Il n’a pas eu besoin de guide pour arriver jusqu’à la salle au manger. Emmanuel Macron, bien sûr, l’attendait sur le perron de l’Élysée. Mais pour le reste, l’Émir du Qatar connaissait le chemin par cœur. Avant d'annoncer de prochains investissements en France pour un montant de dix milliards d'euros.
Tamim al-Thani, 43 ans, est l’un des alliés les plus solides de Paris dans le monde arabe. Il possède le Paris-Saint-Germain, ce club de foot de la capitale qui désespère de remporter un jour une coupe d’Europe, mais monopolise l’attention des médias grâce à sa star aujourd’hui partante vers de nouveaux cieux du ballon rond: Kylian Mbappé, 25 ans. Le capitaine de l’équipe de France était d’ailleurs présent au dîner pour le début de cette visite d’État, aux côtés de Nasser al-Khelaïfi, le patron du PSG qui, dans son pays, est un ministre sans portefeuille du gouvernement.
Tamin al-Thani n’est toutefois pas un intime d’Emmanuel Macron. L’homme qu’il connaît le mieux, dans le sérail politique français, est l’ancien président Nicolas Sarkozy (2007-2012). L’ex-locataire de l’Élysée a souvent été cité pour prendre la présidence du Paris-Saint-Germain, ce qui ne s’est pas encore matérialisé.
Il faut dire que le Qatar sent le soufre pour l’époux de Carla Bruni: c’est lors d’un déjeuner dans ce même palais présidentiel, le 23 novembre 2010, avec celui qui n’était alors que prince héritier, et Michel Platini, qu’un pacte aurait été scellé entre les trois pour soutenir l’attribution de la coupe du monde à l’Émirat. Platini présidait alors l’UEFA, la puissante fédération européenne de Football basée à Nyon (VD).
Sa présence à ce fameux déjeuner lui a valu ensuite pas mal de soucis. La dernière en date est une plainte pour corruption déposée en avril 2023 par l’association française Anticor, visant Sarkozy, l’ancien Premier ministre Hamad ben Jassem al-Thani et l’ancien secrétaire général de l’Élysée Claude Guéant. Les accusations? Trafic d’influence, corruption d’agent public étranger, association de malfaiteurs, financement illégal de campagne électorale et recel de ce même délit.
Patrimoine immobilier faramineux
L’autre argument de poids de l’Émir du Qatar en France est son patrimoine immobilier. Tamim ben Hamad al-Thani posséde, via une société, un magnifique hôtel particulier de deux étages situé square de Luynes, dans le 7e arrondissement de Paris, à deux pas du boulevard Saint-Germain. Ironie géographique: cette villégiature voisine presque l’appartement d’un ancien ministre des Affaires étrangères français.
Mais attention: ce domicile privé n’est que la partie émergée de l’iceberg immobilier qatari. L’Émirat possède aussi le Concorde Lafayette, l’hôtel du Louvre à Paris, l’hôtel Raffles (ex-Royal Monceau), l’hôtel Peninsula, plus 35'000 mètres carrés sur les Champs-Élysées, dont la galerie commerciale Élysée 26. Idem pour l’hôtel d’Évreux sur la Place Vendôme et le somptueux hôtel Lambert sur l’île Saint-Louis à Paris. Bref: Emmanuel Macron est presque cerné. Impossible de ne pas tomber sur une propriété qatarie autour de l’Élysée.
Levier économique du gaz
Coté financier et économique, le levier du Qatar est le gaz liquéfié, que l’Émirat vend à la France, l’un de ses premiers clients, 4e importateur mondial de GNL. Un accord signé en octobre 2023 garantit la livraison de 3,5 millions de tonnes par an à la France sur 27 ans! De quoi obtenir une place de choix parmi les interlocuteurs diplomatiques privilégiés d’Emmanuel Macron au Moyen-Orient, où le Qatar est aujourd’hui le principal négociateur entre le Hamas, dont il abrite plusieurs dirigeants, et Israël.
La question de Gaza sera évidemment au centre des discussions entre le président français et l’Émir. Mais ce sujet sera sans doute abordé à un autre moment. Pour le dîner d’ouverture, il se pourrait bien que les conversations focalisent sur deux autres sujets: le départ prochain de Kylian Mbappé du PSG et le refus de la mairie de Paris de vendre au club le Parc des Princes où il joue à domicile.