Une atteinte à la liberté individuelle?
Cette commune impose un couvre-feu à 22h pour les enfants de moins de 14 ans

La commune de Studen dans le canton de Berne a décrété un couvre-feu nocturne pour les enfants de moins de 14 ans de 22h à 6h du matin. La plupart des habitants voient cela d'un bon œil. D'autres prônent la responsabilité des parents.
Publié: 13.06.2024 à 11:30 heures
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Dernière mise à jour: 13.06.2024 à 11:37 heures
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Un groupe de jeunes dans la commune de Studen.
Photo: Philippe Rossier
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Céline Zahno et Philippe Rossier

A Berne, dans la commune de Studen, Nasrin Khaled, 38 ans, se promène avec son fils. La maman n'a qu'une hâte: que les enfants de moins de 14 ans ne puissent plus faire de rondes nocturnes.

Désormais, le règlement de police locale de la commune prévoit un couvre-feu entre 22 heures et 6 heures pour les jeunes de moins de 14 ans. Ils ne pourront plus se trouver dans l'espace public qu'en compagnie de leurs parents ou d'une autre personne autorisée à les surveiller.

Cette mesure, c'est l'assemblée communale qui l'a décidée lundi soir à une majorité de 100 voix contre 2, provoquant un petit tollé médiatique. Mardi après-midi, les journalistes se pressaient dans la petite commune bernoise à la recherche de réponses. Blick y était.

Violation des droits fondamentaux?

Avant toute chose: une telle mesure est-elle juste légale? Dans la commune de Dänikon (ZH), le tribunal administratif avait déjà stoppé une règle similaire en 2009, car elle empiétait trop sur les droits fondamentaux. Dans d'autres villages, des protestations ont eu lieu et les autorités ont fait marche arrière.

De nombreux jeunes voient toutefois les choses de manière beaucoup plus détendue à Studen. Kanywar, le fils de Nasrin, est âgé de 15 ans. A ses yeux, le couvre-feu serait une bonne chose, surtout pour les plus jeunes. Lui-même et ses amis n'auraient en tout cas jamais eu le droit de traîner dehors après 22 heures. «Des parents trop stricts», ajoute-t-il.

Sa bande de copains est postée sur la petite place devant le centre de jeunesse. Chacun veut donner son avis: «Ma sœur a failli être enlevée une fois le soir», raconte un jeune de 16 ans. Il est favorable à un tel couvre-feu. Il s'adresse ensuite à son ami cadet, âgé de 13 ans: «Je te renverrais chez toi si je te voyais dehors tard le soir!»

«Si les parents ne le font pas, c'est à nous de le faire»

Le président de la commune Heinz Lanz se préoccupe également de la sécurité des enfants. Il semble fatigué par la présence des médias dans sa commune. «Nous ne nous attendions pas à cela», souffle l'homme. Pour lui, un couvre-feu ne nuit pas à la liberté individuelle. «Les enfants n'ont pas non plus le droit de consommer de la bière ou du tabac», fait-il remarquer. L'interdiction de sortie vise avant tout à protéger l'intégrité physique des plus jeunes.

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«Lorsque des familles vivent dans un appartement de trois pièces pour des raisons économiques ou que les parents travaillent tard le soir, il arrive que les enfants sortent sans permission»
Heinz Lanz
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Ces derniers temps, la commune est plutôt calme. Mais un phénomène local traîne depuis plusieurs années: «Nous avons connu de graves incidents d'agressions physiques, notamment avec des armes blanches», raconte Heinz Lanz. Ce dernier parle d'une «structure de la population avec des origines culturelles différentes». Il s'explique: «Lorsque des familles vivent dans un appartement de trois pièces pour des raisons économiques ou que les parents travaillent tard le soir, il arrive que les enfants sortent sans permission.»

Le dialogue avec les familles concernées a déjà été amorcé de différentes manières, par exemple au travers d'une fête de village où chacun apporte de la nourriture de sa propre culture. Le couvre-feu est une mesure qui vient s'ajouter à ce dialogue. «Si les parents ne le font pas, c'est à nous de le faire», affirme Heinz Lanz.

«Il faut miser sur des solutions créatives»

Mais le projet ne fait pas l'unanimité. A Studen, les enfants adorent passer du temps au centre aéré pour jeunes, qui dispose d'un baby-foot, d'un canapé et d'une cuisine. Reto Tschäppeler est responsable du centre et ne comprend pas cette nouvelle mesure. «Les enfants de moins de 14 ans ne devraient peut-être plus sortir sans être accompagnés. Mais c'est la responsabilité des parents. C'est là qu'il faut privilégier le dialogue, si la commune se sent menacée.»

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«C'est la responsabilité des parents. C'est là qu'il faut privilégier le dialogue, si la commune se sent menacée»
Reto Tschäppeler
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«Il faut miser sur des solutions créatives, estime Reto Tschäppeler. Nous avons besoin des lieux où les jeunes puissent aussi se rencontrer le soir. Nous y travaillons déjà. Je me demande donc d'autant plus pourquoi cette loi est si nécessaire.»

«Je sais que mon opinion choque»

Le ton général au sein de la commune est toutefois différent. Outre Reto Tschäppeler, une seule passante se prononce aussi contre la nouvelle loi. «Oui, il y a des jeunes qui restent trop longtemps dehors. Mais le couvre-feu est une manière de montrer qu'on agit sans vraiment agir.» La villageoise souhaite rester anonyme: «Beaucoup de gens voient les choses différemment – je sais que mon opinion choque.»

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