La chronique d'Irène Kälin
Une nouvelle année entre craintes et optimisme

Désormais bien engagée, l'année 2022 coïncide pour Irène Kälin avec la présidence du Conseil national. La première citoyenne du pays oscille entre deux sentiments: les craintes liées à la pandémie et les perspectives réjouissantes d'une sortie de crise prochaine.
Publié: 12.01.2022 à 13:23 heures
Représentante des Verts et du canton d'Argovie, Irène Kälin est la première citoyenne du pays durant l'année 2022.
Photo: Keystone

J'avais un peu disparu ces derniers temps. Même ici, en tant que chroniqueuse. Pour être très honnête avec vous, je n'apprécie pas vraiment cette période de transition entre deux années.

En allemand, on dit que c'est weder Fisch noch Vogel, «ni poisson ni oiseau». Vous en aurez compris la signification: l'année qui s'achève n'est pas vraiment terminée, mais tous les yeux sont déjà rivés vers la suivante. C'est un peu comme le calme avant la tempête, mais la tempête est déjà passée, en quelque sorte. On fait dans la rétrospective parce que l'on ne peut pas encore vraiment se tourner vers l'avenir.

Nous voilà enfin entrés pour de bon dans la nouvelle année — une année avec beaucoup de «2». Me revoilà donc. Tous mes voeux, chères lectrices et lecteurs. Je ne peux qu'espérer que cette année avec plein de «2» coïncide pour nous tous avec un millésime plus apaisant et moins exigeant.

Pour tout vous dire, j'aborde 2022 avec un oeil qui rit ou un oeil qui pleure, comme l'ont dit en français (en allemand, on parle de «zwei Herzen im Brust»: deux coeurs dans la poitrine!): avec espoirs et craintes en même temps. D'un côté, Omicron semble nous rapprocher de la fin de la pandémie, ce moment que l'on espère tous du plus profond de notre âme. Du moins, c'est ce que semblent indiquer les scientifiques de top niveau qui scrutent sans relâche ce nouveau variant devenu dominant. Je ne peux que me réjouir de cette perspective.

Un hôpital n'est pas un hôtel

Mais il y a un paradoxe: d'un autre côté, les chiffres officiels montrent des niveaux d'infection que nous n'avions jamais eus depuis le début de la pandémie. L'année n'est vieille que de moins de deux semaines, mais des hôtels ont déjà dû fermer parce que de trop nombreux employés se trouvent en isolement ou en quarantaine. Des trains sont supprimés. Les écoles font tout ce qu'elles peuvent pour continuer le «présentiel», ce néologisme apparu avec la pandémie.

Des familles doivent rester cloîtrées des semaines entières à la maison, parce que plusieurs membres sont positifs au Covid les uns après les autres. Et l'on espère de tout coeur que notre système de santé résiste à cette nouvelle offensive du virus. Le nombre d'hospitalisations est certes stable, ce qui est une bonne nouvelle mais ne nous met pas à l'abri pour autant: avec ces niveaux d'infection, le personnel risque aussi des isolements et des quarantaines à foison. Et un hôpital ne peut pas simplement fermer comme le ferait un hôtel en la circonstance. Cela me rend anxieuse.

Pour toutes ces raisons, j'aborde cette «année du 2» avec des sentiments mitigés — il y a toujours deux revers à la médaille. Il faut aussi être lucide et se rendre compte que les problèmes que nous avons emmenés avec nous de l'année dernière ne vont pas se résoudre d'un coup de baguette magique. Si seulement la nouvelle année était un nouveau départ! Soyons honnêtes: cela ne l'est pas. Il n'y a que le dernier chiffre au calendrier qui ait changé.

Il ne manque que la volonté politique!

Les problèmes d'hier restent les problèmes d'aujourd'hui. Prenons-en deux: avec le refus de la loi CO₂, nous sommes tout simplement au même point qu'avant, avec encore moins de solutions et une situation qui se détériore toujours un peu plus. S'il était minuit moins dix pour le climat en 2021, alors il pourrait bien être minuit moins cinq cette année...

Pourtant, nous avons tout en mains pour lutter contre la crise climatique: nous avons les moyens d'investir dans des solutions innovantes et nous pouvons facilement faire notre part du travail. Il n'y a que la volonté politique qui manque. En conséquence, les compromis qui apparaissent comme atteignable restent en-deçà de ce qui est nécessaire. Mais je préfère faire le choix de l'optimisme et de l'espoir: nous pouvons — et nous allons! — prendre les choses en main en 2022. Parce que nous devons le faire et parce que la planète est notre maison, la seule dont nous disposions.

L'année écoulée a aussi coïncidé avec un «plus bas» jamais atteint en ce qui concerne nos relations avec l'Union européenne. Je vous avoue que je reste interloquée face à l'histoire qui nous est ainsi servie: après des années de négociations et de progrès dans celles-ci, l'accord-cadre a été enterré. Tout simplement. Comment peut-on se contenter d'observer notre position s'affaiblir, au coeur de l'Europe? Est-ce qu'en dépit de la crise du Covid et le dérèglement climatique, nous allons si bien que nous pouvons faire cavalier seul sans relations cadrées avec nos voisins?

Pour que la Suisse ne soit pas une île

Là aussi, mes craintes sont grandes. Et j'espère que nous n'oublierons pas que l'Europe est également notre maison. Avec inquiétudes et espoirs: j'espère que tout le monde est dans cette optique. Car nous avons besoin d'espoirs et de perspectives pour la nouvelle année. L'espoir qu’avec Omicron, nous soyons vraiment arrivés au début de la fin de la pandémie et que le début de la fin ne devienne pas une horreur sans fin. L'espoir également que nous ferons tout en notre pouvoir pour maîtriser la crise climatique — nous le devons à nos enfants. Nous pouvons le faire, nous devons le faire!

Et l'espoir enfin que nous ne nous retrouvions pas comme une île au milieu de l'Europe, par notre propre faute. Plus que jamais, nous devons tous nous serrer les coudes. Nous devons aborder toutes ces craintes avec solidarité.

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