Un selfie façon candidat de Koh-Lanta
Les poils de torse et la barbe d'Alain Berset: un faux pas politique?

Le conseiller fédéral socialiste Alain Berset a publié un étonnant selfie sur Instagram ce dimanche. Il dévoile sa barbe hirsute et même ses poils de torse. Blick a interrogé deux experts pour décrypter ce que cette photo signifie en termes de communication politique.
Publié: 31.07.2023 à 14:46 heures
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Dernière mise à jour: 31.07.2023 à 16:55 heures
Ce dimanche, Alain Berset a publié un drôle de selfie. Les commentaires des internautes sont dithyrambiques.
Photo: Alain Berset/ Instagram
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Antoine HürlimannResponsable du pôle News et Enquêtes

Après «les pompes de clochard» d’Ignazio Cassis, les pulls «de papys ringards» du Conseil d’Etat fribourgeois, voici la dégaine de pouilleux d’Alain Berset. Sur Instagram, le conseiller fédéral affole les compteurs depuis ce dimanche: plus de 16’600 likes, à l’heure où ces lignes sont publiées, pour un selfie façon candidat hirsute de l'émission de TF1 Koh-Lanta.

Décrivons factuellement l’image. Le chef du Département fédéral de l’intérieur ne regarde pas l’objectif. Casquette vissée sur le crâne, il affiche une barbe grisonnante fournie. Son col en V laisse apparaître ses poils de torse. On est loin — très, très loin — de la représentation habituelle du chef d’Etat rasé de près et en costume-cravate.

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Alain Berset s’en amuse, avec les mots dièses #needashave (besoin d’un rasage, en français), #lookingforarazor (à la recherche d’un rasoir), #endofholidays (la fin des vacances) et #backtowork (de retour au travail). Et ça plaît! Du moins, à en croire la montagne d’internautes aux commentaires dithyrambiques qui lui recommandent de ne pas raser sa barbe et qui louent «sa ressemblance» avec George Clooney ou encore Sean Connery.

Une stratégie pour plaire

Un portrait — au naturel donc — qui nous raconte forcément quelque chose en termes de communication politique. Pour Romain Pittet, coprésident de la Société romande de relations publiques, le cliché n’est en effet pas anodin. «Cette photo interpelle, lance-t-il à Blick, ce lundi matin. Cet homme est Alain Berset, mais il ne ressemble pas Alain Berset. On est complètement hors des normes!»

Romain Pittet, coprésident de la Société romande de relations publiques.
Photo: D.R.

Pourquoi sortir pareillement des codes vestimentaires? D’après ce spécialiste de la communication, le conseiller fédéral socialiste «a toujours aimé plaire». Et s’afficher comme «quelqu’un de normal» est une manière de gagner en popularité. Un modus operandi que le Fribourgeois connaîtrait bien. «On l’a déjà vu en jeans ou en train de jouer du piano comme Monsieur Tout-le-Monde, rappelle-t-il. Toutefois, j’ai cette fois l’impression que la démarche va plus loin et qu’il nous montre, à l’approche de son départ du gouvernement qui interviendra à la fin de l’année, qu’il peut être autre chose qu’un ministre. Qu’il est avant tout un mec normal.»

Sur le fond, s’agit-il d’un faux pas politique ou d’un habile coup de com? «Sur moi en tout cas, ça fonctionne, glisse Romain Pittet. Je trouve que cette apparence lui va bien. C’est une belle photo que j’aurais moi aussi eue envie de partager sur les réseaux sociaux si je l’avais prise. Je m’identifie facilement à lui. D’autant plus qu’aujourd’hui, je porte aussi une casquette, la barbe et une chemise ouverte…»

Montrer sa «normalité» et «sa virilité»

Pour aller encore plus loin, Blick a également sondé John Antonakis, professeur ordinaire de comportement organisationnel à la Faculté des HEC de l’Université de Lausanne. Un expert qui connaît très bien l’importance de l’apparence des personnalités politiques. Pour mémoire, la revue «Science» publiait, en 2009, l’étude de ce chercheur qui révélait que des enfants pouvaient anticiper les choix électoraux des adultes sur la base de simples photographies des candidats.

John Antonakis, professeur ordinaire de comportement organisationnel à la Faculté des HEC de l’Université de Lausanne.
Photo: D.R.

À l’instar du coprésident de la Société romande de relations publiques, l’universitaire est sous le charme. «La photo d’Alain Berset mérite bien mon like et même que je m’abonne», dit-il en rigolant et en passant véritablement à l’acte.

Après avoir apposé son «j'aime», John Antonakis prend de la hauteur: «Avec cette photo, il sort du moule de président, comme avant lui Bill Clinton, immortalisé en train de jouer du saxophone, et Barack Obama, qui a dansé plusieurs fois en public. Je ne pense pas que cela soit une mauvaise chose: il signale qu’il est une personne normale. Par ailleurs, avec sa pilosité, il signale aussi sa virilité. Il nous dévoile l'homme Alain Berset, pas le conseiller fédéral Alain Berset.»

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Les dirigeantes sont-elles discriminées?

Entendu. Mais a-t-on le droit de montrer — et même de revendiquer — sa normalité quand on assume la plus haute fonction de l’Etat? «Selon moi, nous ne devons pas avoir de plus hauts standards pour une personne au pouvoir, rétorque le professeur. Toutefois, le timing est très important. En l’occurrence, celui d’Alain Berset, qui est sur le départ, est excellent. Je ne pense pas qu’il aurait pu faire la même chose au début de son mandat: certains auraient immanquablement dit qu’il n’était pas sérieux.»

Vous l'aurez compris: si vous faites de la politique, vous avez tout intérêt à vous montrer tel que vous êtes. Sauf... si vous êtes une femme. «Souvenez-vous de la vidéo de la Première ministre finlandaise Sanna Marin qui dansait lors d'une fête entre amis, souligne John Antonaki. Cela avait fait scandale. Un dirigeant qui aurait fait la même chose aurait probablement attiré la sympathie. On aurait dit de lui qu'il est humain, normal. Les femmes, elles, sont jugées selon d'autres standards, qu'on peut légitimement qualifier de discriminatoires.»

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