Un lecteur s'offusque
Pourquoi la Ville de Genève jette-t-elle des bananiers?

Lundi, des jardiniers de la Ville de Genève ont été aperçus en train de déverser des bananiers «dans une benne à ordures». Du «gaspillage» et une «absurdité écologique», s'énerve un lecteur. Vraiment? C'est bien plus compliqué que ça...
Publié: 16.09.2022 à 12:02 heures
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Dernière mise à jour: 16.09.2022 à 12:05 heures
Seule une quinzaine de bananiers ont fini au compost municipal, et pour de bonnes raisons, rétorque Jean-Gabriel Brunet, chef de service des espaces verts.
Photo: DR
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Amit Juillard

Il ne décolère pas, ce lecteur genevois. «Lundi, je me promenais sur les quais côté Eaux-Vives, amorce-t-il au téléphone. Et j’ai été choqué de voir des bananiers appartenant à la Ville jetés dans une benne à ordures par les jardiniers municipaux.» Attendez… Des bananiers sur la rive gauche?!

Cet été caniculaire a vu fleurir du 9 juin au 11 septembre une structure éphémère proche de Baby-Plage, sur le béton du quai Gustave-Ador: la Canopée. Dans cet espace, une buvette tenue par la Fédération genevoise des associations LGBT, des food trucks, des hamacs, de l’ombre, de la zumba, du yoga et… une quarantaine de bananiers en pot. Enfin, entre autres. Des fraisiers, des verveines, aussi. Affluence: 15’000 personnes en trois mois.

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«Les badauds étaient effarés de voir un tel gaspillage, reprend notre citoyen, qui préfère rester anonyme. J’en ai même vu repartir avec un bananier sur le vélo. C’est une absurdité écologique!» Il se marre: «Un bananier, ça vit plus que trois mois!» Et c’est capable de passer l’hiver, ajoute-t-il: «Mon papa, passionné de jardinage, les emballe simplement dans des feuilles mortes et les fait vivre de longues années. Et la durabilité?»

Pas tous compostés

Alors, scandale? Pour répondre à cette question, il faut appeler Jean-Gabriel Brunet, chef du Service des espaces verts (SEVE). Commençons par un tour du propriétaire: «À la Canopée, la majorité des plantes étaient comestibles, comme les fraisiers ou les sauges. Celles-ci sont saisonnières, nous nous en sommes donc séparés. Ensuite, sur la structure, nous avions posé des bananiers et du houblon. Le houblon a été complètement récupéré.»

Pour les bananiers, c’est plus complexe. Si vous n’y connaissez rien en horticulture, vous allez apprendre quelque chose. Certains ont bien été débarrassés, c’est vrai. Mais pour de bonnes raisons, promet Jean-Gabriel Brunet. «Déjà, il faut savoir que ces bananiers sont ornementaux: ils ne sont pas destinés à donner les mêmes fruits que vous trouvez en grandes surfaces. Ensuite, parmi ceux disposés à la Canopée, nous ne les avons pas tous traités de la même manière…»

Les jeunes — une vingtaine — ont été transférés dans les serres municipales à Vessy, où ils hiverneront, explique-t-il. D’autres, une petite dizaine, sont partis en direction de la Jonction, où ils participeront à la fête qui célébrera l’inauguration du nouveau quartier.

Avoir la banane et mourir

Il y a aussi ceux tombés au combat. «Malheureusement, la semaine du 5 septembre, une petite dizaine de bananiers a été victime de dégradations nocturnes de plusieurs Indiana Jones en herbe… Ils ont été fatalement endommagés par des lames tranchantes.»

«Certains de ces bananiers ornementaux se mettent à produire des régimes de bananes, puis meurent», nous apprend Jean-Gabriel Brunet.
Photo: KEYSTONE/MARTIAL TREZZINI

Enfin — et c’est là que la liste de vos savoirs inutiles s’allonge, il y a les plus vieux: «Au bout de six ou sept ans, certains de ces bananiers ornementaux se mettent à produire des régimes de bananes, puis meurent. C’est ainsi que fonctionne cette plante: après avoir rendu de bons et loyaux services, entre six et sept nouvelles petites pousses prennent le relais à son pied.»

Dans l’ombre, du lien social

Les plus vénérables des bananiers posent encore un autre problème, argumente-t-il: «Ils deviennent trop gros pour être conservés. Nous devrions les mettre dans d’immenses pots et les arroser avec énormément d’eau…» En tout, une quinzaine ont été envoyés au compost municipal.

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Anticipant la question suivante, le fonctionnaire se relance: «On peut discuter de la pertinence d’aménager des espaces verts pour quelques mois seulement, mais la Canopée a amené de l’ombre dans un lieu très minéralisé et a été créatrice de lien social et culturel.»

Vivement Noël, qu’on puisse parler des immenses sapins dressés — et illuminés? — dans les centres-villes!

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