Un médecin témoigne contre la clinique de Zurich
«Il y a effectivement eu plus d'opérations du cœur ratées entre 2016 et 2020»

Thierry Carrel, l'ancien directeur de la clinique de chirurgie cardiaque de Zurich affirme que sous son prédécesseur, des patients sont morts alors qu'ils auraient probablement survécu à la même intervention dans un autre hôpital.
Publié: 04.08.2024 à 15:35 heures
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Thierry Carrel a dirigé pendant deux ans la chirurgie cardiaque de l'hôpital universitaire de Zurich en tant que codirecteur.
Photo: Keystone
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Andreas Schmid

Les déclarations du médecin suisse Thierry Carrel sont explosives. Pour la première fois, il s'exprime sur les conditions de travail qu'il a rencontrées en tant que codirecteur de la clinique de chirurgie cardiaque de l'hôpital universitaire de Zurich (USZ). Interrogé sur les erreurs de traitement qui auraient entraîné des décès et des dommages aux patients sous son prédécesseur Francesco Maisano et qui ont été rendues publiques il y a quatre ans par un lanceur d'alerte, Thierry Carrel constate: «C'est un fait que la mortalité lors d'opérations cardiaques entre 2016 et 2020 a dépassé de plusieurs fois les valeurs attendues.» Il l'affirme, bien qu'il ne connaisse pas les détails de ces interventions.

Thierry Carrel renvoie aux données de l'Office fédéral de la santé publique (OFSP) de cette période. Si l'on analyse les caractéristiques de qualité des hôpitaux suisses de soins pour la chirurgie cardiaque de l'USZ, «il s'agit probablement de 100 à 200 patients qui ne seraient très probablement pas décédés lors de la même intervention dans un autre hôpital universitaire.»

Tous les cas en ligne de mire

Concernant cette accusation, la porte-parole de l'USZ Martina Pletscher précise: «La taskforce indépendante annoncée en mai va examiner tous les cas de la clinique de chirurgie cardiaque datant de cette époque et ayant entraîné des décès ou des complications.» Lors de certaines de ces opérations, un implant présumé défectueux, qui avait été codéveloppé par le directeur de la clinique Francesco Maisano, avait été mis en place. La mise à jour de la taskforce concerne également ces interventions, précise la porte-parole. Elle souligne en outre que les cas signalés ont déjà été examinés par un cabinet d'avocats externe «avec le concours d'experts médicaux».

Thierry Carrel considère que le travail de mise à jour effectué jusqu'à présent n'est pas suffisant et que la convocation d'une taskforce est tardive. Selon le médecin, les chiffres publics de l'OFSP auraient dû alerter depuis longtemps. De plus, des rapports détaillés avaient déjà été publiés dans les médias il y a plusieurs années. «Je ne comprends donc pas pourquoi les dysfonctionnements n'ont pas été abordés», déclare Thierry Carrel, qui a dirigé la chirurgie cardiaque de l'USZ avec Paul Vogt de 2021 à 2022. Auparavant, il avait travaillé pendant plus de 20 ans à l'Hôpital de l'Île à Berne et s'était également fait un nom au niveau international en tant que chercheur et professeur d'université.

Les dysfonctionnements sous Francesco Maisano étaient de grande ampleur, souligne Thierry Carrel. Selon les chiffres de l'OFSP, les résultats des opérations étaient «très mauvais» dans plusieurs domaines. De nombreux facteurs sont déterminants pour le succès d'une opération du cœur, comme la procédure de traitement, la réalisation technique ou le traitement postopératoire aux soins intensifs.

Une enquête pénale «logique»

Il faudra maintenant des années de travail pour regagner la confiance des services d'orientation et des patients. Thierry Carrel le dit: «Cela ne dépend pas seulement des personnes, mais aussi de la culture d'une clinique.» Le médecin estime «logique» qu'en plus de la taskforce que l'USZ a mise en place pour enquêter sur les cas, une procédure pénale puisse être engagée suite à une plainte du lanceur d'alerte André Plass, en raison de l'ampleur supposée des problèmes.

Paul Vogt, qui a dirigé la chirurgie cardiaque de l'USZ avec Thierry Carrel de 2021 à 2022, avait déjà demandé à plusieurs reprises une mise au point sur les erreurs de traitement antérieures. Paul Vogt le répète: «Les taux de mortalité beaucoup trop élevés de tous les patients de chirurgie cardiaque doivent être examinés.» Le ministère public doit se pencher sur l'utilisation des implants défectueux, car il s'agit d'un «homicide multiple par dol éventuel».

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