Seul Donald Trump sait exactement ce que contient la bombe qu'il compte lancer ce mercredi 2 avril à 16 heures (22 heures en Suisse) depuis les jardins de la Maison Blanche. En effet, le président américain devrait annoncer de nouveaux droits de douane. Et ceux-ci pourraient bien marquer la fin du partenariat historique entre l'Europe et les Etats-Unis. Bien sûr, ces annonces devraient aussi faire des gagnants. Mais certainement pas les Américains, qui croulent déjà sous le poids de l'inflation.
Pendant longtemps, l'alliance entre l'Europe et les Etats-Unis a été la plus puissante au monde. Ensemble, ils ont vaincu les nazis et fondé l'OTAN. C'est grâce à l'injection de fonds américains, le fameux plan Marshall, que l'Europe s'est remise sur pied après la Seconde Guerre mondiale. Pendant des décennies, l'Europe a tenu les Soviétiques en échec grâce aux armes nucléaires positionnées par les américains sur le Vieux continent. L'Europe doit beaucoup à son «big brother» d'outre Atlantique, qui a volontairement choyé son «continent d'origine».
L'Europe sort ses propres armes commerciales
Mais si Trump distille effectivement son poison protectionniste dans les jardins de la Maison Blanche ce mercredi, il en sera fini de cette alliance. De base, le président américain disait vouloir mettre en place «des droits de douanes réciproques», c'est-à-dire des taxes douanières qui reflèteraient celles que les autres pays appliquent sur les produits américains.
Puis, il s'est mis à évoquer des droits de douane de 25% sur l'automobile, en ciblant nommément une quinzaine de pays. Avant de finalement déclarer depuis l'avion présidentiel Air Force One que «tous les pays» seraient touchés. L'Union européenne (UE), dont Trump affirme qu'elle «n'a été créée que pour nous arnaquer», semble particulièrement visée.
La dernière fois que les Américains se sont montrés aussi impitoyables avec l'Europe, c'était le 16 décembre 1773. Des colons et des marchands en colère contre la politique commerciale du Royaume-Uni avaient alors jeté à la mer, dans le port de Boston, 342 cargaisons de thé provenant des autres colonies britanniques. Un événement connu aujourd'hui sous le nom de Boston Tea Party.
Vers un rapprochement avec Pékin?
Ce mercredi 2 avril 2025, Trump et son équipe devrait renverser bien plus que quelques cargaisons de thé. Même la très prudente «NZZ», estime que la politique commerciale de Trump pourrait signer l'arrêt de mort de l'UE et de l'euro, et même, dans le pire des cas, marquer le début d'un rapprochement économique entre Washington et Moscou.
Une telle relance diplomatique mettrait l'Europe dos au mur. En effet, qu'adviendrait-il si Trump mettait fin avec effet immédiat à toutes les mesures nuisibles à une amitié américano-russe, à commencer par l'aide militaire à l'Ukraine? Des médias proches du Kremlin rapportaient mardi que Trump était disposé à négocier un accord sur les matières premières avec Vladimir Poutine. La poignée de main russo-américaine par-dessus la tête des Européens n'est donc pas qu'une simple histoire à dormir debout.
Si les Etats-Unis venaient réellement à se détourner de l’Europe, cette dernière pourrait bien se rapprocher de la Chine. La Serbie et la Hongrie le font déjà aujourd’hui. Alors pourquoi ne pas tenter sa chance avec Pékin si Washington ne veut rien entendre?
L'Europe n'a pas dit son dernier mot
L'influence croissante de la Chine en Europe ne devrait pas être la seule conséquence des annonces prévues mercredi dans le cadre du Liberation Day (En français, le jour de la Libération, un nom que Trump avait déjà donné au jour de son élection, le 5 novembre dernier). L'UE, qui est tout de même le plus grand marché intérieur du monde, garde sous sa manche toute une série d'armes commerciales qui pourraient bien gâcher la grande fête du président américain.
Un ministre allemand a récemment déclaré à Blick, en off, que les pays européens se réservaient le droit d'imposer des droits de douane élevés à des entreprises siégeant dans des bastions républicains comme le Wisconsin, où sont produites les célèbres motos Harley Davidson, ou encore le Tennessee, où de célèbres whiskys sont distillés. L'objectif est ici de cibler les électeurs de Trump, afin qu'ils ressentent à quel point la politique de leur président est dévastatrice.
Selon «Politico», les banques américaines pourraient bientôt faire face à des procédures d’autorisation plus longues, et les entreprises d’outre-Atlantique risquent d’être exclues des marchés publics européens. Pourquoi de telles représailles? Parce que l’an dernier, les Etats-Unis ont importé pour environ 50 milliards de dollars de plus de biens européens que l’inverse. Une goutte d’eau, si l’on considère que le commerce transatlantique représente quelque 1700 milliards de dollars par an.
Les touristes américains à la peine
Les conséquences du Liberation Day pourraient aussi se faire sentir pour les quelque 20 millions de touristes américains qui traversent l’Atlantique chaque année. En ligne de mire: les compagnies aériennes américaines, que l’Europe menace de taxer lourdement à l’atterrissage. Et le climat de défiance envers Trump pourrait bien déborder sur les simples voyageurs. «Je dirai partout que je suis canadienne», confie à Blick une Américaine qui prévoit de visiter la Suisse cet été.
Un scénario inquiétant? Peut-être. Mais toutes les bombes ne finissent pas par exploser. De son côté, Trump a promis — dans un rare moment d’allégresse — qu’il serait «gentil» ce mercredi. En attendant, l’Europe retient son souffle.