Débat au parlement français
A quoi va ressembler l'Ukraine après la guerre? Le scénario empoisonné

L'Assemblée nationale a débattu mardi, puis voté sur l'accord sur la sécurité entre la France et l'Ukraine. Le Sénat en débat mercredi. Mais quel futur pour le pays? La question a été au centre des interventions.
Publié: 12.03.2024 à 20:34 heures
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Dernière mise à jour: 13.03.2024 à 11:39 heures
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Le premier ministre français Gabriel Attal a ouvert le débat parlementaire sur la guerre en Ukraine ce mardi 12 mars.
Photo: DUKAS
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Richard WerlyJournaliste Blick

L’Ukraine n’est pas qu’une guerre. Ce constat a malheureusement été peu évoqué lors des débats à l’Assemblée nationale, mardi 12 mars, sur l’accord de sécurité signé pour 10 ans entre Paris et Kiev, ponctué par l'approbation de l'accord de sécurité France-Ukraine signé fin février, validé par 372 voix pour, 99 contre et 101 abstentions. Un second débat a lieu ce mercredi 13 mars au Sénat.

La plupart des interventions des députés ont porté sur la conduite des opérations militaires, sujet rendu explosif depuis la déclaration d’Emmanuel Macron, le 26 février, sur l’impossibilité d’exclure l’envoi de troupes au sol dans le pays en guerre, si la «dynamique» du conflit l’exige. Mais après? Dix ans, c’est 2034. Cette période est aussi celle que la plupart des observateurs jugent comme indispensable pour que le pays remplisse toutes les conditions d’intégration dans l’Union européenne. A quoi ressemblera l’Ukraine à cette date?

Un ancien conseiller d’Emmanuel Macron, rencontré par Blick à Paris dans le cadre du «Paris Defense and Strategy Forum» - qui se tient ces 13 et 14 mars - a accepté de nous préciser les contours de l’Ukraine en 2034. Avec, en premier lieu, une hypothèse qui a de quoi faire frémir: un pays de 43 millions d’habitants coupé en deux, maintenu dans un conflit gelé par la Russie, et assis sur les plus importantes réserves d’armes et de munitions d’Europe. «Il faut regarder cette réalité en face» nous explique l’ex-collaborateur du président français. L’Ukraine peut devenir, demain, une puissance XXL, ce qu’est la Transnistrie aujourd’hui: un baril de poudre entre l’Union européenne et la Russie, qui pourra à tout moment allumer la mèche. La comparaison est judicieuse. La Transnistrie est une région sécessionniste de Moldavie, où l’armée russe conserve la garde d’une ancienne base soviétique remplie d’armes. La population de Transnistrie, environ 500'000 habitants, réclame son rattachement à la Russie. C’est une épine russe plantée dans le pied du flanc oriental de l’UE.

Abstention du Rassemblement national

Et l’Ukraine demain? Les parlementaires qui se sont succédés à la tribune de l’Assemblée nationale n’en ont guère parlé. Le Rassemblement national (extrême droite) avait annoncé qu’il ne voterait pas pour l’accord déjà signé, qui garantit à Kiev le soutien militaire et économique de la France, à l’instar d’une dizaine d’autres accords de sécurité bilatéraux signés par l’Ukraine avec des pays tels que le Canada, la Belgique ou les Pays-Bas.

On sait que depuis le début décembre, l’Ukraine a obtenu le statut de candidat à l’adhésion au sein de l’Union. Or les droites nationales populistes, qui ont le vent en poupe en Europe, ne veulent pas entendre parler d’un nouvel élargissement. «Intégrer l’Ukraine, c’est nous mettre un fardeau ingérable sur les épaules, argumente le député du RN Sébastien Chenu. On ne peut pas accepter un accord de sécurité qui, de facto, nous lie à un pays en guerre».

Scénario pour 2034

Mais alors, que faire? «En 2034, l’Ukraine sera bien plus sûre et bien plus gérable pour l’Union européenne si elle est dans l’ensemble communautaire, malgré les écueils économiques, poursuit notre source, autrefois familière de ces dossiers au Palais de l’Élysée. Le scénario empoisonné est en revanche celui où l’on laisse ce pays devenir une zone tampon par laquelle transiteront les trafics, les migrants, les mafias». Le pire, pour cet interlocuteur, serait une Ukraine toujours aux portes de l’Union, en lien avec les pays des Balkans occidentaux, eux aussi, maintenus hors de l’UE.

«Tout le flanc oriental de l’Union se retrouverait pris en tenaille. Il faut absolument éviter ça. La meilleure manière de gérer l’Ukraine, qu’on le veuille ou non, c’est de l’intégrer et d’investir massivement dans sa reconstruction, en prenant garde à ne pas déstructurer son économie en ouvrant les frontières trop vite aux géants de la distribution d’Europe de l’ouest. Il ne faut pas qu’en 2034, l’Ukraine soit seulement une puissance agricole qui importe tous ses biens de consommation. Il faut éviter des restructurations synonymes de chômage de masse dans un pays qui sera armé jusqu’aux dents».

Le débat à l’Assemblée nationale

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Bonne remarque. Alors, que faire? La réponse est celle qu’Emmanuel Macron donne depuis quelques jours: tout faire pour éviter que l’Ukraine perde et qu’elle ne se disloque, pour devenir un pays «failli», où l’État n’assurerait plus ses fonctions essentielles. «Face à une Russie de plus en plus aggressive, l'Ukraine ne peut pas être livrée à Poutine» a assuré, lors du Forum de Paris sur la défense, le président de la Commission de la défense de la Diète Polonaise, Andrzej Szewinski. L'enjeu ? Éviter que la population ukrainienne désabusée et manipulée ne se retrouve, assise, au sens propre, sur un baril de poudre.

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