Un EMS pourra devenir une maison close
Le Tribunal fédéral juge le règlement sur la prostitution de Lucens trop restrictif

Un propriétaire souhaitait transformer un EMS en maison close, mais la commune s'y est opposée en adoptant un règlement sur la prostitution. La justice a donné raison au propriétaire.
Publié: 06.09.2024 à 12:55 heures
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Dernière mise à jour: 06.09.2024 à 13:39 heures
La justice s'est mêlée de l'affaire du salon de prostitution à Lucens, qui a divisé propriétaire et commune,

Lucens, dans le canton de Vaud, est allé trop loin en interdisant la prostitution dans un rayon de 100 mètres autour de certains lieux sensibles. Le Tribunal fédéral annule une disposition du règlement communal contesté par une société immobilière.

Réunie en audience publique vendredi, la deuxième Cour de droit public a admis partiellement le recours de la société propriétaire d'un ancien EMS. Cette dernière souhaitait le transformer en salon de prostitution. La commune avait alors réagi en adoptant un règlement régissant cette activité et l'interdisant dans les zones d'habitation ainsi qu'à proximité de certains lieux tels que commerces d'alimentation, cabinets médicaux, crèches et écoles ou encore églises.

Pour la majorité des juges, le rayon d'interdiction de 100 mètres autour de ces lieux est trop étendu. Il aboutit à une exclusion de la prostitution en salon sur une grande partie du territoire communal, y compris là où son exercice ne contrevient pas à l'intérêt public, ce qui est contraire à la liberté du commerce. Concrètement, seule la zone industrielle et une petite partie de la zone artisanale pourraient accueillir des salons.

Précédent payernois

La présidente et juge rapportrice a rappelé l'arrêt rendu en 2015 sur le règlement similaire de la commune de Payerne (VD). Ce texte prévoyait une interdiction «aux abords» des mêmes lieux sensibles. Le Tribunal fédéral avait alors estimé que le règlement aboutissait à une restriction considérable du secteur où la prostitution en salon était admise mais qu'il pouvait encore être interprété de manière compatible avec la liberté économique.

En l'espèce, la zone tampon de 100 mètres va au-delà du nécessaire, ont estimé les trois juges majoritaires. La protection de la population et le souci de préserver la tranquillité et la décence publiques ne justifient pas des périmètres d'exclusion aussi étendus.

La possibilité prévue par le règlement d'accorder des exceptions n'a pas pesé lourd dans la balance. Un tel régime ne rend pas admissible une règle fondamentalement disproportionnée. En outre, la position de la Municipalité, qui a vivement combattu le projet de la recourante, vide cette solution de sa substance.

Disposition annulée

La majorité du collège a donc conclu à l'annulation du périmètre d'exclusion. Elle a cependant évoqué la possibilité pour Lucens d'adopter une disposition moins contraignante, à l'instar de Payerne.

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«L'intérêt public à protéger la population des effets négatifs de la prostitution est important»
La contre-rapportrice
»

Les deux juges minoritaires ont souligné que le tribunal évoluait là au cœur de l'autonomie communale. Appelé à procéder au contrôle abstrait d'une norme légale, il était tenu de faire preuve d'une grande retenue. «La prostitution n'est pas une activité économique comme les autres, a souligné la contre-rapportrice. Elle entraîne de nombreuses nuisances et beaucoup de communes ont adopté des règlements spécifiques.»

Pour ces magistrates, le règlement de Lucens demeure acceptable dès lors qu'il n'exclut ni totalement, ni concrètement l'installation de salons dans la commune. «L'intérêt public à protéger la population des effets négatifs de la prostitution est important», a souligné l'une d'elles, estimant que le Tribunal fédéral ne devait pas intervenir.

Le rayon de 100 mètres trop grand

Fin 2022, le Conseil communal de Lucens a adopté le règlement communal sur l'exercice de la prostitution. Selon l'article 7, la prostitution de salon est prohibée en permanence dans les bâtiments principalement affectés à l'habitation et les zones à prépondérance d'habitat, ainsi que dans un périmètre de 100 mètres aux abords de celles-ci. L'activité est également interdite à moins de 100 mètres des lieux de culte, cimetières, bâtiments préscolaires, scolaires, structures d'accueil collectif pour la petite enfance, de formation professionnelle, homes, appartements protégés et hôpitaux.

Pour la majorité des juges, le rayon d'interdiction de 100 mètres autour de ces lieux est trop étendu. Il aboutit à une exclusion de la prostitution sur une grande partie du territoire communal, ce qui est contraire à la liberté du commerce. Cette disposition du règlement est donc annulée.

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