La chute de la ville de Lyssytschansk, dans l’est de l’Ukraine, pose la question des prochaines étapes des troupes russes. Verrouiller le Donbass, continuer à avancer, négocier et ainsi sécuriser ce qui a été gagné ou diviser l’Occident? Le président russe Vladimir Poutine a de nombreuses possibilités. Pourtant ses objectifs restent flous. Voici un aperçu de cinq scénarios plausibles.
Poursuivre la progression
Les troupes russes continuent leur progression dans la région du Donbass et personne ne semble pouvoir les arrêter. Pierre Grasser, du département des relations internationales de l’université de la Sorbonne, estime que la Russie pourrait tenter de s’emparer des villes de Sloviansk et de Kramatorsk afin de contrôler complètement la région-clé.
Les troupes russes ont montré qu’elles n’étaient toutefois pas en mesure d’avancer trop loin contre l’ennemi. Le «rouleau compresseur russe fonctionne bien à proximité de leurs frontières, de leurs centres logistiques et de leurs bases aériennes», précise Pierre Razoux, de la Fondation méditerranéenne d’études stratégiques, à l’AFP. Mais «plus ils s’éloignent de leur camp, plus c’est compliqué».
Blocage de la mer Noire
Dès le début de la guerre, l’armée russe s’est emparée de la ville de Kherson, au sud de l’Ukraine. Mais la situation sur les rives de la mer Noire n’est pas stable. L’expert militaire australien Mick Ryan estime que la guerre dans le sud ainsi que la «libération des ports ukrainiens de l’influence russe» sont d’une «importance stratégique capitale».
Le contrôle de la côte permettrait à Moscou de disposer d’un territoire frontière à la Crimée, annexée en 2014, donnant libre accès aux ports ukrainiens de la mer Noire. Mais «les contre-attaques au sud de l’Ukraine représentent un dilemme pour les Russes, selon Mick Ryan. Faut-il maintenir l’offensive à l’est ou renforcer les opérations au sud?»
Attaque sur Kharkiv
Kharkiv, au nord-est de l’Ukraine, est la deuxième plus grande ville du pays. Située à un jet de pierre de la frontière russe, Kharkiv est toujours sous contrôle ukrainien. Elle pourrait même être la prochaine cible de Poutine, selon l’expert Pierre Razoux.
En cas d'"incursion ukrainienne», Moscou pourrait donc contraindre les troupes ukrainiennes à choisir entre défendre Kharkiv ou se déplacer vers le sud en direction de Kherson. Si une bataille avait lieu dans la ville de Kharkiv, qui compte environ 1,4 million d’habitants, elle serait sans doute destructrice.
Fragiliser les relations avec l’Occident
A chaque nouveau succès militaire, Poutine affaiblie un peu plus la solidarité occidentale. Colin Clarke du Soufan Center de New York, une organisation spécialisée dans les dialogues stratégiques sur la sécurité mondiale, a avancé que l’objectif de la Russie était de «continuer à user les troupes ukrainiennes» et d’attendre que «le soutien politique à l’Ukraine s’affaiblisse en Occident».
C’est un constat, Kiev est sous perfusion de l’aide militaire occidentale. Mais selon Alexander Grinberg, de l’Institut de Jérusalem pour la sécurité et la stratégie, les Ukrainiens sont conscients «que l’Occident ne peut pas fournir toutes les armes lourdes dont ils ont besoin». Chaque nouvelle semaine de guerre renforce la tension de l’opinion publique occidentale en ce qui concerne l’inflation et la crise énergétique. Selon Alexander Grinberg, les États-Unis pourraient un jour simplement lancer aux Ukrainiens: «Vous ne pouvez plus continuer à résister.»
Des négociations imaginables?
La glorieuse avancée russe n’efface pas les lourdes conséquences de cette guerre: sanctions économiques, vies humaines et destruction de matériel. Selon les analystes, le chef du Kremlin aurait tout de même de bonnes raisons de mettre fin à la guerre. Fin juin, le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, avait déclaré que les soldats ukrainiens n’avaient qu’à déposer les armes et se soumettre aux exigences imposées par la Russie. «Ensuite, tout serait réglé en un jour».
Mais même si le président ukrainien Volodymyr Zelensky était tenté de troquer le Donbass contre la paix, l’aile droite de son parti refuse «tout compromis avec la Russie», selon Pierre Razoux. «Ils tolèrent un conflit gelé, mais jamais ils n’accepteront une défaite».
(Adaptation par Mathilde Jaccard)