Alina, 17 ans, a un petit ami depuis un an. Ils sont heureux ensemble – et pourtant, ils consultent constamment la géolocalisation l'un de l'autre. «Ce n'est pas parce que je ne lui fais pas confiance, mais c'est parce que je m'inquiète. Je veux juste savoir où il est», explique la jeune fille. Ils peuvent consulter leur localisation de trois manières: via Snapchat, grâce au tracker de l'iPhone et à l'aide d'une application appelée Life360. Cette dernière permet de consulter l'historique de la localisation de chacun et le niveau de batterie de l'autre.
Alina n'est pas la seule à le faire: «Toutes mes amies partagent leur position avec leur copain.» Mais il n'y a pas que les couples qui se traquent mutuellement, il est désormais également habituel de partager sa position entre amis. Les parents trop inquiets qui veulent suivre leurs enfants à la trace n'ont donc plus de soucis à se faire: la pratique est devenue populaire chez les jeunes.
La sécurité grâce à la surveillance
Alina reconnait qu'elle est jalouse. Le type de contrôle que permet la surveillance de la localisation lui donne un sentiment de sécurité, mais conduit aussi à des conflits. Une fois, elle a reçu une notification l'informant que son copain avait quitté son domicile. Après cela, il n'a pas répondu pendant plusieurs heures. «Nous nous sommes disputés parce qu'il ne m'a pas dit qu'il était sorti et ne m'a pas écrit pendant longtemps.»
Ils se sont aussi déjà disputés lorsque la jeune fille finissait de travailler et partait en ville sans le dire à son petit ami. Il a eu peur qu'elle le trompe. «J'ai l'impression de devoir me justifier sur ce que je fais et où je suis», se plaint Alina.
Ronnie, 17 ans également, et son ex-petite amie ont eux aussi longtemps partagé leur emplacement. «Après tout, nous n'avions rien à nous cacher l'un à l'autre», dit-il. Le problème: même s'il n'avait rien à cacher à sa copine, il avait l'impression de devoir se justifier sur l'endroit où il se trouvait et de ce qu'il y faisait. «C'est le premier pas vers la méfiance. Et une fois que c'est établi, il est très difficile de rétablir la confiance», déplore-t-il.
Le contrôle: la forme la plus courante de violence
Selon un rapport de recherche sur l'évolution des expériences de violence des jeunes dans le canton de Zurich, ce qu'on appelle le monitoring, c'est-à-dire le contrôle et la surveillance du ou de la partenaire, est considéré comme une forme de violence.
Et ce n'est pas tout: il s'agit de loin de la forme de violence la plus fréquente dans les relations entre jeunes. Selon le rapport, en 2021, environ 50% des filles et environ 40% des garçons ont déclaré avoir contrôlé le téléphone portable de leur partenaire. Et environ 55% des filles et 52% des garçons ont déjà été victimes d'une telle surveillance.
Marco Bezjak est président de la fondation Mojuga pour la promotion de l'enfance et de la jeunesse et organise des animations avec les jeunes. Selon lui, le monitoring est un sujet de préoccupation dans les centres pour adolescents.
«C'est surtout une des fonctions de l'application Snapchat, qui permet de se suivre en direct, qui est utilisée parmi les jeunes. Il faut montrer en permanence où l'on est et ce que l'on fait.» Celui qui ne participerait pas à cette pratique signalerait donc aux autres qu'il a quelque chose à cacher. «Supprimer son compte Snapchat ou désactiver la localisation ne sont donc pas des options.»
Les groupes d'amis aussi se traquent
L'animateur cite l'exemple d'un adolescent qui surveillait constamment sa petite amie via son téléphone portable et qui avait même engagé des amis pour l'espionner. Un cas aussi poussé reste toutefois une exception.
Malgré tout, selon l'expérience de Marco Bezjak, ce sont plutôt les garçons qui surveillent les filles. «Ils pensent qu'il est normal de toujours vouloir savoir ce que fait leur copine.» Au début, cela fait plaisir aux filles, car cela leur donne le sentiment que leur petit ami s'intéresse à elles. «Mais souvent, le contrôle entraîne du stress et de la pression.»
Le monitoring ne se produit toutefois pas seulement entre couples, mais aussi dans les groupes d'amis, explique Marco Bezjak. «Cela fait partie de l'adolescence, de sonder ce que signifient l'amitié et l'amour, et de se poser des questions sur la fidélité, le respect et le contrôle.» C'était déjà le cas bien avant l'ère des smartphones, poursuit l'animateur de jeunesse. «Mais aujourd'hui, cela a pris de toutes autres dimensions.»
Jalousie et peur de blesser
Margareta Hofmann est thérapeute de couple chez Paarberatung & Mediation dans le canton de Zurich. Elle opine: «Ce genre de contrôle est à la limite de l'acceptable.» Selon elle, il est difficile de construire un lien sûr, de la confiance et du respect sur cette base.
Cette attache stable est pourtant très importante, surtout chez les jeunes. Car les premières relations amoureuses sont une expérience marquante. Si une personne se sent anxieuse dans son lien à l'autre dès son jeune âge, elle le sera généralement aussi à l'âge adulte.
Mais d'où vient le besoin de se contrôler mutuellement? La thérapeute de couple cite comme raisons la jalousie ou la peur de blesser. Ou bien les jeunes veulent montrer par ce contrôle qu'ils sont faits l'un pour l'autre. Mais ce dernier cas est une «preuve d'amour mal placée», même si les intentions sont bonnes.
En effet, «la sphère privée fait défaut, l'autonomie et l'espace de liberté sont restreints, ce qui entraîne du stress et des contraintes.» Cela ne vaut pas seulement pour les jeunes, mais aussi pour les adultes qui suivent chaque pas de leur partenaire via leur smartphone.