L'ancien président des Verts-libéraux Martin Bäumle a affirmé ce mardi qu'il n'y avait pas d'autre alternative pour mettre fin à la guerre en Ukraine: il faut négocier avec Vladimir Poutine.
Cela induirait un renoncement définitif de l'Ukraine à la péninsule de Crimée, occupée par les Russes depuis 2014, ainsi qu'au Donbass. «Je ne crois plus que les régions séparatistes puissent être réintégrées à l'Ukraine», a confié Martin Bäumle au «Tages-Anzeiger». Le conseiller national zurichois ajoute qu'il n'est pas pour autant favorable à s'accommoder de toutes les revendications du président russe.
Auparavant, la vice-présidente de l'UDC Magdalena Martullo-Blocher s'était également prononcée en faveur de négociations avec le Kremlin, critiquant au passage la position intraitable de l'Occident.
La déclaration éloquente d'Ignazio Cassis
En tant que parlementaires, les avis de Martin Bäumle ou de Magdalena Martullo-Blocher ont peu de chances d'être décisifs. Mais, heureusement pour eux, ils ne sont pas seuls. Le président de la Confédération, Ignazio Cassis, a déclaré la semaine dernière à Blick que les 44 millions d'Ukrainiens se lassent de plus en plus de la guerre. «Ils seront peut-être prêts à faire des compromis, malgré les pertes considérables que cela peut engendrer», a-t-il supposé. Car selon lui, plus la guerre durera, plus la pression s'intensifiera sur le président ukrainien, Volodymyr Zelensky.
Et le ministre des Affaires étrangères de poursuivre: «Je pense que la solidarité avec l'Ukraine est bien sûr toujours d'actualité. Mais elle s'affaiblit aussi avec le temps. C'est un processus fréquent.» L'exemple des livraisons d'armes est révélateur. La volonté des pays occidentaux de soutenir militairement l'Ukraine diminue avec le temps. «Beaucoup de personnes ont le sentiment que, si les premières livraisons d'armes ne suffisent pas à mettre fin à la guerre, les suivantes seront encore plus inefficaces», explique Ignazio Cassis.
Renoncer «pour le bien de la paix»
On peut supposer que le conseiller fédéral fonde ses déclarations sur des informations provenant d'autres Etats qui font également pression pour mettre fin rapidement à la guerre, et cela même si certains territoires doivent être perdus.
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Car les voix qui appellent des négociations se multiplient. L'ancien secrétaire d'Etat américain Henry Kissinger avait soulevé des protestations en mai dernier au WEF de Davos. Celui-ci avait appelé à des négociations pour que la stabilité de l'Europe ne soit pas mise en péril «pour quelques kilomètres carrés dans le Donbass». Des déclarations qu'il avait répétées et développées ensuite.
Désormais, d'autres osent aussi y penser. Le secrétaire général de l'OTAN, Jens Stoltenberg, n'a pas hésité à déclarer que l'Ukraine devrait réfléchir à l'abandon de territoires «pour le bien de la paix».
La pression augmentera avec l'hiver
L'administration américaine du président Joe Biden ainsi que les Britanniques sont actuellement fermement opposés à une telle solution. Mais comment le successeur du Premier ministre Boris Johnson se positionnera sur le sujet? La question reste ouverte.
Récemment, il semble que même les Américains changeraient quelque peu leur position. Le Premier ministre italien, Mario Draghi, a ainsi déclaré après des entretiens avec Joe Biden que ce dernier avait fait preuve d'ouverture pour un processus de paix.
Il ne faut pas être devin pour comprendre que la pression exercée sur les Ukrainiens pour qu'ils négocient avec Poutine et qu'ils cèdent des territoires sera plus forte à mesure que l'hiver approchera. Car une crise énergétique risquerait alors de toucher les populations européennes. Et un nouveau flux important de réfugiés ukrainiens fuyant le froid mordant de l'hiver du pays ravagé par la guerre est à prévoir.
L'Occident fait le jeu de Poutine
Toutefois, de telles négociations de paix, promettant des concessions territoriales à Poutine, seraient alors interprétées par le maître du Kremlin comme une faiblesse de l'Occident. Le signe serait donné qu'il peut continuer à imposer impitoyablement ses désirs impériaux dans les anciennes républiques soviétiques. Après la Crimée en 2014 puis le Donbass en 2022, quelle sera la prochaine étape? Le président russe va-t-il s'emparer dans quelques années de la région de Kharkiv dans le nord de l'Ukraine? De la Moldavie? Des pays du Caucase?
Malgré sa position, l'ex-secrétaire d'Etat américain Henry Kissinger est lui aussi préoccupé par cette question. Si la Russie obtient par des négociations l'ensemble du Donbass et la bande le long de la mer Noire, cela sera interprété comme une faiblesse de l'OTAN qui ne pourrait ainsi plus protéger un pays ami, a-t-il déclaré sur CNN. Selon lui, les négociations ne peuvent commencer qu'à partir du moment où l'on considère le territoire des deux Etats en guerre comme correspondant à ce qu'ils étaient avant le début du conflit, le 24 février dernier.
(Adaptation par Thibault Gilgen)