Un geste «incompréhensible»
Ce socialiste sabote une loi contre le viol et s'attire les foudres de ses collègues

Une alliance de politiciennes veut rendre punissable la non-assistance à personne en danger en cas de blessures psychiques et physiques graves. Mais la commission compétente du Conseil des Etats, menée par Daniel Jositsch, a rejeté cette idée.
Publié: 09.04.2025 à 19:47 heures
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Avec sa voix prépondérante, Daniel Jositsch a fait échouer l'approbation d'une proposition de sa collègue socialiste Tamara Funiciello.
Photo: keystone-sda.ch
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Sophie Reinhardt

Si vous voyez une personne au sol dans la rue en plein AVC, il est de votre devoir de lui porter secours au risque d'encourir une sanction pour non-assistance à personne en danger. Mais en cas de viol, c'est différent. Si vous assistez à une telle agression et prenez la fuite, vous ne risquez rien – du moins c'est ce qu'a clairement établi un jugement du Tribunal fédéral en 2021.

Viol? Pas une question de survie

Cette affaire était celle d'une jeune femme qui avait eu des relations sexuelles consenties avec un homme. Il avait ensuite appelé un ami dans la chambre et exigé qu'elle couche à présent avec lui. Elle n'en avait pas envie et l'avait clairement exprimé mais il les avait laissés seuls et elle a été violée. 

Seul son violeur a été condamné, car le Tribunal fédéral a acquitté son partenaire sexuel pour complicité et non-assistance à personne en danger, estimant qu'il ne s'agissait pas d'une question de survie pour la victime. Selon le jugement, ses blessures physiques ou psychiques ne suffisaient pas pour être condamné pour non-assistance à personne en danger.

Une réforme en approche

Ce jugement a suscité la colère de nombreuses élues au Parlement de la Berne fédérale, qui ont demandé une adaptation du code pénal. A l'avenir, la non-assistance à personne en danger doit être punie même si la victime ne subit que de «graves blessures psychiques et physiques», a demandé Tamara Funiciello.

La conseillère nationale socialiste a reçu un large soutien et sa demande a été signée non seulement par nombreuses personnes de gauche mais aussi par des parlementaires PLR comme Jacqueline de Quattro, la conseillère nationale verte libérale Corina Gredig ou la conseillère nationale du Centre Marie-France Roth Pasquier.

Cette demande a aussi été soutenue à l'unanimité par la Commission des affaires juridiques du Conseil national l'année dernière, et le Conseil national s'est aligné sans discussion. Mais c'était sans compter le Conseil des Etats. Sa commission compétente a fait échouer l'intervention la semaine dernière, un sabotage porté par le conseiller aux Etats socialiste Daniel Jositsch. Le professeur de droit pénal zurichois a fait en sorte, par sa voix prépondérante, que la commission rejette la demande. Interrogé par Blick, Daniel Jositsch n'a pas fourni d'explications mais s'est contenté de répondre qu'il était à l'étranger.

Une position «incompréhensible»

Le Conseil des Etats semble craindre que le code pénal devienne trop flou et qu'il devienne impossible de distinguer un comportement moralement souhaitable d'une omission pénalement sanctionnée. L'autrice de la motion ne comprend pas du tout cette décision. Elle souhaite une société «qui sanctionne ceux qui détournent le regard en cas de viol».

Elle trouve «incompréhensible» qu'un collègue du PS ait fait échouer sa demande. «Surtout lorsque l'ampleur de la violence sexiste est si visible dans notre société», a-t-elle ajouté. Pour elle, le fait que la société veuille assumer si peu de responsabilités est mauvais signe. 

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