Des villes dévastées par la guerre
Sur les bords de la rivière Oskil, la peur d'un retour de l'armée russe

La rivière Oskil, autrefois lieu idyllique, est devenue une ligne de front entre forces russes et ukrainiennes. Les habitants des villages environnants vivent dans la peur constante, tandis que les troupes russes tentent de franchir ce cours d'eau stratégique.
Publié: 25.12.2024 à 16:55 heures
La rivière Oskil est devenue un front, où Russes et Ukrainiens s'affrontent, entrainant les villes dans le désespoir.
Photo: AFP
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AFP Agence France-Presse

Lioubov Voronova se souvient encore à quel point, avant la guerre, l'Oskil, une rivière qui coule près de chez elle, était un lieu idyllique pour la baignade et les pique-niques. Aujourd'hui, ce cours d'eau est une ligne de front entre troupes russes et ukrainiennes. «Ils sont d'un côté, et nous de l'autre», constate cette femme de 72 ans vivant dans le village de Sadovod, en grande partie vidé de ses habitants.

Son voisin a vécu toute sa vie dans le village voisin de Dvoritchna, situé au bord de la rivière, et pleure à genoux en racontant comment des personnes y ont été tuées et la mort de sa petite-fille dans une frappe russe à proximité.

«Les choses vont vraiment mal»

L'Oskil, qui serpente dans la région ukrainienne de Kharkiv à partir de la Russie où ce cours d'eau est nommé Oskol, est cet hiver balayée par des vents glacés et entourée de vastes champs recouverts de neige, parsemés de bunkers ukrainiens et de tranchées en zigzag.

Les forces russes avaient franchi sans grande peine ce cours d'eau dans les premières semaines de l'invasion russe de l'Ukraine en 2022, avant d'être repoussées au-delà quelques mois plus tard pendant une contre-offensive ukrainienne fulgurante.

Les troupes russes sont depuis retranchées sur la rive orientale, mais n'ont jamais abandonné leur ambition de la traverser de nouveau. «C'est une barrière physique qui a une utilité militaire mais c'est aussi presque une barrière psychologique maintenant», remarque Mick Ryan, un officier australien à la retraite et analyste de la guerre. «Si les Russes franchissent l'Oskil, cela signifie que les choses vont vraiment mal» pour l'armée ukrainienne, explique-t-il à l'AFP.

Une ville dévastée par la guerre

En décembre, dans un coin jusque-là tranquille de la rivière, près de Dvoritchna, les Russes étaient parvenus à établir une tête de pont du côté ukrainien en y envoyant de l'infanterie sur de petits bateaux. L'Ukraine affirme que ce groupe a depuis été éliminé.

En novembre, une tentative de percée a aussi eu lieu à Koupiansk, une ville traversée par l'Oskil. Des militaires russes ont réussi à y pénétrer en revêtant des uniformes ukrainiens avant d'être repoussés, a raconté à l'AFP un responsable local.

Dans cette cité, dévastée par la guerre, le soldat ukrainien Igor est perché sur un pont ferroviaire détruit qui enjambe l'Oskil, observant des zones disputées sur sa rive orientale. De la fumée y est visible après une attaque.

Évacuations ordonnées

Son unité au sein de la 114e brigade utilise des drones pour réapprovisionner les troupes de Kiev toujours présentes dans ce secteur sur la rive orientale et pour se défendre des forces russes qui attaquent. «C'est dur, très dur. Mais, pour l'essentiel, nous faisons face et nous tenons le coup aussi longtemps que possible», explique-t-il.

Signe du risque d'avancée russe, les autorités ukrainiennes ont récemment ordonné aux familles avec enfants d'évacuer les villes situées près de la rivière.

Dans le village d'Osynové, à l'ouest de Koupiansk, où un wagon de train renversé à côté d'un pont détruit rappelle les combats acharnés de 2022, le transport par voie ferrée a été interrompu il y a peu.

«Je veux qu'ils survivent»

Mykola, un habitant de la région de 80 ans souligne que les forces russes se sont emparées de son village «en un clin d'œil» en 2022, avant de battre en retraite plus tard. Cet homme qui a servi dans l'armée soviétique près de Moscou pêchait et buvait jadis des coups avec des amis le long de l'Oskil. Aujourd'hui, il ne peut plus s'approcher du cours d'eau et a d'autres craintes.

«Mes deux fils se battent. Je veux juste qu'ils survivent», dit-il en pleurant, tandis que des tirs d'artillerie résonnent au loin.

Négocier la paix

Reste à savoir si les forces russes tenteront une nouvelle traversée à grande échelle, comme en 2022. «On n'entreprend pas de telles traversées à moins d'y être vraiment obligé», note Mick Ryan, évoquant les énormes ressources militaires nécessaires pour ce type d'opérations.

Pourtant, la Russie persiste à chercher des failles dans le dispositif ukrainien. Selon des analystes militaires ukrainiens, les troupes russes ont réussi à établir une nouvelle tête de pont près de Dvoritchna à l'issue d'une deuxième tentative.

Les attaques russes se sont intensifiées dans plusieurs zones du front, Moscou et Kiev semblant vouloir tout faire pour renforcer leurs positions avant le retour en janvier à la Maison Blanche de Donald Trump et d'éventuelles négociations de paix.

«J'ai peur»

Plus au sud, dans le village de Iatskivka, où se termine l'Oskil, Inna Iourtchenko est nerveuse. Lorsque cette commerçante de 52 ans est revenue de Kiev avec sa mère après la reprise de cette localité par les forces ukrainiennes en 2022, elle était désemparée.

Autrefois bondée de touristes cherchant à profiter de la rivière, la localité n'est aujourd'hui plus que l'ombre d'elle-même. «J'ai fondu en larmes en me rappelant comment c'était avant», lâche-t-elle. Et avec les avancées russes dans l'est, qui s'accélèrent, «j'ai peur de ce qui va se passer».


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