Le danger des réseaux sociaux
Pourquoi la Suisse doit interdire TikTok, Facebook et Insta aux mineurs

Un nouveau livre sur les effets des réseaux sociaux sur les jeunes fait sensation, et fait réagir le philosophe Rolf Dobelli. Il demande ni plus ni moins l'interdiction des plateformes pour les mineurs.
Publié: 12.04.2024 à 12:05 heures
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Dernière mise à jour: 12.04.2024 à 14:35 heures
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Ppresque tous les jeunes passent des heures par jour sur les smartphones et les réseaux sociaux.
Photo: Getty Images
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Benno Tuchschmid
Karen Schärer et Benno Tuchschmid

Pour les enfants et les adolescents, le quotidien n'existe plus sans les réseaux sociaux et les smartphones. Selon des enquêtes récentes, près de 100% des jeunes de 12 à 19 ans en Suisse ont un téléphone portable et presque tous utilisent Tiktok, Instagram ou autres. Des heures et des heures. Tous les jours.

Jamais encore une génération n'avait été bombardée de stimuli et d'informations de manière aussi intensive et généralisée. Mais quelles sont les réelles conséquences de cette utilisation excessive?

Les natels nous rendent malades

Le professeur de psychologie Jonathan Haidt de l'Université de New York a passé toute sa vie à étudier l'impact de l'utilisation actuelle des médias sur les jeunes. Il est considéré comme un expert de premier plan. Prochainement, son livre «The Anxious Generation» (en français «Génération anxieuse», à paraître en juin) sera publié. Et il est catégorique: les téléphones portables et les réseaux sociaux rendent systématiquement nos jeunes malades.

Selon Jonathan Haidt, les jeunes d'aujourd'hui sont des «cobayes pour une forme radicalement nouvelle d'adolescence». On peut qualifier cela de «grand recâblage de l'enfance». Et tout ceci se base sur la production de dopamine qui rend notre cerveau totalement accro.

La génération née à partir de 1996, la Gen Z, a la plus mauvaise santé mentale de toutes les générations, assure le psychologue. Jonathan Haidt montre, à l'aide d'une multitude de données et d'études, que l'augmentation massive des dépressions, des angoisses, des automutilations et des suicides a commencé vers 2010.

«Addictif et inadapté aux enfants»

Il relie ces données aux innovations technologiques qui sont devenues disponibles à cette époque: smartphones, caméra à selfie, Instagram, boutons «like» ou «share». «La génération Z est devenue la première génération de l'histoire à vivre son adolescence avec un portail en poche qui l'éloigne loin des gens qui l'entourent, dans un univers alternatif excitant, addictif (...) et inadapté aux enfants et aux adolescents», tonne-t-il.

Voix critiques

Les recherches de Jonathan Haidt ne sont pas sans controverse. Presque aucun universitaire ne nie que l’essor des réseaux sociaux et le boom du développement des smartphones se soient produits en même temps que les problèmes psychologiques croissants chez les jeunes du monde entier. Mais sont-ils vraiment le déclencheur? Pour certains universitaires, les réponses de Jonathan Haidt sont trop directes et absolues. Par souci de transparence, l'auteur a présenté différentes discussions d'experts remettant en question ses recherches. 

Les recherches de Jonathan Haidt ne sont pas sans controverse. Presque aucun universitaire ne nie que l’essor des réseaux sociaux et le boom du développement des smartphones se soient produits en même temps que les problèmes psychologiques croissants chez les jeunes du monde entier. Mais sont-ils vraiment le déclencheur? Pour certains universitaires, les réponses de Jonathan Haidt sont trop directes et absolues. Par souci de transparence, l'auteur a présenté différentes discussions d'experts remettant en question ses recherches. 

Le philosophe suisse Rolf Dobelli suit depuis longtemps les travaux de Jonathan Haidt. Les dernières découvertes du professeur l'amènent à une conclusion radicale. Il demande: «Les réseaux sociaux devraient être interdits aux moins de 16 ans. En Suisse aussi. Et pour les smartphones, l'âge d'accès devrait être fixé à 14 ans.»

Cela semble aberrant? Ce n'est pas le cas. La Floride vient tout juste d'adopter une loi extrêmement restrictive interdisant les réseaux sociaux aux moins de 14 ans. Des mesures similaires sont également en cours dans d'autres pays. 

Les jeunes souffrent psychiquement comme jamais

En Suisse, les chiffres sont plutôt inquiétants. Selon l'Enquête suisse sur la santé, 22% des jeunes de 15 à 24 ans se plaignent de stress psychique. Les jeunes femmes sont particulièrement touchées: 18% souffrent de troubles anxieux. Beaucoup cherchent d'abord une aide accessible, par exemple auprès de Pro Juventute, où les consultations ont augmenté de 40% depuis 2019 – explications possibles: les personnes vont plus facilement consulter, la pandémie et les réseaux sociaux. Dans presque un entretien sur deux, il est question d'angoisses, de dépressions ou de pensées suicidaires.

Parfois, les charges psychiques deviennent si importantes qu'un séjour ambulatoire est nécessaire. Le nombre de séjours de filles et de jeunes femmes de 10 à 24 ans a augmenté de 26% rien qu'entre 2020 et 2021. Pour Rolf Dobelli, le déclencheur de cette situation est les smartphones et la consommation de réseaux sociaux. «Les réseaux sociaux sont comme une bombe atomique pour le cerveau. Le cerveau d'un adolescent n'est pas fait pour traiter les avalanches d'informations.»

Augmentation de l'utilisation

Pourtant, le temps d'utilisation du téléphone portable augmente à des hauteurs vertigineuses. L'étude James de la Haute école des sciences appliquées de Zurich (ZHAW) examine régulièrement l'utilisation des réseaux par les jeunes Suisses. Alors qu'en 2010, les smartphones n'étaient pas du tout à l'ordre du jour de l'enquête, le tableau est aujourd'hui tout autre: les jeunes de 12 à 19 ans passent aujourd'hui en moyenne 3 heures et 33 minutes par jour sur leur appareil. Le week-end, ce sont 4 heures et 53 minutes.

  • 91% utilisent leur appareil pour passer du temps sur les réseaux sociaux
  • 73% sont sur Instagram tous les jours ou plusieurs fois par jour
  • 70% sont sur Snapchat tous les jours ou plusieurs fois par jour
  • 59% sont sur TikTok tous les jours ou plusieurs fois par jour
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