Kathrin Gfeller* se souvient à peine du printemps dernier. Est-ce qu'il a vraiment existé? Ce moment flotte comme un vide obscur dans sa mémoire. C'était l'époque de la liste d'attente. Sa fille Alessandra*, 14 ans, avait à peine la force de gérer son quotidien et désertait peu à peu l'école. Le diagnostic tombe: une grave dépression.
Sa psychologue tire la sonnette d'alarme. Elle a besoin au plus vite d'une place en clinique dans un service de psychiatrie pour jeunes. «Je pensais qu'après l'inscription, tout irait vite», raconte la mère. Elle se revoit collée à son téléphone portable, dans l'attente de nouvelles de la clinique. Mais l'appel n'est jamais arrivé.
- Consultation téléphonique de la Main Tendue: téléphone 143 www.143.ch
- Conseil téléphonique de Pro Juventute (pour les enfants et les jeunes): téléphone 147 www.147.ch
Urgences médicales: 144
- Autres adresses et informations: https://www.parler-peut-sauver.ch/
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«La nuit, je dormais sur un matelas à côté d'elle»
Lorsque sa fille a tenté de se suicider deux mois plus tard, le téléphone n'avait toujours pas sonné. Alessandra a été admise pendant 72 heures au service des urgences des Services psychiatriques universitaires de Berne (SPU). Ensuite, elle a dû rentrer chez elle – faute de place à l'hôpital psychiatrique pour jeunes.
Deux mois supplémentaires s'écoulent. Kathrin Gfeller travaille depuis chez elle: «Le jour, je ne sortais de chez moi que lorsque quelqu'un était avec ma fille. La nuit, je dormais sur un matelas à côté d'elle.» Le moindre bruit la réveille. Elle ne baisse jamais sa garde. Et le quotidien devient infernal.
Un nombre record d'urgences
Les temps d'attente dans les services psychiatriques pour enfants et adolescents sont longs dans toute la Suisse. Les traitements d'urgence ont atteint un niveau record après la pandémie de Covid et sont restés constamment élevés depuis. Plusieurs cliniques interrogées par Blick le confirment.
Ces délais sont préoccupants, surtout dans les cas comme celui d'Alessandra. Toutefois, les traitements d'urgence de courte durée sont toujours effectués sans délai d'attente, rappelle le SPU. Les patients ne sont en outre libérés que lorsqu'ils ne sont plus considérés comme présentant un risque suicidaire aigu.
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Les délais aggravent la situation
Mais si les traitements d'urgence de courte durée sont rapidement administrés, les personnes en situation de détresse doivent souvent attendre des semaines, voire des mois avant d'obtenir une place dans une clinique stationnaire.
Les longs délais d'attente aggravent souvent la situation des personnes souffrant de troubles psychiques: «Les jeunes qui doivent attendre une offre de traitement sont de plus en plus nombreux à se manifester», explique Lulzana Musliu, responsable politique et médias pour l'association Pro Juventute. Par rapport à 2019, ce nombre a presque triplé.
Le Parlement doit se prononcer mercredi
Mercredi, le Conseil national doit se pencher sur la question. Deux interventions veulent réduire la situation d'urgence avec une structure tarifaire couvrant les coûts et une offensive de formation pour le personnel spécialisé.
Ces deux interventions s'attaquent à deux problèmes clés de la crise des soins. D'une part, la psychiatrie est chroniquement sous-financée, comme le précise Bigna Keller, co-présidente de la Société suisse de psychiatrie et psychothérapie pour enfants et adolescents (SSPPEA) – une lacune due à l'obsolescence des tarifs médicaux.
D'autre part, le personnel qualifié manque. La discipline ne semble pas attractive pour la relève. La faute aux revenus faibles par rapport à d'autres domaines, en plus de la formation psychothérapeutique qui n'est pas financée. «De plus, la pression dans la profession est énorme», ajoute Bigna Keller.
Une meilleure structure tarifaire serait un début
Même si une majorité du Conseil national venait à donner son accord mercredi, les problèmes politiques n'en seront pas moins résolus, selon la co-présidente. La Confédération ne peut pas décider d'une amélioration du tarif – ce sont d'abord les partenaires tarifaires qui doivent le négocier.
Une avancée a toutefois été réalisée dans le domaine il y a cinq ans de cela. Tous les partenaires tarifaires s'étaient mis d'accord sur le nouveau tarif Tardoc. Ce dernier n'a toutefois toujours pas été approuvé par le Conseil fédéral. «Cela fait des années que nous sommes en attente», s'insurge Rosilla Bachmann Heinzer, présidente d'une organisation qui s'engage pour des tarifs psychiatriques équitables.
Une meilleure structure tarifaire ne suffirait pas à résoudre entièrement la situation de la psychiatrie pour enfants et adolescents, mais elle pourrait certainement la soulager quelque peu. Quant à Kathrin Gfeller, elle a finalement reçu le coup de téléphone tant attendu – après quatre mois d'attente. Sa fille Alessandra a été hospitalisée. Et la maman a enfin pu souffler.
*Noms d'emprunt