Une habitante évacuée de Brienz témoigne
«Psychologiquement, tout le monde est détruit ici»

Le village de montagne de Brienz dans le canton des Grisons doit à nouveau être entièrement évacué pour la deuxième fois en un an et demi. Les habitants commencent à en avoir assez. Blick s'est rendu sur place pour recueillir leurs témoignages.
Publié: 11:15 heures
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Dernière mise à jour: 11:43 heures
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On ne sait pas quand la montagne au-dessus de Brienz va s'effondrer.
Photo: keystone-sda.ch
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Sandro Zulian

A 9h du matin, un SUV roule à toute allure sur la petite route étroite qui traverse le hameau de Vazerol dans les Grisons. Même si la vitesse est limitée à 30 km/h, le conducteur file. Derrière lui se trouve le célèbre village de Brienz

La voiture passe et une femme sursaute. «J'ai juste secoué la tête parce qu'il roulait tellement vite. Il m'a donc fait un doigt d'honneur», s'exclame-t-elle sans comprendre. L'ambiance ce dimanche matin est tendue. Et pour cause. Une fois de plus, le village de montagne de Brienz doit être évacué.

Un village sous vidéosurveillance

Une nouvelle fois, la petite centaine d'habitants doit faire ses valises et quitter le village. L'exil forcé loin de cette montagne aux airs idylliques se répète. Mardi, les autorités ont informé la population que le glissement de 1,2 million de mètres cubes de débris rocheux situés au-dessus de la bourgade avait repris de plus belle. Et ce, alors qu'en juin 2023, un premier grand glissement de terrain s'était déjà arrêté juste avant les portes du petit village. Une autre évacuation est aujourd'hui inévitable.

A 13h, la commune d'Albula du canton des Grisons, dont fait partie Brienz, a décrété qu'il s'agissait actuellement d'une «zone rouge». Le village a donc été entièrement évacué et il est désormais interdit d'y pénétrer. Même les habitants ne peuvent plus y retourner. Les drones sont interdits de vol et le village est sous surveillance vidéo constante afin d'éviter les pillages. Les animaux, le fourrage, les objets précieux des archives du village et de l'église sont en sécurité.

Même les pompiers y sont interdits

Même les pompiers ne sont pas autorisés à pénétrer à Brienz en cas d'incendie. «Les pompiers doivent évaluer le danger pour les forces d'intervention», explique Christian Gartmann, porte-parole de la commune d'Albula.

Si les pompiers devaient effectivement être alertés, ils se rendraient à un point de rencontre où ils se concerteraient avec le service d'alerte, les géologues et la police. La sécurité des forces d'intervention passe avant tout: «Les chefs d'intervention veulent la sécurité de leurs hommes, et les hommes celle de leurs familles.» Si le risque d'un éboulement de pierres est trop important, un éventuel incendie dans le village ne serait donc pas éteint.

«Psychologiquement, tout le monde est détruit ici»

De nombreuses personnes directement touchées sont à bout de nerfs. Quelques heures après le délai d'évacuation, Blick s'est entretenu avec Marcellina Alig, 47 ans. Elle vit à Brienz avec son mari et ses trois enfants et y exploite une ferme. La famille a pu obtenir un appartement dans le village voisin de Lantsch (GR).

Lorsque Blick leur rend visite, les deux enfants sont en train de sauter sur le matelas qui n'a pas encore de draps. Des boîtes en carton remplies d'objets ménagers attendent d'être déballées dans la cuisine. «J'ai oublié d'emporter le café», souffle Marcellina Alig en levant les yeux au ciel. Il est resté à Brienz. Mais impossible de revenir en arrière.

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Si la montagne s'effondrait pour de bon, nous aurions au moins enfin une certitude.
Marcellina Alig, habitant de Brienz
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«Les derniers jours ont été insupportables. Psychologiquement, tout le monde est détruit ici», déplore la femme de 47 ans. Au loin, la montagne qui surplombe Brienz trône dans sa taille impressionnante. Marcellina Alig explique avec dépit: «Nous aurons peut-être le droit d'y retourner dans quelques mois. Mais à ce moment-là, il se peut que nous devions tout de suite repartir avant un autre glissement. Ce n'est pas une vie.» Elle ajoute: «Si la montagne s'effondrait pour de bon, nous aurions au moins enfin une certitude.»

Une solidarité nécessaire

Marcellina Alig et sa famille ont trouvé un logement à Lantsch grâce à des amies. «Il est important pour moi que nos enfants puissent continuer à fréquenter la même école», dit-elle. La famille a loué l'appartement jusqu'à fin mars, mais sa maison lui manque déjà.

«Quand j'ai dû dire au revoir à mes voisins, cela m'a presque brisé le cœur», murmure Marcellina Alig en évoquant les adieux à Brienz. Seul point positif: «J'ai pu confier un grand nombre de mes petits animaux à une ferme saint-galloise. Ils seront bien gardés.» Pour les plus grands spécimens, ils ont trouvé un nouveau foyer chez des amis. «Je remercie chaleureusement tout le monde pour leur aide.»

«Personne n'acceptera cette situation une troisième fois»

La population de Brienz traverse actuellement une période très difficile. Le président de la commune d'Albula, Daniel Albertin, comprend les habitants, même si l'évacuation était inévitable.

Il se montre inquiet: «Nous devons nous demander combien de fois nous pouvons encore imposer une évacuation à la population.» Il est conscient que des mesures aussi drastiques ne sont «pas du tout bénéfiques» pour la santé mentale des habitants.

Il s'agit cependant quand même d'une question de vie ou de mort. «Ils sont partis pour se sauver dans le cas d'un éboulement, pas pour faire plaisir aux autorités», conclut Daniel Albertin. Mais Marcellina Alig en est sûre: «Dans le futur, personne n'acceptera cette situation une troisième fois.» 

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