Aucun doute. C’est bel et bien Isabelle Chappuis qui apparaît à l’écran. C’est aussi la voix de cette candidate du Centre au Conseil national qu’on entend. Sur LinkedIn, la Vaudoise fait campagne dans un portugais du Brésil parfait. Pourtant, dans la vraie vie, elle n’en parle pas un mot.
Comment expliquer ce tour de passe-passe? Au bout du fil, l’économiste et directrice du Futures Lab à la Faculté des HEC de l’Université de Lausanne se marre. Elle raconte les coulisses de sa vidéo magique avec plaisir: «Comme expliqué dans mon post, j'ai utilisé l’intelligence artificielle (IA) HeyGen, qui permet de traduire des vidéos dans toujours plus de langues, précise-t-elle. Par ce moyen, je voulais montrer que ces technologies sont désormais accessibles à toutes et à tous et qu’il suffit de seulement quelques clics pour avoir un résultat parfait.»
Alors que les balbutiements de la véritable révolution ChatGPT sont encore frais dans les esprits, les progrès de ce genre de programmes sont fulgurants. La spécialiste du futur voit tout cela d’un bon œil même si, pour elle, «la technologie n’est ni bonne, ni mauvaise, mais pas neutre».
L'IA: «fantastique» et «terrible»
Qu’entend-elle par là? «Qu’on trouvera autant d’utilisations fantastiques que terribles de l’intelligence artificielle, souffle-t-elle. Tout va dépendre de comment on la cadre et de ce qu’on en fait. Dans mon exemple, on pourrait imaginer utiliser cet outil de traduction pour faciliter l’accueil de personnes migrantes. Mais aussi pour faire dire tout et n’importe quoi à une personnalité politique. Il y a un réel risque de manipulation des masses. Aujourd’hui, celles et ceux qui tiennent les algorithmes sont celles et ceux qui tiennent les masses.»
Ce tableau inquiétant amène l’universitaire à la notion «d’autodéfense intellectuelle». «Nous ne pouvons pas nous fier aveuglément à ce qu’on lit, voit et entend, martèle Isabelle Chappuis. Il ne demeure que ce qu’on vit. Dès la scolarité, il est impératif de donner les clés aux jeunes pour qu’ils puissent décrypter le vrai du faux.»
C’est évidemment l’un des combats que l'experte compte mener si elle est élue à Berne, le 22 octobre prochain. «Il y a plusieurs enjeux, rebondit-elle. D’abord, faire comprendre ces technologies aux décideuses et décideurs. Puis placer la capacité d’anticipation et prospective au centre des réflexions.»
L'importance de l'espoir
Pour cette mère de trois enfants qui a cofondé l’association futurs.ch, il est bien sûr nécessaire d’identifier les effets immédiats de l’IA sur notre société. Mais pas seulement. «Beaucoup de décisions doivent se prendre aujourd’hui concernant des impacts qui se concrétiseront dans longtemps, affirme-t-elle. Nous devons inverser la tendance: il faut arrêter de courir après les avancées et leurs conséquences et essayer de les anticiper.»
La présidente de la section des femmes du Centre Vaud est formelle. L'un des critères qui sera déterminant dans cette approche sera notre capacité collective à avoir un rapport positif à l'incertitude. «Même si tout ce qui touche à l'intelligence artificielle peut faire peur et paralyser, à l'instar de l'écoanxiété, il est capital de ne pas perdre notre aptitude à agir… Et nous la conserverons que si nous arrivons à maintenir un peu d'espoir!»