Larmes et colère à Gaza
«En ce jour de Noël, Jésus est palestinien, rejeté de tous»

Pour Mgr Pascal Gollnish, l'évèque français chargé des Chrétiens d'Orient, le rejet de la population gazaouie fait écho à l'exclusion du Christ et de sa famille en ce jour de Noël.
Publié: 24.12.2023 à 17:49 heures
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Dernière mise à jour: 25.12.2023 à 12:51 heures
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Vue des débris du centre culturel orthodoxe dans le quartier de Tel Al Hawa après qu'il ait été touché par une frappe aérienne israélienne dans la ville de Gaza, le 31 octobre 2023.
Photo: Anadolu via Getty Images
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Richard WerlyJournaliste Blick

Qui se préoccupe encore des Chrétiens d'Orient en ce jour de Noël où les croyants célèbrent sous toutes les latitudes la naissance de Jésus-Christ? À en croire les messages de soutien adressés par les églises chrétiennes du monde entier aux fidèles de terre sainte, la tragédie de Gaza et des Palestiniens est aujourd'hui dans toutes les têtes pour cette fête de la nativité du 25 décembre 2023. Mais dans les faits?

Qui sait que trois églises chrétiennes, une catholique, une orthodoxe grecque et une chapelle évangéliste, sont aujourd'hui toujours debout dans les ruines de Gaza assiégée par l'armée israélienne? Trois crèches y ont été installées. Un millier de fidèles catholiques sont recensés dans le territoire. Et leur destin, rejeté de tous, «n'est pas sans rappeler celui de Joseph et Marie, les parents de Jésus, né dans une étable avec les animaux parce que personne ne voulait d'eux» a expliqué dimanche 24 décembre à France Info l'évêque français en charge des Chrétiens d'Orient, Mgr Pascal Gollnisch.

Jésus, palestinien parmi les autres: C'est le message que le patriarche catholique de Jérusalem, le Cardinal Pierbattista Pizzaballa, a lui aussi voulu faire passer en arrivant dimanche soir à la basilique de la nativité, à Bethléem, un keffieh noir et blanc autour du cou. Un acte jugé «militant» et «dépourvu de compassion» par de nombreux commentateurs israéliens, compte tenu du carnage terroriste du 7 octobre commis par le Hamas contre l'État hébreu. 

Deux tragédies

Pour Mgr Pascal Gollnisch, prélat en contact permanent avec les communautés chrétiennes de Palestine et de Gaza, dissocier le drame vécu par les deux millions de Palestiniens de celui du Christ est toutefois impossible. La preuve ? Dans le territoire assiégé, les lieux de culte sont plus que jamais des refuges. L'Église catholique de la Sainte famille, à Gaza, sert aujourd'hui de refuge à des centaines de familles. Idem pour l'Église orthodoxe grecque de Saint-Porphyre. Idem pour l'hôpital anglican.

Alors, comment parler encore de Noël sans avoir une pensée pour ces fidèles sous les bombes, dans les cendres et dans les ruines? Dans son entretien accordé à France Info, Mgr Gollnisch n'est pas revenu sur la tragédie politico-militaire engendrée par l'assaut terroriste du Hamas sur Israël, le 7 octobre. Lui parle de la vie quotidienne des catholiques assiégés, encerclés. Il a, comme Emmanuel Macron dans un message officiel, confirmé que deux paroisiennes gazaouies, une mère et sa fille, habituées de l'église de la Sainte Famille, ont été tuées par un sniper israélien. Les preuves sont là. Elles ont été visées, puis tuées d'une balle. L'armée israélienne a confirmé les faits et ouvert une enquête. 

Pris au piège

«Les Palestiniens chrétiens se terrent. Ils ont peur. Ils sont pris au piège. Je reçois sans cesse des appels au secours», a redit l'évêque français. A Bethléem, la ville de la nativité, les habituelles célébrations de Noël ont été réduites, dimanche, au strict minimum. «Seule la traditionnelle messe de minuit s'est tenue, en présence des représentants des quatre pays européens chargés de garder le Saint-Sépulcre: la France, la Belgique, l'Espagne et l'Italie» explique Slimane Zeghidour, essayiste, sur TV5 Monde. Mais rien d'autre. Ni procession. Ni marché de Noël. Et pas de touristes bien sûr. Juste l'arrivée du patriarche entouré de policiers et de fidèles.

Silence, larmes et peur

D'ordinaire, Noha Helmi Tarazi décore sa maison de Béthléem d'un grand sapin, qu'elle décrit comme un symbole de lumière et de joie. Cette femme de 87 ans prépare la maison pour sa famille, qui s'y réunit chaque année, et prépare des friandises de Noël et de grands repas de fête. Mais cette fois, l'intéressée a déclaré à la chaîne Al Jazeera qu'elle ne ferait rien. Dans la ville natale de Jésus-Christ, ce Noël 2023 est celui du silence, des larmes et de la peur d'un engrenage des hostilités en Cisjordanie où les affrontements entre colons israéliens et palestiniens sont quotidiens.

« La décision d'annuler Noël n'a pas été prise à la légère, mais c'est une décision sur laquelle l'église et la communauté sont toutes unies, pour montrer leur solidarité avec les Palestiniens confrontés aux bombardements israéliens et à un siège total dans la bande de Gaza, dont le bilan humain s'élèverait à 20'000 personnes tuées» expliquent, en boucle, les commentateurs de la chaine Qatarie.

Né dans une étable

Jésus est né dans une étable, réchauffé par les animaux présents selon les Évangiles. Pour Luc, l'un des quatre évangélistes, «Marie mit au monde son fils premier-né. Elle l’emmaillota et le coucha dans une mangeoire, car il n’y avait pas de place pour eux dans la salle commune.» Comment ne pas associer ce destin, voici plus de deux mille ans, à celui des enfants palestiniens qui naissent aujourd'hui, à Gaza, dans des salles communes, voire dans la rue sous des tentes, dans les camps de réfugiés construits à la hâte?

Mgr Gollnisch a aussi rappelé une réalité peu connue, qui contraste avec le récit de Gaza entièrement contrôlée par le Hamas. Trois écoles catholiques fonctionnaient dans le territoire avant l'offensive israélienne. Leurs élèves étaient à 99% musulmans. L'une a été partiellement détruite par l'armée israélienne.

Pas sûr que dans ces conditions, et alors que l'armée israélienne poursuit ses bombardements et réitère sa volonté d'anéantir le Hamas, le message traditionnel de paix et d'espérance de Noël puisse être entendu dans leurs décombres...

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