Assaut commercial de Trump
Bernard Arnault est-il le milliardaire qui peut sauver l'Europe?

Le milliardaire français est l'un des rares Européens qui a l'oreille de Donald Trump. A la tête du géant du luxe LVMH, il risque très gros dans la guerre commerciale avec les Etats-Unis. Et s'il négociait un cessez-le-feu?
Publié: 02.04.2025 à 15:03 heures
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Dernière mise à jour: 02.04.2025 à 23:49 heures
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Le géant du luxe LVMH a tout à perdre dans une guerre commerciale entre l'Europe et les États-Unis.
Photo: AFP
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Richard WerlyJournaliste Blick

Bernard Arnault face à Donald Trump. L’image n’a rien d’exceptionnel. Le milliardaire français de 76 ans, en troisième position sur la liste des hommes les plus riches du monde après Elon Musk et Jeff Bezos, connaît bien le président des Etats-Unis. Il était, aux côtés de l’armateur Jacques Saadé de CMA-CGM, lui aussi milliardaire, invité à la cérémonie d’investiture au Capitole, le 20 janvier dernier.

«Arnault est l’un des seuls que Trump écoute en Europe. Sa voix porte. Il ne faut jamais l’oublier», nous expliquait voici quelques jours l’ancien Commissaire européen au marché intérieur Thierry Breton, lors d’un enregistrement du podcast «Le Nouvel Esprit Public».

Guerre commerciale, c’est parti

Pourquoi parler de Bernard Arnault alors que Donald Trump s’apprête, ce mercredi 2 avril, à confirmer la guerre commerciale tous azimuts qu’il entend mener avec les pays européens et avec les principaux partenaires économiques de son pays, devenus adversaires? Pourquoi penser que ce milliardaire peut jouer un rôle face à l’administration républicaine, résolue à fêter ce mercredi 2 avril «le jour de la libération» à coups d’annonces de tarifs douaniers?

La réponse est simple: parce que tout le monde redoute les effets de cette guerre aux frontières, et parce que le milliardaire français, propriétaire du groupe LVMH, a un intérêt direct au cessez-le-feu. Champagne, parfums, produits de luxe… LVMH réalise 27% de son chiffre d’affaires (84,7 milliards d’euros en 2024) aux Etats-Unis. Un quart de son activité! Tout dérèglement de ce marché est donc pour ce groupe un problème existentiel, d’autant que la Chine sera à coup sûr impactée et prendra aussi des mesures de rétorsion susceptibles d’affecter ses consommateurs.

Pas qu’un milliardaire

Aspect supplémentaire: Bernard Arnault n’est pas qu’un milliardaire. Il est aussi un investisseur outre-atlantique. Et un investisseur apprécié de Donald Trump qui, en 2019, lors de son premier mandat présidentiel, l’avait accompagné au Texas pour l’inauguration d’un nouvel atelier de confection, d’une valeur de 50 millions de dollars.

«Comment le PDG de LVMH veut amadouer Trump» titrait encore, voici quelques jours, la version française du très capitaliste magazine américain Forbes. Et d’ajouter: «Il joue de sa relation avec le président américain pour tenter d’échapper aux droits de douane de 200% que le républicain agite envers les vins spiritueux européens. Entre eux règne une entente de longue date. Donald Trump et Bernard Arnault entretiennent une relation depuis plus de 40 ans».

Calmer Donald Trump

Alors, comment le PDG de LVMH peut-il calmer le 47e président des Etats-Unis? La réponse tient en trois arguments, que Bernard Arnault garde dans sa besace, au moment où la Commission européenne prépare sa riposte commerciale.

Le premier argument est la mise en avant des investissements européens de l’autre côté de l’Atlantique. Dans le cas du géant du luxe, le lancement de l’usine au Texas est venu s’ajouter à l’acquisition d’une icône américaine, le bijoutier Tiffany, pour 14 milliards d’euros. Mieux, LVMH bénéficie d’un traitement tout particulier du président américain.

Tarifs «à la carte»

Bernard Arnault pourrait donc plaider pour des tarifs douaniers «à la carte», dont seraient exemptés tous les groupes qui acceptent de produire davantage aux Etats-Unis. Lui-même en a bénéficié pour son groupe durant le premier mandat de Trump, évitant les surtaxes à 25% sur les spiritueux qui font si peur aux filiales viticoles européennes. «Quand Arnault parle, c’est le multimilliardaire que Trump écoute poursuit Thierry Breton. Il le voit d’abord comme un créateur de richesse hors pair». Cela profiterait aux exportations européennes.

Deuxième argument: la fine connaissance des arcanes du Parti républicain. Bernard Arnault dispose, selon ceux qui le connaissent bien, d’un réseau hors pair de lobbyistes après des élus et des gouverneurs. Selon Forbes, il aurait fait appel au service de S-3 Group, un lobby proche du Parti dominé par Donald Trump, pour un contrat à hauteur de 240 000 dollars en 2024. Or quoi que le Président décide, le Congrès devra ensuite l’avaliser. «Il y a urgence pour le groupe LVMH poursuit un expert. Depuis l’investiture du 20 janvier, sa capitalisation boursière de LVMH a perdu près de 14%. Dans ce cas de figure, on tire sur toutes les ficelles».

Cap sur les États-Unis

Troisième fil sur lequel Bernard Arnault peut tirer: le plaidoyer que celui-ci continue de faire pour l’économie américaine en Europe. A plusieurs reprises, le milliardaire a défendu les Etats-Unis pour leur approche toujours libérale de l’entreprise et du commerce, face au rouleau compresseur de régulations européennes. Certains voient aussi un autre type d’alliance se nouer: le PDG de LVMH, jusque-là très distant vis-à-vis de la droite nationale-populiste française, pourrait s’en rapprocher comme son ami, le milliardaire Vincent Bolloré. En clair: Bernard Arnault pourrait rendre des services politiques à Trump en échange d’une certaine clémence.

Coïncidence familiale qui en dit peut être enfin plus long qu’on le pense: la connexion arctique et polaire. Le groupe LVMH est entré au capital du fabricant de vêtements pour grand froid Moncler, dont le fils du PDG Alexandre Arnault s’apprête à devenir administrateur. Or qui dit Moncler dit grand nord, donc aussi Groenland. Et si Bernard Arnault constituait l’un des meilleurs remparts de l’Europe face aux assauts de Donald Trump?

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