Le 25 décembre 2021, le télescope spatial James Webb prenait son envol pour l'espace. Un mois plus tard, il a atteint son orbite, à environ 1,5 million de kilomètres de notre planète.
Vendredi, l'agence spatiale américaine a donné un avant-goût des images que devrait nous fournir l'appareil. Un premier cliché de l'espace qu'aucun humain n'avait encore pu observer. Le directeur scientifique de la NASA, le Suisse Thomas Zurbuchen, parle d'une «nouvelle image du monde»: «Ce n'est pas une image. C'est une nouvelle image du monde.» Le télescope fournit des aperçus de l'origine de l'Univers.
Aux origines de l'Univers
Selon ses propres déclarations, Thomas Zurbuchen était au bord des larmes lorsqu'il a vu les premières images en couleur du télescope. Ces premiers clichés doivent être publiés mardi 12 juillet. Vendredi, face aux journalistes, le directeur scientifique de la NASA n'a pas caché son enthousiasme: «C'est un moment d'émotion que de voir la nature révéler soudain certains de ses secrets.»
Dans une interview accordée à Blick, Thomas Zurbuchen avait estimé qu'il s'agissait «d'images comme nous n'en avons encore jamais vues. De l'ancien Univers avec ses étoiles et ses galaxies, qui s'est formé il y a 13,5 milliards d'années. C'est la durée du voyage de la lumière de ces étoiles - et nous la voyons maintenant pour la première fois. Les images sont très nettes et infrarouges: plus une galaxie est rouge, plus elle est ancienne. C'est très excitant pour moi.»
Une démonstration technique
Les images doivent à la fois impressionner le grand public par leur beauté, mais aussi démontrer aux astronomes du monde entier toute la puissance des instruments scientifiques embarqués. C'est pour cette raison qu'ils ont visé une diversité d'objets cosmiques.
Les experts pourront ainsi se faire une idée de ce dont est capable James Webb, et s'entraîner à l'interprétation des données collectées, à l'aide de logiciels dédiés. Donnant le top départ d'une grande aventure scientifique.
«Lorsque j'ai vu les images pour la première fois (...), j'ai appris d'un coup trois nouvelles choses sur l'Univers que je ne savais pas avant, a confié à l'AFP Dan Coe, astronome à l'institut de Baltimore, et l'un des rares chanceux dans la confidence. Ça m'a complètement soufflé. James Webb va transformer notre compréhension de l'Univers.»
En couleur «traduites»
Les noms des objets cosmiques observés sont tout aussi poétiques qu'énigmatiques: la nébuleuse de la Carène et de l'anneau austral - de gigantesques nuages de gaz et de poussières où se forment les étoiles -, le Quintette de Stephan - un groupement compact de galaxies -, ou encore l'amas de galaxies SMACS 0723, agissant comme une loupe permettant de voir les faibles lueurs derrière lui, encore plus loin...
Les couleurs probablement majestueuses qui seront dévoilées sur les photographies ne seront toutefois pas directement celles observées par le télescope.
La lumière se décompose en différentes longueurs d'ondes, et James Webb fonctionne lui dans l'infrarouge, que l'œil humain ne peut percevoir. La lumière infrarouge est également riche en couleurs, mais n'étant pas dans le spectre visible, celles-ci seront donc «traduites» dans des couleurs que nous pouvons distinguer.
Un Hubble très amélioré
Grâce à ces observations dans l'infrarouge proche et moyen, James Webb pourra voir à travers des nuages de poussière impénétrables pour son prédécesseur, le mythique télescope spatial Hubble. Lancé en 1990 et toujours en fonctionnement, celui-ci a bien une petite capacité infrarouge mais opère surtout dans la lumière visible et les ultraviolets.
«Même quand Hubble réussissait à prendre l'image d'une galaxie lointaine, il n'était pas capable de distinguer un écureuil d'un éléphant, a résumé pour l'AFP David Elbaz, astrophysicien français. On va découvrir la formation d'étoiles enfouies dans de la poussière interstellaire, des galaxies invisibles car enfouies dans des chrysalides de poussière», s'est-il enthousiasmé, ému et impatient de découvrir les images.
Autres grandes différences entre les deux télescopes: le miroir principal de James Webb est près de trois fois plus grand que celui de Hubble, et il évolue bien plus loin: à 1,5 million de kilomètres de la Terre, contre 600 km pour Hubble.
D'autres mondes bientôt découverts?
Mardi, la première spectroscopie du télescope James Webb doit également être rendue publique. Cette technique est utilisée pour déterminer la composition chimique d'un objet lointain. En l'occurrence, WASP-96 b, une planète géante composée essentiellement de gaz et située en dehors de notre système solaire.
Les exoplanètes (des planètes en orbite autour d'une autre étoile que notre Soleil) sont l'un des axes de recherches principaux de James Webb. Environ 5000 ont été découvertes depuis 1995, mais elles restent très mystérieuses. Le but est d'étudier leur atmosphère afin de déterminer si elles pourraient se révéler être des mondes habitables et propices au développement de la vie.
La publication de ces premières images marquera le début officiel du tout premier cycle d'observation scientifique du télescope. Plusieurs centaines de projets d'observation, proposés par des chercheurs du monde entier, ont déjà été retenus par un comité de spécialistes pour cette première année de fonctionnement.
(ATS/AFP/Blick)