Ce n’est pas un scoop: trouver un appartement à Genève, c’est comme chercher une aiguille dans une botte de foin – pour le commun des mortels du moins. Et la question du logement risque d’être au centre de la course au Conseil d’Etat, dont le coup d’envoi sonnera au printemps 2023. C’est-à-dire demain. Dans les starting-blocks, la gauche et la droite se positionnent d’ores et déjà pour tenter de répondre à ce qui est la pire pénurie que le canton ait connue depuis 2013.
Dans une interview accordée à la «Tribune de Genève», le conseiller d’État Antonio Hodgers, à la tête du Département du territoire (DT) depuis presque une décennie, présente en ce sens la carte de visite de son parti: limiter l’arrivée des riches étrangers et des multinationales, construire davantage pour les frontaliers et les pauvres, privilégier les PME – et tant pis pour la fiscalité. Pour l’élu de gauche, il faut de fait «freiner le développement des multinationales. C’est ainsi, et ainsi seulement, qu’on peut parvenir à maîtriser la croissance démographique. Mais cela aura pour conséquence une baisse des rentrées fiscales», admet-il dans les colonnes du journal genevois.
Un plan d’action qui n’est, de manière prévisible, pas du goût de la droite. Pour l’élue PLR Diane Barbier-Mueller, juriste en immobilier de profession et siégeant à la commission parlementaire pour le logement, le nerf de la guerre est ailleurs: il faut rendre les procédures de construction plus souples, et se calmer sur les logements subventionnés. Elle nous explique pourquoi.
Diane Barbier-Mueller, pour remédier à la crise du logement, «la machine économique doit ralentir», avancent les Verts, incarnés par Antonio Hodgers au Département du territoire. La décroissance, c’est envisageable pour une libérale comme vous?
Antonio Hodgers a en partie raison: plus Genève va se développer, plus nous aurons besoin de logements. Et le problème de notre canton – de notre pays, en général – est que nous ne pouvons pas croître à tout prix, car nous n’avons pas assez de place. Mais, pour moi, le problème à Genève, c’est aussi le type de logements que nous construisons. Dans notre canton, le nombre de naissances est inférieur aux décès. Il faut en déduire que nous construisons principalement pour la migration.
La faute aux étrangers, donc?
Non, c’est bien plus complexe que cela. De façon générale, nous construisons énormément de logements sociaux, type HBM (ndlr: Habitation Bon Marché, subventionnée par l’Etat, et destinée aux personnes à revenus modestes). Le problème de ces constructions, de plus en plus nombreuses, c’est que la classe moyenne n’y a pas accès. Et, qui plus est, nous sommes l’un des cantons fiscalement les plus attractifs pour les bas revenus.
Selon cette logique, il faudrait avant tout cibler la classe moyenne pour régler la pénurie de logements.
Oui. Les gens de la classe moyenne ont été, pendant des années, les grands oubliés du logement à Genève. A la suite d’un accord passé en 2020, leur situation devrait déjà un peu s’améliorer: nous allons construire davantage de logements non subventionnés mais contrôlés par l’Etat, accessibles à cette tranche de revenus – c’est acté. Mais un problème demeure: entre la prise de décision et la construction, cela prendra au moins dix ans avant que la population ne puisse réellement y accéder.
Et que proposerait le PLR, pour remédier à ça?
Il faudrait plus de souplesse bureaucratique entre le moment du dépôt de l’autorisation de construire et la construction… Ce laps de temps pouvant aller jusqu’à dix ans, nous courrons toujours derrière le train en termes de besoins. Et c’est la classe moyenne qui en souffre le plus. Pour moi, nous devons désormais faire en sorte que ces procédures s’adaptent mieux, et plus rapidement, aux réalités du marché. Nous devons pouvoir modifier les projets en cours de route, ce qui n’est pour l’heure pas le cas.
Finalement, pour vous, il n’y a aucun lien de causalité entre la présence de grandes multinationales et la pénurie de logement à Genève?
Je ne pense pas que nous abritons aujourd’hui plus de multinationales qu’il y a dix ans. Ce n’est donc pas uniquement de leur faute. Si l’on y regarde de plus près, tout a crû à Genève. Il y a davantage de postes dans le secteur public, aussi – et il faut bien loger ces employés, parfois frontaliers. En réalité, absolument tous les secteurs présents dans le canton recrutent des frontaliers, causant une augmentation de la population active à Genève.