Le terrorisme est une arme de guerre. Rien ne justifie son emploi, et la mort de civils visés par des commandos résolus à semer le plus d’effroi possible. Tel était, en effet, l’objectif du Hamas lors de l’assaut du 7 octobre 2023 lancé contre des localités du sud d’Israël. La condamnation unanime de cet acte barbare est légitime. Les soutiens apportés au droit d’Israël à se défendre le sont aussi. Mais où en sommes-nous aujourd’hui, alors qu’une trêve précaire règne sur la bande de Gaza, sur fond de libération de dizaines d’otages détenus par le mouvement palestinien?
La réponse tient en une phrase difficile à prononcer pour qui a vu les images atroces des corps mutilés des victimes israéliennes, et pour tous ceux que le déluge de feu sur Gaza – environ 14 000 morts à ce jour – horrifie: le Hamas est peut-être en train de gagner la guerre qu’il a choisi de déclencher le jour du cinquantième anniversaire de la guerre du Kippour de 1973.
Il ne s’agit bien sûr pas d’une victoire classique, sur le champ de bataille, entre deux armées de niveau comparable. Le mouvement a admis, ce week-end, la perte de plusieurs de ses commandants militaires dont Ahmed al-Ghandour, responsable dans la partie nord de Gaza. Il s’agit d’une victoire politique dans un conflit asymétrique, nouvelle forme de cette guerre révolutionnaire qu’ont toujours mené les groupes armés dans une situation d’oppression de type colonial. Le Hamas est-il décapité comme le promettait Benyamin Netanyahu? Non. Le groupe terroriste palestinien (même la Suisse le désigne désormais ainsi) est-il éradiqué? Non. La bande de Gaza, son territoire, est bel et bien en ruines. Mais le Hamas, en termes de puissance politique, demeure un interlocuteur qui a mis en échec l’Etat hébreu et son aveuglement sécuritaire.
Le rôle d’Al Jazeera
Cette réalité saute aux yeux pour qui prend le temps de regarder la chaîne qatarie Al Jazeera, qu’une bonne partie du monde, surtout du côté des pays pauvres et émergents, considère comme la mieux informée et la plus équilibrée. Les audiences d’Al Jazeera – financièrement portée à bout de bras par l’Émirat qui négocie les libérations d’otages, abrite les dirigeants politiques du Hamas et a payé pendant des années l’administration palestinienne à Gaza – ont atteint des sommets depuis le 7 octobre. Or Al Jazeera démontre cette victoire politique du Hamas. Pour la chaîne, le groupe terroriste palestinien est tout, sauf anéanti. Les prisonniers palestiniens libérés savent qu’ils lui doivent de ne plus être incarcérés. Le Hamas a beau avoir pris la population de Gaza en otage et l’avoir exposé aux représailles impitoyables de Tsahal, l’armée israélienne, sa posture est à bien des égards celle d’un vainqueur.
Netanyahu et ses objectifs
Le dilemme, pour Israël et pour son premier ministre assiégé par ses opposants, Benyamin Netanyahu, n’en est que plus compliqué. Pour l’heure, les objectifs de la guerre «totale» menée contre le Hamas n’ont pas été atteints. Que faire alors? Relancer pour de bon un processus de paix, ce qui apparaît indispensable? Poursuivre les opérations militaires dans le sud de Gaza où les deux millions de Palestiniens sont littéralement prisonniers? Et qui va, à la tête de l’État hébreu, prendre la responsabilité d’avancer dans un sens ou dans l’autre?
Le Hamas, impitoyable pour les siens
Il est affreux de devoir admettre qu’un groupe terroriste, impitoyable pour sa propre population, a pour l’heure en partie réussi, lui, à atteindre ses objectifs. Mais le nier, ou prétendre le contraire, serait une redoutable erreur de jugement, au moment où les abus israéliens en Cisjordanie et les frappes au sud Liban coalisent de nouveau les Palestiniens. La seule issue est, comme nous l’avons plusieurs fois écrit, qu’une alternative palestinienne au Hamas s’impose. Le problème est que pour le moment, celle-ci est tragiquement absente.