Tucker Carlson n’est pas le porte-parole officiel de Donald Trump. L’animateur de télévision n’était pas, samedi 24 février, en Caroline du Sud où l’ancien président des États-Unis a franchi un nouveau pas vers la Maison-Blanche, en remportant la primaire républicaine face à son ultime adversaire Nicky Haley.
Tucker Carlson, en revanche, était bien dans les têtes des leaders européens qui ont rejoint samedi Volodymyr Zelensky à Kiev pour le deuxième anniversaire de l’agression russe contre l’Ukraine.
Pourquoi? Parce que l’animateur de télévision, soutien de toujours de Trump, est le dernier à avoir interrogé Vladimir Poutine sur ses intentions. Et la réponse formulée par l’homme fort de Moscou, lors de son entretien télévisé le 8 février, est tombée comme un missile sur une ville ukrainienne: «Une défaite russe est impossible» a-t-il asséné.
Garantir un soutien durable
Comment faire, dès lors, pour garantir à l’Ukraine un soutien durable face à la Russie, alors que Donald Trump a clairement laissé entendre qu’il ne volera pas automatiquement au secours des pays de l’OTAN s’ils sont attaqués, comme l’exige pourtant l’article 5 de l’Alliance Atlantique?
Comment faire pour que le Kremlin comprenne que, malgré les délais problématiques dans les livraisons d’armes à Kiev, les alliés de l’Ukraine ne lâcheront pas ce pays dont l’armée russe occupe plus de 20% du territoire? La réponse est désormais claire. Elle a été confirmée, aux côtés de Volodymyr Zelensky samedi, par la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen, le Premier ministre canadien Justin Trudeau, le Premier ministre belge Alexander De Croo et la présidente du conseil italien Giorgia Meloni. Le Canada et l’Italie, lors de cette visite, ont à leur tour signé deux accords de sécurité avec l’Ukraine. Comme l’ont fait, avant eux depuis le mois de janvier, le Royaume-Uni, la France, l’Allemagne, le Danemark et les Pays-Bas pour une durée de dix ans.
Un soutien hors de l’OTAN
Pourquoi est-ce un plan anti-Trump? Parce qu’en vertu de ces accords bilatéraux pour la période 2024-2034, ces pays dissocient le soutien militaire à l’Ukraine de l’OTAN, au sein de laquelle les États-Unis règnent en maître. «S’il est élu président, Donald Trump ne pourra pas faire pression sur ces pays membres de l’Alliance, en leur intimant l’ordre de délaisser l’Ukraine juge un diplomate européen. Chaque capitale est maintenant reliée à Kiev en direct.
Le président ukrainien Zelensky, beaucoup plus contesté aujourd’hui qu’en 2022, alors qu’il incarnait la résistance à tout prix, ne s’y est pas trompé: «Aujourd’hui, l’Ukraine est clairement plus forte qu’il y a deux ans», quand la guerre avait débuté, a-t-il écrit sur Telegram à propos de l’accord avec le Canada. Pour Zelensky, ce texte «renforce la position de notre peuple, particulièrement de nos soldats». Ottawa fournira à Kiev environ 2,2 milliards de dollars d’aide financière et militaire en 2024.
Des accords contraignants
Les États-Unis n’ont pas encore signé un tel accord de sécurité bilatéral. Logique: pour le moment, la chambre des représentants, dominée par les élus Républicains pro-Trump, s’oppose toujours au déblocage de l’enveloppe de soixante milliards de dollars d’aide approuvée par le Sénat le 13 février. Mais ce que font les pays alliés membres de l’OTAN ressemble fort à un carcan. Ces accords sont politiquement contraignants, conclus le plus souvent pour une durée de dix ans, avec possibilité de prolonger.
Au point que certains jugent qu’ils pourraient les entraîner dans la guerre. L’accent est mis sur l’aide dans le domaine militaire et de la politique de sécurité. «Cela inclut notamment l’orientation future des forces armées ukrainiennes et leur formation, la coopération au sein de l’industrie de l’armement, la réforme du secteur ukrainien de la sécurité et de la défense ainsi que la coopération dans les domaines cyber et du renseignement», peut-on lire dans le communiqué allemand du 16 février.
Pas d’intervention militaire prévue
Aucun de ces accords ne prévoit une intervention militaire sur le terrain en soutien à l’armée ukrainienne. La doctrine de l’Alliance Atlantique de ne pas faire la guerre à la Russie est donc respectée. Sauf que l’accord signé avec la France prévoit la possibilité d’une nouvelle agression russe Une telle action qui «violerait la Charte des Nations unies et les principes fondamentaux du droit international», menaçant la «sécurité euro-atlantique».
Paris devrait alors fournir à l’Ukraine «une assistance rapide et soutenue en matière de sécurité, des équipements militaires modernes dans tous les domaines», voire «une assistance économique». L’argument est prêt, si Donald Trump, réélu, devait taper du poing sur la table et exiger une augmentation du budget de défense de ses alliés: «Ceux-ci répondront: nous aidons déjà l’Ukraine. C’est une contribution à notre sécurité» poursuit notre diplomate européen.
Pas simple, maintenant, d’encourager Poutine
Et Trump dans tout ça? Il est peu probable que ces accords l’empêchent de menacer les Européens s’il revient à la Maison-Blanche. Mais attention: encourager Vladimir Poutine à poursuivre son agression en Ukraine reviendrait à menacer directement ses alliés, liés par un accord de sécurité avec Kiev. Pas simple, du point de vue diplomatique et militaire…
L’autre fait à retenir, pour ces accords, est la date butoir: 2034. Dans dix ans. Beaucoup y voient, sans que cela soit dit, un calendrier pour la possible entrée de l’Ukraine dans l’Union européenne. L’ouverture de négociations d’adhésion a été acceptée par les 27 en décembre. Les premiers pourparlers devaient avoir lieu en mars, mais ils ont été reporté à l'été, après les élections européennes de juin. Dix ans, c’est très court. Les craintes actuelles des agriculteurs européens le prouvent. Mais cette date butoir a une énorme vertu: donner un horizon à l’Ukraine en guerre.