«Cela me rappelle une période très, très sombre de l’histoire allemande, hashtag 'Arbeit macht frei'.» Ces mots prononcés par Franziska Meinherz, conseillère communale (législatif) du parti Ensemble à Gauche, ont estomaqué plusieurs élues et élus mardi 20 septembre dernier, lors de la séance de l'organe délibérant de la capitale vaudoise.
La militante d'extrême-gauche s'adresse alors à Pierre-Antoine Hildbrand, municipal libéral-radical de la Sécurité. La raison de cette saillie jugée douteuse par beaucoup? L'édile venait tout juste de prôner «l’émancipation par le travail et non par la mendicité».
Pour mémoire, dans le cadre de la consultation publique sur la révision partielle de la loi pénale vaudoise relative à la répression de la mendicité, lancée par le Canton auprès des communes notamment, Lausanne a dévoilé en août dernier sa volonté de multiplier les endroits où la Ville ne souhaite plus tolérer une telle pratique, rappelait «24 heures». Les échanges ont donc logiquement été âpres en plénum. Interview à froid de Franziska Meinherz.
Vous regrettez d’avoir comparé les propos de Pierre-Antoine Hildbrand à ceux des nazis?
Ce n’est pas que je regrette mes propos, mais j’insiste: je n’ai pas comparé Monsieur Hildbrand aux nazis. J’ai simplement signalé que ses formulations — comme lorsqu’il a parlé «d’émancipation par le travail» ou encore asséné que travailler favoriserait l’intégration sociale des personnes mendiant dans la rue — rappelaient des propos utilisés par les nazis pour justifier l’internement des peuples roms dans des camps de concentration ainsi que le génocide qu'ils ont mené contre eux.
Vous comparez donc bel et bien ses propos à ceux des nazis. Mais imaginez-vous une seule seconde que la pensée du municipal de la Sécurité prenne sa source dans l’Allemagne des années 1930?
Je suis entièrement disposée à accorder le bénéfice du doute à Monsieur Hildbrand. Il n’a probablement pas fait exprès d’utiliser des expressions qui rappellent celles des nazis. Mais il l’a fait. Je trouve cela absolument inacceptable de la part d’un municipal. Les références qu’il emploie sont graves et lourdes de sens.
Personnellement, est-ce que vous estimez que Pierre-Antoine Hildbrand pourrait avoir fait volontairement allusion à l’idéologie nazie?
Je n’ai aucune raison de le penser. Mais dans la position de Monsieur Hildbrand, il est primordial d’éviter ce genre de formulations. Encore davantage dans un débat sur la mendicité, qui concerne notamment les Roms. S’il avait utilisé d’autres mots pour dire que, d’après lui, il est essentiel que tout le monde travaille, cela ne m’aurait pas paru problématique. Même si je ne partage pas cette conviction bourgeoise. Les mots ont un sens.
Vous auriez donc pu l’attaquer sur sa vision libérale de la société plutôt que d’atteindre si rapidement le point Godwin…
Concernant sa pensée libérale, il aurait dû l’exprimer autrement. Et non pas employer des formulations qui ont été utilisées pour justifier un génocide contre les personnes dont il parlait. Je le répète: c’est juste complètement déplacé.
Ne pourrait-on pas voir un clin d’œil de Pierre-Antoine Hildbrand à la «valeur travail», concept cité par le communiste français Fabien Roussel et dont l’utilisation a récemment fait polémique?
Je n’en sais rien. Mais ça m’étonnerait. Le municipal répondait à un élu vert. Il n’aurait pas eu de raison de faire allusion à un membre du Parti communiste. Monsieur Hildbrand ne s’adressait pas à Ensemble à Gauche. Ceci dit, Fabien Roussel, lui, n’a pas fait usage de ce concept alors qu’il s’exprimait sur une thématique touchant un peuple exterminé par les nazis. Le contexte est complètement différent.
La Municipalité, qui qualifie votre intervention de «dérapage», a annoncé son intention de vous écrire pour vous signifier sa position. Ça vous choque?
Je n’ai encore rien reçu donc je ne peux pas vous répondre. Mais si quelqu’un a dérapé lors de cette séance du Conseil communal, c’est bien Monsieur Hildbrand. Pas moi.