenses sociales et dépenses militaires, et alors que la tendance lourde d’un retrait américain d’Europe se confirme, c’est ce bilan des années Covid qui doit faire réfléchir. Seule une France débarrassée de ses lourdeurs et libérée de son labyrinthe de régulations et de normes peut affronter l’avenir de façon décisive. Les Français y sont prêts. A leurs dirigeants de tirer les bonnes leçons de cette autre guerre, déclarée le 16 mars 2020.