En mars 2023, Credit Suisse, alors en grande difficulté sur les marchés financiers, était rachetée in extremis par l'UBS pour 3 milliards de francs. Une semaine après l’annonce fatidique, le Financial Times s’inquiétait que la chute du numéro deux bancaire helvétique ne sonne également le glas du «Swiss Finish», qui, selon le quotidien britannique «désigne traditionnellement la couche de garanties supplémentaires exigée par les régulateurs bancaires helvétiques, qui faisait la réputation de la qualité des services offerts dans le pays».
L’ancien numéro deux bancaire helvétique a une nouvelle fois fait parler de lui cet été. Le 24 juillet 2023, les autorités américaine et britannique lui infligeaient des amendes pour un montant total équivalent à 388 millions de dollars pour violation des règles des marchés financiers dans le cadre de l’affaire Archegos, un gestionnaire de fortune familiale américain qui a fait faillite en 2021. La désormais défunte banque avait prêté des milliards à cette entité sans prendre les mesures de vérification adéquates. Victime de ses paris trop audacieux, Archegos a fini par s’écrouler, entraînant des pertes estimées à environ 10 milliards de francs à Credit Suisse.
Dans son communiqué au sujet de la procédure de redressement, la Finma dénonce notamment une «prise de risques trop importants», «une absence d’implication des membres de la direction responsables», «une réaction insuffisante aux dépassements de limites et la concentration des risques au lieu d’une couverture adéquate.» L’addition devra être réglée par UBS.
L’ancien numéro deux bancaire helvétique a une nouvelle fois fait parler de lui cet été. Le 24 juillet 2023, les autorités américaine et britannique lui infligeaient des amendes pour un montant total équivalent à 388 millions de dollars pour violation des règles des marchés financiers dans le cadre de l’affaire Archegos, un gestionnaire de fortune familiale américain qui a fait faillite en 2021. La désormais défunte banque avait prêté des milliards à cette entité sans prendre les mesures de vérification adéquates. Victime de ses paris trop audacieux, Archegos a fini par s’écrouler, entraînant des pertes estimées à environ 10 milliards de francs à Credit Suisse.
Dans son communiqué au sujet de la procédure de redressement, la Finma dénonce notamment une «prise de risques trop importants», «une absence d’implication des membres de la direction responsables», «une réaction insuffisante aux dépassements de limites et la concentration des risques au lieu d’une couverture adéquate.» L’addition devra être réglée par UBS.
En effet, non seulement Credit Suisse a été absorbé par l'UBS – qui devient, dans le même temps, la seule grande banque du pays –, mais en plus, le plan de sauvetage n’a pas été du goût de tout le monde. La mesure la plus litigieuse est sans doute l’effacement unilatéral de certaines des créances contractées par le géant bancaire auprès d’investisseurs: les dénommées «AT1», des produits financiers hybrides à mi-chemin entre l’obligation (créance accordée à l’entreprise en échange du paiement d’intérêts) et l’action (part dans l’entreprise).
Un plan de sauvetage controversé
La banque de Paradeplatz avait émis quelque 16 milliards de francs de titres AT1 auprès de créanciers du monde entier et ces derniers se sont retrouvés, du jour au lendemain, dépossédés de leur placement. Lors d’un plan de sauvetage, il est normal que certains produits financiers soient effacés pour assainir le bilan de l’entreprise mais, traditionnellement, ce sont les actions, et non les créances AT1, qui sont liquidées en premier.
Ce plan de sauvetage adopté unilatéralement par les autorités helvétiques a pris par surprise de nombreux acteurs de la finance internationale, y compris en Suisse. Dans les colonnes du quotidien allemand «Die Zeit», Urs Birchler, ancien membre de la direction de la Banque nationale suisse (BNS) déclarait que «dans un véritable scénario de la crise, les actionnaires n'obtiennent rien, les créanciers sont en partie protégés par la garantie des dépôts, les actifs disponibles sont réduits. […] Le fait que le Conseil fédéral ne s'y soit pas tenu est lamentable pour la politique suisse, qui repose fortement sur la confiance».
Quatre mois après les faits, les banques suisses peuvent-elles encore se prévaloir de leur réputation d’institutions fiables et stables? «À l’heure actuelle, rien n’indique que les investisseurs se détournent de la place financière suisse par défiance», indique Andreas Ita, directeur du cabinet de conseil financier Orbit36.
Reste que la nature exceptionnelle de cette décision fait que certains détenteurs de titres AT1 s'estiment lésés. «Le choix de radier les AT1 peut en effet surprendre, d’autant que le capital de Credit Suisse était intact et ne semblait pas menacé par des pertes imminentes», relance le spécialiste.
Cette décision a par ailleurs valu à la Confédération d'être qualifiée de «république bananière» par Mark Dowding, directeur des investissements au sein la société de gestion d’actifs britannique RBC Blue Ray, détentrice de titres AT1 émis par Credit Suisse.
L’affaire ne s’arrête pas aux dégâts de réputation: les instances juridiques ont également été saisies. Près de 250 plaintes, au nom de quelque 2800 demandeurs, ont été déposées auprès du Tribunal administratif fédéral.
Les créanciers lésés se mobilisent dans le monde entier
En mai 2023, près de 1000 créanciers, détenant dans leur ensemble près d’un tiers de la valeur des titres AT1 expropriés (soit environ 5 à 5,5 milliards de francs), avaient rejoint la procédure judiciaire déposée en leur nom par le cabinet d’avocat britannique Quinn Emmanuel Urquhart & Sullivan, selon l’agence de presse londonienne Reuters.
Les décisions prises à Berne ont aussi fait grand bruit en Asie: les cabinets d’avocats japonais Masuda & Partners et singapourien Drew & Napier veulent porter l’affaire devant une instance de litige internationale. Certains investisseurs nippons estiment en effet que le sort réservé par la Confédération aux titres AT1 viole un accord de partenariat économique entre le pays du Soleil-Levant et la Suisse, rapportait en mai l’hebdomadaire Nikkei Asia.
«Je comprends tout à fait la colère des détenteurs d’AT1, concède Stefan Legge, économiste et professeur à l’Université de Saint-Gall, mais il faut rappeler que les actionnaires eux aussi ont perdu gros.» L’action Credit Suisse a en effet plongé à 76 centimes au moment du rachat de la banque par l'UBS, et aura perdu près de 86% de sa valeur en un an au 12 juin 2023, date effective de son rattachement à sa concurrente.
Aux États-Unis, un article publié fin juin dans le New York Post relate qu’une autre procédure a été lancée par des investisseurs lésés dénonçant explicitement une culture «toxique» dans la succursale new-yorkaise de l’ancien géant bancaire helvétique, gangrénée, selon eux, par «des banquiers d’investissement opportunistes qui privilégiaient les gains à court terme au détriment de la confiance à long terme». Le tabloïd américain cite notamment l’ancien directeur général Brady Dougan, en poste de 2007 à 2015, comme l’une des personnalités visées par la procédure.
Par ailleurs, la Banque nationale d’Arabie saoudite, plus gros actionnaire de l’ex-numéro 2 bancaire suisse avait proposé de réinjecter du capital pour sauver la banque, mais cela lui avait été refusé par l’Autorité de surveillance des marchés financiers (Finma). L’exemple est éloquent, la banque saoudienne ne détient aujourd’hui plus que 0,5% d’actions UBS, contre 9,88% d’actions Credit Suisse avant l’acquisition, qu’elle aurait voulu faire gonfler à 40% si sa proposition de sauvetage avait été acceptée. Le désaveu est cinglant.
En outre, tous ceux qui avaient souscrit ces obligations de type AT1 devaient savoir que le pari comportait des risques: «En plus des multiples scandales internes, Credit Suisse publiait des bilans très mitigés depuis plusieurs années, explique Stefan Legge. Par ailleurs, il est clairement stipulé dans le contrat adossé aux obligations AT1 que l’expropriation est une issue possible dans des cas de force majeure, comme celui rencontré en mars.»
Un avenir incertain
Désormais, il appartient à la justice de décider si la situation justifiait une telle décision. «Nous ne savons évidemment pas quelle sera l’issue du jugement, mais ce qui est sûr c’est qu’une décision en faveur des plaignants serait un très gros revers pour l'UBS», prévient Stefan Legge.
Selon Andreas Ita, il n’y a cependant pas lieu de s’inquiéter outre-mesure: «Les AT1 ne sont pas des créances ordinaires, ce sont des produits hybrides dont la nature risquée est établie. Les scénarios de radiation sont par ailleurs explicitement mentionnés dans les clauses du contrat. Les pratiques liées à un sauvetage financier peuvent varier d’un pays à l’autre, d’un système juridique à l’autre. Dans les pays anglo-saxons, le plan de sauvetage aurait probablement pris une autre tournure, mais dans le système suisse, les AT1 sont des outils à disposition pour recapitaliser une banque en difficulté afin d’assurer sa survie.»
L’expert en stratégie financière ne craint pas vraiment les dégâts d’image: «Pour les investisseurs professionnels, les créances de Credit Suisse représentaient juste un élément au sein d’un portfolio de placements. Elles pourront absorber les pertes et certains verront même leurs gains augmenter, étant donné que les AT1 offrent des rendements élevés. Par ailleurs, aucun titre n’est sûr à 100%. Les AT1 demeurent un bon choix dans de nombreux cas, même après ce précédent, pour autant – bien sûr – que les investisseurs aient conscience des risques.» À 19,11 francs au 27 juillet, l’action UBS semble en effet bien tenir le coup. Reste à savoir quand le géant bancaire pourra recommencer à émettre des AT1 et comment elle parviendra à convaincre les investisseurs d’en acquérir.
(En collaboration avec Large Network)