Je suis de retour du Niger. Le pays le plus pauvre du monde. Un pays plein de chantiers et de crises. Un pays où nous essayons de faire la différence depuis plusieurs décennies avec nos projets humanitaires. Un pays qui souffre. Un pays désertique. Un pays dont la population est incroyablement jeune. Un pays dans lequel seule la moitié des enfants vont à l'école.
Un pays qui, après des décennies d'instabilité politique, est aujourd'hui politiquement stable. Un pays qui a de l'espoir, malgré les problèmes et les défis multiples et difficiles: crise alimentaire, crise migratoire, défis sécuritaires, défis éducationnels, la liste est longue.
Pas seulement le mot-clé, mais la clé
Un pays qui subit déjà, en plus, les effets du changement climatique alors qu'il n'a pratiquement pas contribué au réchauffement de la planète. En tant que mère et femme, j'aimerais crier haut et fort. En tant que politicienne, je sais que crier ne sert à rien. Je sais aussi que l'éducation n'est pas seulement le mot-clé, mais la clé pour que ce pays ait un avenir. Si le pays parvient — et la volonté est là — à investir dans l'éducation et la formation pour donner une perspective aux jeunes, ces derniers donneront une perspective au pays.
Mais, au fond, en quoi l'avenir du Niger nous importe-t-il? Nous préférons débattre du problème de savoir si le président de la Confédération portait les bonnes chaussures. Quelle question importante! Et, en plus, elles étaient poussiéreuses. Les miennes aussi, d'ailleurs. C'était plutôt difficile à éviter dans un pays où le sable et la poussière sont partout et où il n'y a pas d'installations sanitaires partout, comme chez nous... Mais d'accord, la prochaine fois, j'emporterai dans mon sac à dos une deuxième paire de chaussures (propres!) pour moi et pour le président de la Confédération, afin que nous puissions discuter ici aussi en Suisse de ce qui est vraiment important.
Une goutte d'eau dans l'Océan
Car, croyez-le ou non, les chaussures du président de la Confédération n'étaient pas le sujet de ce voyage. Il s'agissait non seulement de renforcer les relations bilatérales entre nos deux pays, mais aussi de voir les problèmes sur place et les projets que nous, le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) et d'autres acteurs humanitaires et gouvernementaux avons mis sur pied pour faire une différence. Et c'est ce que nous faisons. Une goutte d'eau dans l'océan, certes, mais quand même. Chaque enfant qui reçoit une éducation a un avenir. Chaque handicapé qui reçoit une prothèse retrouve sa vie et sa dignité.
Et malgré tout, les problèmes sur place sont nombreux et complexes. Un problème en cache un autre. En raison de systèmes et institutions déjà souvent dépassés, les effets conjugués des changements environnementaux et climatiques, des conflits et des mauvaises pratiques ont des conséquences dramatiques pour les populations. Les déplacements de population exacerbent la pression sur les faibles ressources en eau, les pâturages, les forêts et les terres arables, et accélèrent la dégradation d'écosystèmes déjà fragilisés. Aussi, l'insécurité armée et les tensions intercommunautaires rendent difficile la mise en place de programmes durables de soutiens agricoles et pastoraux. En bref: la situation est loin d'être simple. C'est pourquoi nos projets sont importants. Peut-être plus importants que jamais. Et il n'y a pas que les chaussures qui se salissent au Niger.
Notre aide humanitaire compte!
J'en reviens donc avec trois conclusions. D'abord, la conclusion que notre tradition humanitaire et l'aide qui en découle et que nous fournissons sont importantes. Peut-être plus importantes que jamais. Ensuite, la conclusion que nous sommes appelés à réfléchir à notre définition de l'aide humanitaire. Les effets du changement climatique sont une réalité que nous devons prendre en compte si nous voulons continuer à faire une différence avec nos projets.
Et, enfin, la conclusion que dans un pays comme le Niger, qui ressent déjà les effets du changement climatique, il est plus que nécessaire de prendre des mesures pour lutter contre la poursuite du réchauffement climatique. Car si nous ne le faisons pas, nos projets, aussi bons soient-ils, finiront par ne plus être qu'une goutte d'eau dans l'océan. Le président de la Confédération pourrait porter ce qu'il veut. Même la deuxième paire de chaussures glissée dans mon sac à dos ne serait alors plus d'aucune utilité.