Ce pourrait être le cadeau de Noël le plus important de l’histoire de l’humanité: le télescope spatial James Webb (JWST). Le 25 décembre, James Webb entamera son long voyage: 1,5 million de kilomètres dans l’espace, vers le point de Lagrange L2-Orbite. Si tout se passe bien, nous pourrions, grâce à lui, en apprendre davantage sur nos origines et l’univers dans les années à venir.
Au cœur de ce méga-projet: la Suisse. Le Bernois Thomas Zurbuchen, directeur scientifique auprès de l’agence spatiale américaine NASA, est responsable du projet James Webb. Le télescope peut aussi compter sur les contributions d’Adrian Glauser, chercheur à l’EPFZ, qui a développé un obturateur destiné à protéger l’un des instruments infrarouges du télescope.
Et puis il y a aussi Ruag Space, une entreprise technologique suisse qui a fabriqué le revêtement de la charge utile. Celui-ci sera monté sur un lanceur Ariane 5 et doit protéger James Webb des intempéries, du bruit, de la pression dynamique et de la chaleur lors de son voyage à travers l’atmosphère.
Le projet coûte dix milliards de francs
Cela fait des décennies que les astronomes, les ingénieurs spatiaux et les fans de l’espace attendent ce jour avec impatience. Le projet commun des agences spatiales américaine, canadienne et européenne devait coûter un peu moins d’un milliard de francs. Ce sont finalement dix milliards qui auront été dépensés lorsque James Webb décollera samedi de la base spatiale de Kourou en Guyane française.
James Webb doit remplacer le télescope Hubble, qui est en service depuis plus de 30 ans. «Le nouveau télescope nous permettra de faire un voyage dans le passé. On pourra voir des lumières qui ont commencé leur voyage environ 100 millions d’années après le Big Bang. Il y a beaucoup à apprendre», déclare à Blick Lukas Viglietti, 52 ans, président de l’association Swiss Apollo et spécialiste de l’espace.
Recherche de la planète sœur de la Terre
La pièce maîtresse du télescope spatial est un miroir rétractable de 25 mètres carrés. Celui-ci est refroidi à environ moins 240 degrés Celsius derrière un énorme bouclier solaire. Le miroir permet alors de détecter la lumière des étoiles lointaines, des galaxies et même des systèmes planétaires avec une sensibilité cent fois supérieure à celle de son prédécesseur Hubble.
«Grâce aux instruments ultramodernes du télescope James Webb, la recherche d’exoplanètes, c’est-à-dire de planètes éloignées de notre système solaire, sera beaucoup plus facile que par le passé», estime Lukas Viglietti. Comme de nombreux autres experts, il attend beaucoup de cette mission. Son pronostic: «Il est probable que nous trouvions la planète sœur de la Terre».
James Webb à la recherche d’extraterrestres
Une planète avec de l’eau et de l’oxygène? La deuxième Terre? Pour de nombreuses personnes, une telle découverte équivaudrait à un scoop. Dans les milieux scientifiques, on est toutefois convaincu depuis longtemps qu’une planète sœur de la Terre tourne quelque part dans l’immensité de l’univers. L’opinion dominante est qu’il ne reste plus qu’à la trouver.
C’est précisément l’objet de la mission du télescope James Webb. «Il s’agit de trouver une vie potentielle en dehors de la Terre», explique Lukas Viglietti. «C’est le point le plus important de toutes les missions de la NASA et consorts». Mais est-il réaliste de penser que le télescope pourra détecter des extraterrestres? «La recherche de la vie est presque une addiction», affirme Lukas Viglietti.
Une mission risquée
Les scientifiques espèrent beaucoup de cette mission, ce d’autant plus que la mission de Hubble n’a pas été de tout repos. «Le problème de Hubble, à 500 kilomètres de distance, était sa proximité avec la Terre. La pollution lumineuse et les températures ont affecté la précision des images de Hubble. C’est pourquoi des réparations ont été nécessaires à plusieurs reprises.»
Si quelque chose devait clocher dans l’espace, des réparations ne seront plus envisageables. C’est pourquoi tout doit fonctionner parfaitement lors du lancement et dans les semaines à venir, au risque de voir dix milliards d’investissements partir en fumée. Le directeur scientifique de la NASA, Thomas Zurbuchen, en est cruellement conscient: «Des dizaines de milliers de personnes de différents continents ont travaillé sur ce projet.»
«Chances de succès d’au moins 90%»
Chez Ruag Space aussi, on attend le grand jour avec impatience. «Pour une mission aussi prestigieuse, on ne peut pas éviter de ressentir une certaine tension», explique Holger Wentscher, responsable des lanceurs. «Nous disons souvent qu’il n’y a pas de service d’assistance dans l’espace. C’est pourquoi tous les produits doivent fonctionner parfaitement dès le début». Mais il est confiant: «Nos revêtements de charge utile ont été bien testés et nous pouvons jusqu’à présent faire état d’un taux de réussite de 100% pour nos produits.»
Après le lancement, il faudra environ 30 jours pour que James Webb atteigne sa position à 1,5 million de kilomètres de la Terre. Puis encore plusieurs mois jusqu’à ce que le télescope soit opérationnel. «Les chances de succès devraient être d’au moins 90%, sinon la NASA et l’Agence spatiale européenne n’oseraient pas se lancer, estime Lukas Viglietti. Il y a trop d’argent en jeu.»
«L’objectif final est de coloniser une planète semblable à la Terre»
Mais pourquoi tous ces efforts? Par curiosité! Il s’agit en fin de compte de répondre à une question existentielle à laquelle personne n’a encore trouvé de réponse, nous confie Lukas Viglietti: «Pourquoi sommes-nous ici? Il est bien possible que nous en sachions plus dans quelques années.»
L’expert de l’espace se projette dans un avenir encore plus lointain, pour un projet encore plus fou: «L’objectif final ultime est de coloniser une planète semblable à la Terre. Avec la technologie actuelle, ce n’est pas possible. Mais peut-être que dans 100 ans, la situation sera différente.»
(Adaptation par Jocelyn Daloz)