Le résultat a été extrêmement serré: c'est par 50,1% des votants que les Suisses ont accepté le principe de l'acquisition d'avions de combat. Un peu moins de 9000 suffrages ont fait la différence. Fin juin, le Conseil fédéral a fait son choix: c'est le F-35 américain qui va équiper l'armée.
Avant de voir voler le jet de Lockheed Martin dans le ciel helvétique, il faudra passer un deuxième test de résistance. Le Groupe pour une Suisse sans Armée (GSsA), le PS et les Verts lanceront leur initiative «Stop F-35». Les 100’000 signatures nécessaires ne devraient pas être un problème: plus de 70’000 ont déjà été annoncées avant même le lancement.
Viola Amherd avance sur une corde raide, mais il en faut plus pour faire peur à la ministre de la Défense, première femme à la tête de l'armée. En exclusivité pour Blick, la Valaisanne évoque sa sérénité avant le scrutin et confie comment son rôle à l'exécutif de sa commune de Brigue l'a aidée dans le processus d'acquisition du F-35.
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À vous croire, le F-35 serait non seulement le meilleur mais aussi le moins cher des avions de combat. Comment expliquer ce miracle?
Viola Amherd: Je m’en tiens aux faits, les miracles sont relativement rares à ma connaissance!
Néanmoins, pour de nombreux observateurs, l’offre est trop belle pour être vraie.
Pourtant, elle n’est pas si étonnante. Le F-35 n’est pas seulement le jet le plus moderne, il est aussi celui dont le nombre de ventes est le plus élevé au monde. Il en va de même pour les autres produits: plus il y a de demande, plus le prix diminue.
D’autres pays ont toutefois dû payer beaucoup plus cher pour les obtenir. C'est le cas des États-Unis, le pays qui les fabrique.
Nous avons des offres fermes pour le prix d’achat et les dix premières années d’exploitation. C’est ce que nous avons demandé à tous les candidats, d’ailleurs. Je ne sais pas quels sont les accords conclus par les autres pays — ce sont toujours des secrets d’affaires. D’ailleurs, nous n’établissons pas le contrat avec le fabricant, mais avec l’État américain, qui le garantit par sa signature.
Et si les coûts explosent après 10 ans? Ne considérez-vous pas cela comme un scénario plausible?
Dix ans, c’est déjà long pour une offre contraignante — au-delà de 2040, elle ne serait pas fiable. De plus, comme le nombre de jets vendus continuera d’augmenter, les coûts auront tendance à diminuer. Nous n'anticipons donc pas d'explosion des coûts, bien au contraire.
Ce mardi, les opposants vont lancer une initiative contre l’achat des jets américains, presque un an après le «Oui» du bout des lèvres du peuple suisse (50,1%). Cela vous rend-il inquiète?
Il ne faut pas avoir peur des référendums. De toute façon, l'issue ne peut pas être beaucoup plus serrée que la dernière fois! Je pense que nous avons de bonnes chances que l’électorat approuve l’achat, parce que les faits sont de notre côté. Il ne nous reste plus qu’à essayer de bien les expliquer.
Vous avez peut-être choisi le meilleur jet, mais vous avez certainement aussi sélectionné celui qui polarise le plus. Ne faites-vous pas le jeu de l’adversaire?
Le choix s’est basé sur des faits. Il y aurait eu d'autres arguments si nous en avions choisi un autre type. Mais il est inutile d’en discuter: le peuple a déjà dit oui.
Le modèle choisi est américain — la controverse était prévisible. Y a-t-il un moment où vous vous êtes dit que ça allait vraiment être compliqué?
Avant même que la décision ne soit prise, j’ai eu des entretiens personnels avec les ministres de la Défense de tous les pays fabricants. Tous ont explicitement remercié la Suisse d’avoir procédé de manière correcte et équitable. Il était très important pour moi que nous puissions expliquer la procédure de manière compréhensible. Peut-être ai-je été influencée par mon passage en tant que présidente de la commune de Brigue.
De quelle manière?
A cette époque, nous devions également attribuer de nombreux contrats et j’étais souvent attaquée par des concurrents déçus. Il faut alors faire preuve de transparence et leur expliquer les règles. De telles décisions sont problématiques uniquement lorsqu’elles ne sont pas prises correctement.
Certains États européens ont le sentiment d’avoir été floués. Les critiques sont très virulentes. Ne s'agit-il que de mauvais perdants?
Je comprends leur déception. Mais au cours de la phase préparatoire, tous les soumissionnaires ont déclaré qu’ils accepteraient la décision du fait que le processus était transparent.
Lors du dernier vote, vous avez ciblé les femmes, les citadins et les Romands, avec un succès limité. Comment comptez-vous convaincre ces groupes en particulier en cas de deuxième round?
Nous avons déjà convaincu l’ensemble de la population avec le premier vote, et pas seulement un groupe en particulier. Mais je pense que les femmes sont peut-être plus enclines à se poser des questions sur cet objet: le sujet de la sécurité les préoccupe moins.
En parlant de femmes, leur pourcentage au sein l’armée doit être porté à 10%. Actuellement, il n’est que de 0,9%. Comment comptez-vous y parvenir?
Je ne veux pas que les femmes soient des bouche-trous: je veux qu’elles contribuent à une meilleure performance de l’armée. Les équipes mixtes obtiennent de meilleurs résultats, que ce soit dans les affaires ou dans l’armée. Mais elles doivent voir qu’il y a des opportunités intéressantes pour elles. Je pense particulièrement au cursus en cyberdéfense ou à la possibilité d’acquérir une expérience de leadership à un jeune âge.
L'incitation peut fonctionner, mais est-ce possible d’augmenter à ce point la proportion de femmes sans instaurer une obligation?
Nous devons être en mesure de présenter des modèles. Les femmes qui servent déjà doivent montrer ce qu’elles font au quotidien et comment elles en bénéficient. Nous devons aussi mettre le sens du service au premier plan. Cette technique a déjà fait ses preuves, comme par exemple dans le domaine de la promotion militaire de la paix. Nous y trouvons une proportion de femmes beaucoup plus élevée que dans les autres parties de l’armée, à savoir entre 15 et 20%.
Afin d’augmenter le nombre de soldats ainsi que la proportion de femmes, un service civil général est actuellement en discussion. Qu’en pensez-vous?
Je trouve l’idée très séduisante. De nombreuses personnes me disent qu’elles seraient prêtes à faire quelque chose pour la société. Service Citoyen lance déjà un appel à la population pour soutenir une initiative populaire. Dans un même temps, le DDPS (le Département fédéral de la défense, de la protection de la population et des sports) examine différents modèles, dont un service général pour les citoyens. Mais il reste encore de nombreuses questions ouvertes.
Par exemple?
Entre autres, nous devons trouver des occupations qui ont du sens pour de nombreux jeunes. Ce n’est pas si facile parce que nous ne devons pas entrer en concurrence avec le secteur privé. Cela nécessiterait également un amendement constitutionnel, ce qui ne se fait pas du jour au lendemain. Mais nous cherchons à garder une vision large, sans nous mettre des œillères.