Quelques rares politiciens estiment que les sanctions contre la Russie sont superflues et inutiles. Le conseiller national UDC et chef de la «Weltwoche» Roger Köppel, par exemple. Ce week-end, dans une interview avec la «Sonntagszeitung», il s'est exprimé sur les sanctions: «Elles ne fonctionnent pas.» L'ancien conseiller fédéral Christoph Blocher a lui aussi qualifié les mesures contre la Russie de «sans queue ni tête».
Les deux représentants de l'UDC sont quasiment seuls à partager cet avis - et ont peut-être des expectatives trop élevées: personne ou presque ne s'attendait à ce que Vladimir Poutine interrompe la guerre en Ukraine à cause des sanctions.
L'économie russe décline
«Les sanctions n'ont d'effet qu'à long terme, et elles doivent être sévères, explique l'économiste Klaus Wellershoff. Les sanctions contre la Russie sont très utiles d'un point de vue stratégique, les Russes seront durement touchés si l'économie ne se développe pas dans les années à venir.» Elle risque même de ralentir drastiquement: de nombreux spécialistes s'attendent en effet dès cette année à un net recul de la performance économique du pays.
Au total, six séries de sanctions ont été imposées jusqu'à présent par l'UE à la Russie, et d'autres sont en cours de préparation. La Suisse participe à la mise en œuvre de ces listes de sanctions de plusieurs centaines de pages. Moscou, par exemple, a été exclu du système de paiement international Swift. La Russie ne peut donc plus rembourser sa dette extérieure. Mais le pays n'est pas en faillite pour autant, car il couve une montagne toujours plus grande de roubles provenant de la vente de pétrole et de gaz. Seulement, à l'étranger, plus personne ne s'intéresse à la monnaie russe - même si elle est actuellement plus forte qu'elle ne l'a été depuis longtemps.
Les oligarques ne peuvent pas faire pression
«Il semble que la propagande de guerre russe soit actuellement plus efficace que les sanctions des pays occidentaux», explique à Blick l'ex-ambassadeur Tim Guldimann. Il se peut que la classe moyenne dans les villes comme Moscou et Saint-Pétersbourg ressentent les sanctions, «mais sur le plan de la politique générale, cela ne pèse pas lourd».
L'espoir que les oligarques sanctionnés exercent une pression sur Poutine et le déstabilisent de l'intérieur était-il irréaliste? «Je ne crois pas à cet argument, car les oligarques sont plus dépendants de Poutine que lui ne l'est d'eux.» Dans d'autres conflits, les sanctions ont eu un impact certain. «En Iran, elles ont contribué à la conclusion de l'accord nucléaire par le gouvernement», explique Tim Guldimann, ancien ambassadeur à Téhéran. En Afrique du Sud, elles auraient aidé à stimuler la production locale, car les sanctions économiques ont permis de réduire les importations.
La Suisse ne veut pas perdre sa réputation
Pour Avenir Suisse, la discussion ne devrait même pas porter sur l'efficacité: «Les sanctions de l'Occident envoient en effet aussi et surtout un signal international contre l'agression illégale d'Etats autocratiques.» En cas de soutien moins appuyé aux sanctions, la Suisse tolérerait implicitement le comportement de la Russie et saperait ainsi la position de l'Occident, selon le groupe de réflexion libéral: «Notre pays subirait ainsi une perte massive de réputation auprès de ses principaux partenaires commerciaux, l'UE et les Etats-Unis.»
De nombreux autres pays semblent également s'en tenir au régime de sanctions occidental. Ainsi, des chiffres datant de fin avril montrent qu'il n'y a presque pas de cargaisons de bateaux attendant d'être déchargées devant les grands ports russes. Le volume de fret aérien de la Chine vers la Russie a chuté de moitié. Seul ce qui arrive en Russie par voie terrestre - c'est-à-dire par la route et le rail - est difficile à surveiller.
(Adaptation par Lliana Doudot)