Exit Emmanuel Macron? S’il avait voulu indiquer la sortie au président de la République, Edouard Philippe ne s’y serait pas pris autrement. L’ancien Premier ministre, chef des ralliés de la droite à Macron en 2017, a en effet choisi de se déclarer candidat à l’élection présidentielle de 2027 en pleine crise politique, alors que le pays est depuis cinquante jours dirigé par le gouvernement démissionnaire de Gabriel Attal.
Mieux: dans son entretien à l’hebdomadaire Le Point, l’actuel maire du Havre promet «des annonces massives». Autrement dit, un programme détaillé et convaincant pour l’après-Macron, dont le second quinquennat s’achève en mai 2027. Et ce, alors que l'option d'un gouvernement de la droite et du centre dirigé par le président de la région Nord Xavier Bertrand semble redevenue la priorité de l'Élysée.
Edouard Philippe, 53 ans, a dirigé le gouvernement français de mai 2017 à juin 2020. Il a incarné les premiers temps du macronisme, lorsque l’actuel chef de l’Etat promettait de surmonter le clivage entre la gauche et la droite, et de rompre avec le vieux monde politique. Il avait ensuite quitté les rênes de l'administration en pleine crise du Covid, après avoir été ébranlé par la crise des «gilets jaunes» durant l’hiver 2018-2019.
Depuis, l’intéressé se préparait, on le savait, pour la prochaine course à l’Élysée. Sauf que la crise politique issue des élections législatives anticipées des 30 juin et 7 juillet (il n’était pas candidat à un siège de député) a changé la donne. Macron apparaît plus faible que jamais. Il n’a toujours pas nommé de nouveau Premier ministre, parce qu’aucune personnalité ne semble capable de réunir une majorité de députés, dans une Assemblée nationale divisée en trois blocs: extrême droite, droite et centre, et union de la gauche (le Nouveau Front Populaire).
Possible crise de régime
Pourquoi annoncer maintenant, dans ce qui ressemble fort à une impasse, sa décision de se lancer dans la course à l’Élysée en 2027? L’explication la plus plausible est qu’Edouard Philippe ne croit pas son ex-mentor capable de tenir encore trois ans. Plus grave pour le chef de l’Etat: son ancien bras droit mise sans doute sur une possible crise de régime, qui pourrait pousser Macron vers la démission avant la fin de son mandat. Ce que celui-ci a toujours écarté. Autre hypothèse: l'intéréssé veut prendre de court tous ses rivaux à droite. Une manière d'avertir Xavier Bertrand, l'ex candidat à la présidentielle peut-être en voie d'atterrir à Matignon, qu'il ne lui cédera pas la pole-position.
Edouard Philippe était jusque-là absent du débat public dominé par l’impossibilité de constituer un gouvernement. Il n’avait, il est vrai, guère de marge de manœuvre avec seulement 28 députés pour son parti de centre-droit «Horizon».
Que faire dès lors? Attendre? Mettre ses forces dans la balance pour pousser ses anciens amis de droite à gouverner avec Macron et le bloc central? Ou au contraire rompre complètement avec le locataire de l’Élysée? C’est cette dernière option qui l’a emporté. Au risque d’apparaître comme un traître pour ceux qui restent fidèles au chef de l’État.
L’enjeu, maintenant, pour Édouard Philippe, est de démontrer qu’il n’est pas seulement capable d’effet d’annonce. Or cela passe par deux tests, qui devraient trouver réponse dans les prochains jours ou semaines.
Le premier test est bien sûr celui de son positionnement dans la crise actuelle, vis-à-vis de Macron et vis-à-vis de la droite, son camp politique d’origine puisqu’il fut le pilier de la candidature manquée d’Alain Juppé en 2017 (devancé par François Fillon lors des primaires). Edouard Philippe doit, là, répondre à trois questions.
1. Soutient-il un gouvernement de coalition classé à droite pour gouverner la France?
2. Partage-t-il avec le leader de la droite traditionnelle Laurent Wauquiez son «pacte législatif»?
3. Est-il un allié ou un adversaire de l’actuel premier ministre démissionnaire Gabriel Attal, qui brûle de devenir le chef du courant macroniste, et peut-être de se présenter aussi à la prochaine présidentielle?
Le second test, pour Edouard Philippe, est celui de sa popularité. Le maire du Havre, frappé d’une maladie de peau qui a modifié son apparence physique depuis plusieurs années, est-il capable de convaincre les Français qu’il est une alternative à Macron, alors que les deux premières forces politiques du pays sont le Rassemblement national (droite nationale populiste) et le bloc de gauche?
Un président fini
Pour mémoire, la patronne du RN Marine Le Pen a déjà annoncé sa quatrième candidature à la présidence de la République. Tandis qu’à gauche, le leader de la gauche radicale Jean-Luc Mélenchon rêve lui aussi de se porter à nouveau candidat, après avoir fini en troisième position en 2022.
Ces trois-là, en tout cas, partagent le même constat: le président est fini. La France est, selon eux, condamnée à l’immobilisme voir à des crises à répétition pour les trois prochaines années. L’heure est donc venue de se lancer.
A Emmanuel Macron, maintenant, de les démentir.