Au début, ça n’a l’air de rien. Quelques mots plus durs que d’autres, une crise ici ou là, un sentiment diffus de malaise rapidement balayé par le bonheur d’être ensemble. Mais plus la relation se poursuit, plus les instants heureux se font rares, peu à peu remplacés par l’évidence: ce partenaire qui semblait idéal au début se révèle dangereusement toxique, voire violent. Et s’il était possible d’identifier les «red flags» (littéralement «drapeaux rouges»), ces signes avant-coureur d’un comportement abusif? C’est ce que vient de faire une étude canadienne, publiée dans la revue «Social Psychological and Personality Science».
Jusqu’ici, sociologues et psychologues s’étaient bien penchés sur la question de ces «red flags», notamment en interrogeant des victimes ou ex-victimes de violences conjugales. Mais personne n’avait exactement mesuré la relation de causalité entre les signes avant-coureurs et un comportement violent. Sans compter qu’il est parfois difficile de faire la différence entre une crise de jalousie passagère, désagréable mais sans conséquence, et un phénomène répété qui induit un véritable malaise.
Arrogance, critiques et violences sexuelles
Les trois chercheuses de l’Université Western Ontario ont voulu, elles, établir un modèle prédictif. Autrement dit, identifier des signes précurseurs de violence et déterminer lesquels, et à quelle fréquence, pouvaient permettre d’anticiper un glissement de la relation future. Elles ont interrogé plus de 355 personnes, dont plus des deux-tiers (70%) de femmes et leur ont présenté une liste de 200 attitudes, sentiments et pensées abusifs ou non. Chaque participant a dû déclarer si cela lui était arrivé et, si oui, à quelle fréquence.
Le résultat de l’étude est sans appel: 16 signes, s’ils apparaissent dans les six premiers mois de la relation, peuvent constituer autant de «red flags»:
- Vous avez des relations sexuelles avec votre partenaire alors que vous n’en avez pas envie
- Vous avez l’impression de ne pas pouvoir dire non à votre partenaire
- Votre partenaire n’admet pas ses torts
- Votre partenaire vous compare à d’autres personnes
- Votre partenaire réagit mal quand vous refusez quelque chose que lui veut
- Votre partenaire ne tient pas compte de votre avis ou vos raisonnements lorsqu’ils diffèrent des siens
- Vous avez du mal à vous concentrer au travail car vos pensées sont absorbées par votre partenaire
- Votre partenaire vous a mis mal à l’aise en public
- Votre partenaire est arrogant ou se croit tout permis
- Votre partenaire essaie de vous changer
- Votre partenaire ne vous soutient pas
- Votre partenaire vous critique
- Votre partenaire a des attentes irréalistes par rapport à votre relation
- Votre partenaire vous évite
- Votre partenaire a fait quelque chose que vous lui aviez demandé de ne pas faire
- Votre partenaire menace de vous quitter
«Le nombre de signes avant-coureurs et leur fréquence à laquelle une personne les expérimente permet de prédire de futures violences», concluent les chercheuses. Surtout, ces «red flags» ont bien plus d’incidence que d’autres facteurs comme la durée de la relation ou l’âge des partenaires. Cette liste n’est cependant pas exhaustive.
Prendre son temps et calmer le jeu
Pour les chercheuses canadiennes, il est très important d’identifier ces signes car ils sont plus insidieux que la violence physique, psychologique ou sexuelle proprement dite. «Il est rare d’aller à son premier rendez-vous et d’expérimenter immédiatement de la violence de la part de son partenaire», explique Nicolyn Charlot, l’une des autrices de l’étude, à CNN. «Généralement, cette violence n’apparaît pas tout de suite.»
Mais bien souvent, lorsque cela arrive, il est déjà tard. «Les gens sont investis dans leur relation et quitter l’autre peut être difficile. L’idée, avec cette étude, c’est que si les gens sont capables de détecter ces ‘red flags’ avant d’être très investis, avant d’avoir emménagé ensemble par exemple, cela pourrait les encourager à prendre leur temps pour réévaluer la relation et avancer avec prudence.»
Car si vous expérimentez vous-mêmes certains de ces signes avant-coureurs, cela ne signifie pas nécessairement qu’il faille rompre immédiatement. «Mais ça peut valoir le coup de ralentir et d’apprendre à mieux connaître l’autre avant de s’engager», conclut Nicolyn Charlot.