Passion et business
Ces chefs suisses qui donnent des cours de cuisine

Les maîtres des fourneaux sont aussi des maîtres d'école: portés par la mode de la cuisine, nombre d'entre eux diversifient leur activité en proposant cours et formations au grand public.
Publié: 16.07.2022 à 11:02 heures
|
Dernière mise à jour: 16.07.2022 à 11:36 heures
Photo: Shutterstock
Amal Safi

Ils ne font pas que nous mijoter des plats: les chefs nous enseignent aussi comment faire. Les ateliers ouverts à un public d’amateurs foisonnent en Suisse romande: les Ateliers by Serge Labrosse, le Lab Creative Cooking, les classes de Mr & Mrs Renou, plus récemment les cours de la pâtissière Laure Platiau, et plus encore. Pour apprendre de nouvelles techniques culinaires ou pour simplement passer un moment agréable et ultra gourmand, le public est présent et il est même de plus en plus nombreux.

Une offre variée et à l’écoute des tendances culinaires

Un atelier de cuisine végétale de saison, un autre autour du poisson, des sauces ou de la pâtisserie, l'école genevoise Les ateliers «laboratoire d’expérience culinaire» by Serge Labrosse (une étoile Michelin) proposent des cours basés sur une approche gastronomique, mais sans se limiter aux classiques. «On est attentifs aux préférences du public, les cours autour de la cuisine péruvienne et japonaise par exemple rencontrent un énorme succès, alors on a fait venir des chefs spécialistes de ces univers culinaires et on travaille avec eux sur un menu bien élaboré qu’on enseigne à nos élèves, toujours dans une approche ultra gastronomique», éclaire le chef Valentin Hofmann qui anime plusieurs de ces ateliers.

Team building pour les entreprises, privatisations, chefs à domicile, tous les formats sont possibles pour cet établissement qui offre plus de six cours par semaine et qui se terminent en dégustation pour ne pas oublier la dimension de plaisir: une truite aux baies de citronnelle avec sa vinaigrette au yuzu, une déclinaison de fraises, avec un fond de crème anglaise au romarin et un crumble de pistache…

Au Lab Creative Cooking à Corseaux, le directeur David Chamoso a pensé son établissement comme une plateforme avec l’objectif de mettre en avant le travail de chefs d’exceptions, souvent étoilés: Stéphane Décotterd, Christophe Loeffel, Etienne Krebs, Damien Germanier ou Lionel Rodriguez, entre autres. Ici, les menus préparés sont variés, ultra aboutis et raffinés tout en respectant une approche écologique et un approvisionnement local. Les cours affichent complets et sont à thème: Pâques, Chandeleur, cuisine du terroir régional, et cuisine du monde. «On a toujours cherché à encourager les gens à s’approvisionner auprès des agriculteurs du coin, si on peut changer les habitudes d’achats de dix personnes à chaque cours, alors on aura un énorme impact et c’est ce qui nous tient à cœur», dit David Chamoso, lui-même ancien chef.

Transmettre sa passion, chacun son style

«Avec les cours, on transmet sa passion et c’est génialissime», nous affirme Laure Platiau, qui a lancé ses cours en mars 2020. Après avoir travaillé auprès des plus grands chefs dont Alain Ducasse (3 étoiles Michelin) et en tant que cheffe de partie dans des brigades de prestige, la cheffe a laissé son tablier dans les cuisines ultra-exigeantes des palaces de Paris et Monaco où elle officiait, pour investir sa propre cuisine aux Eaux-Vives, à Genève. Elle y gère ses élèves comme une joyeuse brigade qui se partagent la création de plusieurs plats – de la blanquette de veau, au coq-au-vin en passant par le Paris-Brest - qu’ils dégustent ensemble autour de sa table à manger dans une ambiance conviviale.

Un tel succès s'explique par la popularité récente acquise par le métier de chef, dont le blason a été redoré à l'aune des émissions de télévision, des livres, des sites internet et de comptes Instagram ultra populaires. C'était un métier vers lequel on allait hier par défaut, et aujourd'hui par fascination, surtout pour les jeunes qui adulent les chefs stars.

Knut Schwander, responsable du guide gastronomique GaultMillau en Suisse romande, confirme ce boom: «La cuisine fédère tous les publics et les gens sont de plus en plus intéressés par ce domaine. On voit se développer des gastronomies variées, internationales, et la cuisine est associée à la fête, à quelque chose de magique.»

La pâtisserie n'échappe pas au phénomène. Chez Mr & Mrs Renou, les classes qui marchent le mieux sont celles dispensées par le Meilleur ouvrier de France Christophe Renou et qui reprennent les pâtisseries qui se vendent le mieux en boutique. Habitué des plateaux télés, très actif sur Instagram avec plus de 100 000 abonnés, le chef partage ses recettes signatures, comme l’enroulé fraisier qui se décline en plusieurs parfums.

Manon Vie, responsable de la communication de l’établissement précise cependant: «Beaucoup de pâtissiers, récemment convertis, viennent à nous mais le métier nécessite un savoir-faire solide. Il y a un gros décalage entre ce que les gens voient à la télévision ou les réseaux sociaux autour de la pâtisserie et les difficultés du métier.»

Pour Mr & Mrs Renou, les classes sont une opportunité de transmettre une partie de ce savoir-faire, d’expliquer la complexité de cet art culinaire et de sensibiliser au long processus de création qu’a nécessité l’élaboration de recettes originales. Une occasion aussi d’être transparent sur les coûts et de justifier les prix de cette pâtisserie et chocolaterie artisanale.

Un outil marketing et une source de revenu

Les cours permettent également de défendre ses valeurs en tant que chef et l’image de son entreprise. «Les ateliers culinaires sont une invitation à l’échange, on peut apprendre sur les goûts et les attentes des clients. Il y a aussi quelque chose de valorisant à avoir un public et des élèves à qui on transmet un savoir-faire, cela vient consolider son image de marque», analyse Knut Schwander.

En plus, les cours sont incontestablement un revenu complémentaire à l’activité de restauration et de pâtisserie qui connaît des cycles de fréquentation tout au long de l’année: baisse en été pour la pâtisserie et pics de fréquentation des restaurants en fin d’année. «C’est une belle source de revenu, nous dit Manon Vie, mais pas suffisante pour autant.» Avec un atelier culinaire tarifé à 100 francs en moyenne cours de 2 à 4 heures, proposer des leçons où des habitués reviennent constitue aussi une niche intéressante pour un secteur qui a beaucoup souffert des fermetures et autres restrictions liées à la crise sanitaire.

Vous avez trouvé une erreur? Signalez-la